PORTRAIT. Robert Marchant, paraplégique, il gravit les montagnes à la force des ses bras

Le 20 août prochain, Robert Marchant se lance un nouveau défi. Faire le tour du Mont-Blanc avec son vélo-à-bras et un sponsor de taille, son bailleu social. Cet homme de 72 ans atteint d'une paraplégie incomplète a déjà gravi plusieurs sommets à l'aide de son véhicule adapté. Une ode au dépassement de soi pour ce sportif de toujours.

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La vie de Robert Marchant est semblable à un roman. C'est l'histoire d'un homme passionné par les défis. Un sportif attiré par l'air pur des montagnes. Le récit d'un altruiste qui a dû repenser sa pratique du sport suite à un accident qui a changé sa vie.

Son terrain de jeu : les plus hautes montagnes de France. Son outil de travail : un vélo à bras qu'il a appris à manier à la perfection. Le Mont-Ventoux, l'Alpe d'Huez ou encore le col du Galibier, il enchaîne année après année les ascensions et les exploits. À travers cela, il veut prouver que "ce n'est pas parce qu'on est handicapé qu'on ne peut pas se dépasser".

Son objectif cette année : gravir le Mont-Blanc avec son véhicule qu'il tracte à l'aide de ses bras. Un challenge, mais aussi un amusement pour celui qui pratique le dépassement de soi au quotidien.

À Champigny, dans le Val-de-Marne où il réside, cet ancien instructeur de gymnastique de 72 ans est une célébrité. Les passants le regardent parfois interloqués, dévaler les pistes cyclables des alentours sur son engin fait sur-mesure. En témoigne le regard plein d'admiration et d'interrogation de deux enfants qui l'observent s'adonner à une démonstration dans sa machine adaptée. C'est d'ailleurs en s'adaptant à sa nouvelle vie que Robert Marchant s'est découvert cette passion.

Paraplégique à 22 ans

Sa vie bascule en 1973. Il est diagnostiqué paraplégique suite à une chute lors d'une démonstration de gymnastique. À l’époque, il fait partie du Red Star Champigny, club de gym de la commune qu'il habite encore aujourd'hui. Suite à sa chute, il développe un hématome au dos qui le force à marcher avec des béquilles. "Les médecins ont été formels. Ils pensaient que je ne pourrais plus faire de sport à haut niveau. C'était inconcevable pour moi de m'arrêter", nous confie-t-il. Il démarre alors la rééducation, réapprend à marcher et reprend rapidement le chemin de la salle de gymnastique. "J'en avais besoin", dit-il en circulant en fauteuil dans son appartement situé au bord d'une route.

Au fil des décennies, les opérations s'enchaînent avec d'importantes périodes de rééducation à chaque fois. "J'ai eu des opérations du genou et du dos à cause de chutes répétitives. En 2000, je me suis fait poser une prothèse de hanche", détaille-t-il. Ses problèmes de dos finissent par lui paralyser les jambes, le forçant à se déplacer en fauteuil à partir de 2010. "C'était encore un changement dans ma vie mais paradoxalement, je ne me suis jamais senti handicapé, car je continuais à vouloir me dépasser chaque jour." En fauteuil, il fait face à de nouvelles difficultés au quotidien. "Il est très dur de comprendre ce que c'est de vivre en fauteuil si on n’y est pas sensibilisé. L'accessibilité, les transports et même les déplacements les plus basiques peuvent être de vrais défis", commente-t-il.

Découverte du vélo à bras en 2017

En 2017, il découvre par le biais d'un ami, le vélo-à-bras. "Il s'agit d'un fauteuil roulant avec une fourche à l'avant et une assistance électrique pour les montées", indique-t-il. Son véhicule, dont l'ergonomie est semblable à une moto est tracté par les bras avec un mouvement de moulin. Il ne l'utilise que pour le sport et pousse un autre fauteuil classique sans la fourche à l'avant dans la vie de tous les jours. "Pas besoin de faire d'autres exercices de musculation pour les bras", plaisante-t-il en enchaînant les tours d'échauffement devant son appartement.

Ses exercices lui permettent d'équilibrer la masse musculaire entre les membres inférieurs et supérieurs. Ses bras paraissent d'ailleurs moins musclés que d'autres athlètes handisports. Avec cette découverte, naît chez lui une passion pour le vélo et plus particulièrement en montagne. "Lorsque je faisais de la gymnastique, je n'avais pas le temps pour d'autres sports. Avec le vélo, je me sens libre."

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Robert Marchant sur son vélo-à-bras ©France 3 Paris Île-de-France

Un sentiment de liberté exalté en montagne où ce passionné de défis sportifs se fixe des objectifs chaque année. "J'ai démarré par les chemins de Saint-Jacques de Compostelle en 2018, puis le Mont-Ventoux en 2021 et l'Alpe d'Huez l'année dernière", énumère-t-il. Son entraînement : 150 kilomètres par semaine sur son vélo à bras le long des pistes cyclables franciliennes.

Sans oublier les heures de rééducation hebdomadaire pour "entretenir la machine" comme il dit. Sa routine d'entraînement, ce sont ses amis qui en parlent le mieux. Venu lui rendre visite dans son appartement toujours ouvert la journée, Jacques Bouanich, comédien, s'apprête à l'accompagner sur son nouveau défi : faire le tour du Mont-Blanc, plus haut sommet d'Europe.

"Ce que fait Robert force l'admiration. Même si on est habitué en étant ses amis, il nous bluffe", explique celui qui l'accompagnera sur un vélo électrique. Ils bluffent ses amis mais également les habitants de son quartier. "Tout le monde le regarde lorsqu'il s'entraîne dans le quartier, certains enfants lui disent même qu'ils souhaiteraient avoir son fauteuil pour Noel", dit l'acteur en riant. Dans son quartier, tout le monde le reconnaît. Les "Salut Robert !" sont d'ailleurs très fréquents lorsque les habitants passent devant sa porte.

"Une aventure avec les copains"

Pour avaler les 315 kilomètres de son parcours, l'ancien gymnaste ne sera pas seul. "J'ai toujours fait mes parcours entourés par mes copains. Cela permet de partager les choses et de se créer des souvenirs ensemble." En une semaine, ils effectueront 5 étapes, traverseront 7 cols pour un total de 8500 mètres de dénivelé. Ils partiront de la station des Houches en Haute-Savoie pour démarrer leur ascension "On sait que cela va être dur, et c'est précisément quand ça se complique qu'on a besoin des potes pour aller au-delà de la douleur", lance-t-il en jetant un regard complice à son ami.

Ce défi est donc un sacrifice sur le plan physique mais également sur le plan financier. Son bolide qui peut atteindre 25 km/h en descente lui a coûté près de 12 000 euros. "C'est une bonne bécane", dit-il sûr de lui. Un véhicule qu'il faut entretenir régulièrement. Ce qui peut représenter là aussi une addition assez onéreuse. "Les réparations coûtent cher. Heureusement que mes amis s'y connaissent en mécanique, sinon il faudrait constamment faire venir des pièces d'Allemagne, car il n'existe aucun fabricant en France."

Son bailleur social solidaire du projet

La solidarité et donc au cœur du projet. La Fédération française de Gymnastique sponsorise son parcours pour la deuxième année consécutive. Parmi les autres sponsors, il y a la société IDF Habitat, le bailleur social dont il occupe un des logements à Champigny. Le bailleur prennd notamment en charge les frais d'hébergement de toute l'équipe lors du tour du Mont-Blanc. "Monsieur Marchand est locataire chez nous depuis 8 ans et nous avons eu connaissance de ses exploits récemment." La société y voit une opportunité de promouvoir "la question de l'accessibilité des logements pour les personnes à mobilité réduite", explique sa présidente Delphine Valentin.

Elle reconnaît que la mise aux normes est parfois compliquée parmi les 12 400 logements que compte le parc d'IDF Habitat. "C'est une problématique qui nous tient à cœur, et que Robert Marchant souhaite également mettre en avant", explique-t-elle. IDF Habitat se charge durant le périple de régler les nuits d'hébergement de Robert Marchant et son équipe. "Les collectivités territoriales nous aident aussi, certaines communes nous prêtent des minibus pour la journée", ajoute le sportif.

L'accessibilité est un des combats quotidiens de ce grimpeur. Dans son appartement de 68 mètres carrés, difficile de trouver de la place avec ses deux fauteuils et tout son matériel de sport. "Il y a des couloirs assez étroits mais on s'y fait. J'ai demandé l'installation de portes coulissantes par exemple pour faciliter les accès aux différentes pièces", concède-t-il.

"Robert est un champion à son échelle"

Il s'apprête à gravir de nouveaux sommets pour montrer encore que "le handicap n'est pas un frein. Il faut se donner à fond quelles que soient les circonstances auxquelles on est confrontés." Une détermination qui lui vaut les éloges de ses compagnons de route. "On parle surtout des champions paralympiques lorsqu’on évoque le handisport mais les exploits de Robert sont tout aussi impressionnants. C'est un champion à son échelle", affirme Jacques Bouanich.

Un champion qui ne s'est pas encore fixé d'objectif précis pour son défi après le Mont-Blanc. "Pourquoi pas l'Everest", nous dit-il le sourire aux lèvres.

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