Actes antisémites dans les taxis : "Je ne te prends pas, sale juif", la communauté juive inquiète

Depuis le début du conflit en Israël, les actes antisémites connaissent une recrudescence à Paris et en Île-de-France. Un phénomène qui n'épargne pas les clients de confession juive des sociétés de taxis et VTC. Certains se sont vus refuser des prises en charge, quand d'autres craignent tout simplement de monter à bord.

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"Si je t'avais pris dans mon taxi, je t'aurais égorgé, toi, ta femme et tes enfants." Dans son édition de ce mercredi, le Canard Enchainé a révélé les propos d'un conducteur de taxi tenus le 11 octobre dernier à l'encontre d'une famille de confession juive.

Arrivés à l'aéroport d'Orly en provenance de Tel-Aviv en Israël, le couple et ses trois enfants se sont vus refuser par un chauffeur qui ne voulait pas prendre à bord de son véhicule des personnes de confession juive. "Je ne te prends pas, sale juif", a-t-il lancé. Des propos confirmés par le parquet de Paris. Le conducteur âgé de 28 ans a ensuite menacé de les égorger.

Le chauffeur jugé en mai 2024

La famille a refusé de porter plainte par peur des représailles selon le journal hebdomadaire. Le ministère public s'est saisi de l'affaire. L'enquête a été confiée à l'unité de contrôle des transports de personnes, relevant de la préfecture de police, a précisé le parquet. Le conducteur G7 est poursuivi pour "menaces de mort en raison de la race, l'ethnie, la nationalité ou la religion."

Il sera jugé devant le tribunal correctionnel de Créteil en mai 2024. Il a été placé sous contrôle judiciaire pour "menace de mort réitérée, commise en raison de la race, de l'ethnie, la nation ou la religion", et "discrimination fondée sur la religion" pour avoir refusé son taxi à cette famille.

En interne, il a été convoqué en conseil de discipline et s'est vu retirer sa plaque. Selon le journal satirique, la préfecture de police de Paris se dit inquiète de l'augmentation des insultes antisémites proférées par les chauffeurs de taxi parisiens depuis le 7 octobre dernier.

"La situation est anxiogène"

Plusieurs membres de la communauté juive partagent cette inquiétude. Sarah, Franco-Israélienne est mère de trois enfants. Née en France, elle réside en Israël depuis 10 ans et doit se rendre à Paris pour les fêtes de fin d'année. Celle-ci a d'ores et déjà demandé à des membres de sa famille de venir la chercher lors de son atterrissage à Roissy. "Je préfère cette option. Cela est d'autant plus vrai quand on a des bagages étiquetés Tel-Aviv. La situation est anxiogène à Paris."

Sarah affirme que ses habitudes de transports ont changé face à la montée des actes antisémites en France. "Cela fait plusieurs années que je ne prends plus de Uber ou de taxis en station en arrivant à l'aéroport ou dans Paris. Je ne prends que des G7 via l'application car il y a un traçage, c'est plus sécurisant", affirme-t-elle. Mais aujourd'hui, réagissant aux propos antisémites tenus par le chauffeur de taxi à Orly, elle avoue ne plus savoir "sur quel pied danser". Une certitude : "si je n'avais pas pris mes billets d'avion avant le début du conflit, je ne serais pas venue à Paris", poursuit Sarah qui confie également : "Dans les taxis, on ne prononce pas le mot Israël. On ne prononce pas nos prénoms bibliques. On fait attention à ce que l'on dit, et on enlève toutes les distinctions religieuses que l'on peut porter."

Depuis le 7 octobre et l'attaque du Hamas sur le sol israélien, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) note de son côté une augmentation du nombre de signalements d'actes antisémites dans les taxis et VTC. "Ce sont souvent des insultes sur la judaïté des clients ou en lien avec le conflit actuel. Une victime nous a raconté qu'un chauffeur Uber avait rallongé son trajet sans qu'elle en ait fait la demande en l'insultant elle et ses enfants", raconte notamment Benjamin Allouche, membre du bureau exécutif du Crif. Il affirme également que certains clients en viennent à changer de nom pour pouvoir être pris en charge. "Le nom est souvent le premier facteur qui pousse certains conducteurs à ne pas prendre tel ou tel client parce que juif."

Le Crif incite les victimes de ce type d'actes à porter plainte. "Il faut que les auteurs soient condamnés par la justice. La justice doit montrer que ces comportements ne sont pas acceptables", précise le membre du bureau exécutif. Le CRIF souligne également que ce genre d'actes sont de plus en plus fréquents lors des livraisons de repas à domicile. "Certains livreurs voyant des mézouzahs, objets typiques situés à l'entrée des maisons juives, font demi-tour ou endommagent volontairement certains aliments avant la livraison", déplore Benjamin Allouche.

Des actes "intolérables"

Dans un communiqué, la société G7 qualifie les propos du chauffeur visé par l'article du Canard Enchainé "d'intolérables." Elle rappelle que les chauffeurs affiliés G7 sont indépendants et n'effectuent qu'une partie de leur course avec la plateforme.

Le trajet concerné n'a pas été commandé via G7 selon le communiqué. Enfin, il est précisé que le chauffeur est actuellement suspendu dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours et "n’exerce donc plus la profession de chauffeur de taxi" pour la plateforme. La société affirme en conclusion qu'elle "continuera à faire preuve d’une fermeté absolue vis-à-vis de toutes les formes de violence et de discrimination."

Sur X, anciennement Twitter, le ministre des Transports, Clément Beaune, a dénoncé "un acte d'une gravité absolue" et annoncé que le chauffeur "était suspendu de toute activité". Une "procédure disciplinaire" a été lancée à l'encontre du mis en cause, a-t-il ajouté. "Nous ne laisserons rien passer", a-t-il conclu.

Depuis l'attaque du Hamas, le ministère de l'Intérieur a recensé 1518 actes antisémites en France d'après un décompte datant du 14 novembre dernier.

 

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