TEMOIGNAGE. Grogne policière : des arrêts maladies au commissariat de Versailles

Témoignage exclusif d’un policier du commissariat de Versailles, dans les Yvelines. Depuis ce matin, celui-ci est en arrêt maladie, comme une dizaine de ses collègues de la brigade police secours. Un acte symbolique. Derrière ce geste, ces fonctionnaires souhaitent manifester leur soutien à deux de leurs collègues, placés en détention provisoire. Une sanction que certains policiers ne comprennent pas.

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Il est depuis ce matin en arrêt maladie. Tout comme certains de ses collègues de police secours, Matthieu (son nom a été changé à sa demande, pour préserver son anonymat) 35 ans, adhérent syndical, est resté chez lui. Affecté depuis 5 ans dans l’une des brigades de jour police secours du commissariat de Versailles, dans les Yvelines, il a vu son quotidien se détériorer. Il en a d’ailleurs été témoin, lui qui a passé sa carrière en Île-de-France. Cela fait maintenant près de 11 ans qu’il a décidé de revêtir l’uniforme bleu.

Au total, ils sont 10 fonctionnaires de la brigade police secours de ce commissariat à ne pas avoir pris leur service ce jeudi. Un acte qui se veut avant tout symbolique. Car derrière ces arrêts de travail, ces policiers entendent manifester leur soutien à leur collègue de Nanterre, ainsi qu’à celui de Marseille, tous deux placés en détention provisoire. L’un soupçonné d’avoir frappé un jeune homme durant les récentes émeutes à Marseille. L’autre, placé en détention provisoire suite au décès de Nahel, lors d’un contrôle routier.

Ces détentions provisoires : des sanctions qui ne passent pas pour certains de ces fonctionnaires. Parties de Marseille, contestation et grève du zèle gagnent petit à petit l’Île-de-France. Des syndicats policiers ont appelé en début de semaine au code 562, c’est-à-dire au service minimum dans les commissariats.

Matthieu a bien voulu se confier sur les raisons qui l'ont poussé à se mettre en arrêt maladie. Voici son témoignage.

Pourquoi vous êtes-vous mis en arrêt maladie aujourd'hui ainsi que certains de vos collègues ?

Matthieu : On s’est mis en arrêt maladie pour soutenir nos collègues placés en détention provisoire. Celui de la BAC (Brigade anti-criminalité) de Marseille mais aussi notre collègue de Nanterre, qui se trouve actuellement en prison.

On a voulu suivre ce mouvement qui est en train de prendre de l’ampleur. Car il n’y a pas que l’Île de France. Dans tous les départements, beaucoup utilisent le fameux code 562. C’est-à-dire que l’on va au travail, mais on fait un service minimum. On fait tout ce qui est urgent bien sûr. Mais pour toutes les autres missions, on fait le minimum.

Le code 562, on va au travail, mais on fait un service minimum

Matthieu, police secours

On fait cela car on ne peut pas se mettre en grève. Donc pour nous ces arrêts maladie c’est un moyen de montrer notre mécontentement. Pour nous c’est la seule solution malheureusement.

Et au-delà de tout cela, c’est aussi un geste symbolique pour tous nos collègues qui ont essuyé les émeutes de ces dernières semaines. Surtout les brigades de nuit, les CRS… C’est aussi un acte fort pour témoigner notre ras-le-bol face à la montée des violences quotidiennes vis-à-vis des policiers. Et dénoncer aussi une justice qui ne suit pas. C’est pour toutes ces raisons qu’on est actuellement en arrêt.

Quelles sont vos revendications ?

Matthieu : Nous souhaitons qu’il y ait une justice spéciale pour nous, pour les effectifs de police. Par exemple, nos deux collègues qui ont été directement déferrés, après être passés en comparution immédiate et placés en détention provisoire. On souhaite qu’il ne le soit pas immédiatement. Qu’ils soient maintenus dans leurs foyers ou autre.

Nous souhaitons qu’il y ait une justice spéciale pour nous

Matthieu, police secours

Bien sûr la justice doit faire son travail, ça on l’entend. Et elle doit être indépendante. Mais il faudrait créer un statut spécifique lorsqu’un policier est mis en examen, voir placé en détention provisoire. Qu’on ne soit pas mélangé avec d’autres criminels.

Comme autre revendication, on souhaite aussi l’anonymisation. Sur les procès-verbaux par exemple. Dessus, il est inscrit notre nom et prénom et là où l’on travaille. On souhaiterait qu’on y mette à la place notre matricule ou notre numéro RIO. Que ce soit cela qui soit apparent sur la procédure. Car ces informations peuvent donner des indications pour certaines personnes pour nous retrouver.

En quoi ces arrêts maladie ont un impact sur le fonctionnement du commissariat de Versailles ?

Matthieu : Actuellement c’est le service minimum. On a tout de même une personne qui s’occupe des gardes à vue. Car bien entendu il faut surveiller ces personnes. Il y a un collègue qui gère cela. Et il y a aussi un collègue qui gère le poste, c’est-à-dire qui répond aux appels et à la radio. Par contre, pour ce qui est des patrouilles, il n’y en a presque pas. Aujourd’hui il n’y a qu’un collègue de ma brigade et un collègue d’un service spécialisé, le GSP (Groupe de sécurité de proximité), qui sont là pour former une patrouille et gérer les appels d’urgence 17. Mais sinon c’est le service minimum. Les interventions qui ne revêtent pas un caractère d’urgence ne sont pas assurées.

Quel est votre quotidien au commissariat de Versailles ?

Matthieu : Quand on est fonctionnaire affecté à la brigade police secours, on peut intervenir pour tout. On est ce qu’on appelle des primo intervenants. Nous sommes en première ligne.

On recueille les appels 17. On peut être amené à aller sur des accidents de la route, des cambriolages, des vols l’étalage dans les magasins. On a les deux grands centres commerciaux Vélizy 2 et Parly 2 sur notre secteur. On est souvent appelé pour interpeller des individus qui ont volé dans les magasins et ont été mis de côté par la sécurité de ces grandes enseignes. On peut aussi intervenir pour des braquages.

Nous sommes en première ligne

Matthieu, police secours

Selon le degré d’importance des faits, les services d’élite ou spécialisés comme la BAC (Brigade anti-criminalité), le Raid, viennent ensuite nous seconder... Mais c’est nous qui sommes là la plupart du temps au début de l’intervention.

Vous qui avez fait votre carrière en Ile-de-France, avez-vous l'impression que vos conditions de travail se sont dégradées ?

Matthieu : Cela fait un petit moment que les conditions de travail se dégradent. Mais c’est vrai qu’au fur et à mesure des années, on a de moins en moins de moyens. Dernièrement on a tout de même eu de nouveaux véhicules, mais il nous manque des effectifs. On en a de moins en moins sur le terrain. Il arrive fréquemment qu’on soit une patrouille de deux. Quelques fois lors d’interpellation, on peut être entouré d’une dizaine d’individus et on est que deux à devoir interpeller. Et à côté de cela il y a ce manque de reconnaissance vis-à-vis de notre profession. On se sent abandonné par nos politiciens. On a l’impression d’être incompris.

Avec ses collègues, Matthieu entend continuer le mouvement dès demain, voire même le prolonger la semaine prochaine. Tout repose maintenant sur les déclarations du ministre de l’Intérieur et ce qu’il sortira de la réunion que celui-ci doit avoir avec des organisations syndicales ce jeudi soir.

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