En pleine nuit, le 13 janvier dernier, 143 personnes ont dû être évacuées de leurs logements, à Montmorency, dans le Val-d’Oise, car leur immeuble risquait de s’effondrer. Aucune solution de relogement n’a été proposée par la municipalité. Une situation dénoncée par les habitants et des élus d’opposition.
Ils ont quitté leurs logements il y a quinze jours et depuis, les propriétaires de la résidence Panoramique et celle des Parcs de Montmorency sont dans l’incertitude. "On vit très mal cette situation, on ne sait pas où on sera demain, ni où on va dormir, c’est très compliqué… On ne sait pas quoi faire", témoigne un propriétaire, vivant dans l’immeuble depuis 2008.
Mi-janvier, plus de 70 familles avaient dû être évacuées à la suite d’un glissement de terrain. Le parking menace toujours de s’effondrer, le flanc de colline sur lequel l’immeuble repose s’est affaissé et il y a un risque de coulées de boues. Vendredi dernier, les experts judiciaires ont rendu leurs premières conclusions : le péril est bien imminent et les logements restent inaccessibles, jusqu’à nouvel ordre.
En attendant, les habitants doivent se débrouiller. "Comme on est propriétaires, la mairie ne peut rien faire pour nous, ça je le comprends", poursuit cet habitant souhaitant rester anonyme, "mais on n’a pas de sinistre visible dans notre appartement, tout est à l’extérieur sur le parking, alors les assurances disent ne pas pouvoir nous prendre en charge. On a plein de frais qui s’ajoutent et se cumulent. Entre le crédit de l’appartement, la location temporaire… Moi, j’ai eu une petite enveloppe de 960 euros pour me reloger ce mois-ci et j’ai quand même dû payer deux nuits de ma poche." Actuellement, avec son épouse et ses deux enfants de 12 et 15 ans, ils louent un petit appartement via Airbnb, non loin de Montmorency, pour rester proche des établissements scolaires et de leurs lieux de travail.
Une situation "intolérable"
Plusieurs habitants ont ainsi lancé une pétition qui a récolté 396 signatures - au moment où nous écrivons cet article. Ils jugent la situation "intolérable, incompréhensible et en totale contradiction avec les principes fondamentaux de dignité et de protection des citoyens." Ils réclament en urgence des solutions de relogement temporaire et une meilleure communication "avec les résidents concernés, en vue de les tenir informés des démarches et des solutions envisagées pour leur réinsertion dans un logement sûr."
Yohann Baldé est, lui aussi, propriétaire au sein de cette résidence, il y vit depuis 18 ans. "La première semaine, j’ai dormi dans ma voiture. Le gymnase était plein, il n’y avait pas assez de lits de camp pour tout le monde", raconte-t-il. La semaine suivante, son épouse et sa fille de 4 ans qui n’étaient pas là lors de l’évacuation, sont revenues. Tous les trois ont dormi à l’hôtel, puis chez des Montmorencéens solidaires. Grâce à la municipalité, ils vont pouvoir intégrer durant 1 mois un logement jusqu’alors vide. "Une propriétaire a bien voulu nous prêter son appartement, gratuitement. On devra quand même payer les charges", précise-t-il.
Yohann Baldé a signé la pétition, malgré la mise en place de cette solution temporaire. "On a la boule au ventre de se lever le matin, on a un poids sur la tête. Cette solution est une bonne chose, car on ne dormira pas dehors, mais dans un mois… Rien ne sera réglé. On ne va pas réintégrer nos logements avant mars au bas mot". Il aimerait ainsi que la mairie aille plus loin et aide tous les habitants à se reloger. "On ne demande pas un logement gratuit ! Juste stable et pérenne."
On a la boule au ventre de se lever le matin, on a un poids sur la tête. Cette solution est une bonne chose car on ne dormira pas dehors mais dans un mois… Rien ne sera réglé.
Yohann Baldé, propriétaire
Une position que partage Romain Eskenazi, député (PS) et conseiller municipal d’opposition à Montmorency. Il a adressé un courrier au maire et a recensé une vingtaine de familles à reloger en priorité. "La mairie doit prendre ses responsabilités et assumer budgétairement le relogement de ces familles, le temps que les travaux soient effectués", détaille l’élu, "c’est à la copropriété de payer ces travaux bien entendu, avec des subventions. Mais c’est à la ville, dans un élan de solidarité, d’aider ces gens. Ça n’est pas une obligation légale, mais un devoir moral. On ne laisse pas des familles en détresse, avec des enfants, avec des personnes âgées, être trimballées de chambre d’amis en chambre d’amis."
Romain Eskenazi estime que la ville "a les moyens" d’aider. "J’ai fait les calculs. 20 appartements à 500 euros… ça fait 30 000 euros pour 3 mois. C’est tout à fait faisable, la ville est en bonne santé financière." Il déplore aussi le manque de communication de la municipalité, qui n’était pas présente lors d’une réunion du syndic de copropriété samedi dernier.
Un accompagnement individuel, pas de relogement
De son côté, Maxime Thory, maire (LR) de Montmorency dément les propos concernant le manque de place dans le gymnase. "Le gymnase que nous avons ouvert en 1 h 30 pour héberger les sinistrés n’a jamais été plein. Si cela avait été le cas, nous en aurions bien sûr ouvert un deuxième avec la protection civile. Nous avions ouvert un gymnase avec près de 200 places potentielles, et il y a eu 42 personnes hébergées la première nuit, 6 personnes la deuxième et personne la troisième.
Il dénonce une récupération politique. "C’est une gestion complexe, car le sinistre est sur des parcelles privées", relate-t-il. "Faire de fausses promesses est irresponsable. Nous n’avons pas 70 logements à mobiliser. Et reloger ces 70 familles, ce serait plus d’un million d’euros par an pour la ville."
Pour autant, la mairie indique tenter de trouver des solutions pour chaque cas. "Juridiquement, la commune n’est pas responsable du relogement, mais il y a un accompagnement individuel. Par exemple, on a accompagné plusieurs personnes pour qu’elles entrent dans notre résidence autonomie, on a appelé les différents Ehpad pour accompagner les personnes âgées qui pouvaient y être éligibles", retrace l’élu. "On n’a pas attendu avant de recenser chaque situation, on les connaît et on travaille dessus depuis dix jours avec le CCAS (centre communal d'action sociale) pour apporter une réponse adaptée."
La ville propose également un accompagnement juridique gratuit pour les sinistrés.
Une demande de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle a été déposée, ce qui permettrait aux habitants d’être mieux pris en charge par leurs assurances respectives. Une réunion d’information auprès des sinistrés est également prévue mercredi prochain.
Dans le même temps, au sein de la résidence, la zone de sécurité autour du parking a été étendue, des fissures seront rebouchées, le suivi sera renforcé et de nouvelles investigations vont être menées.