Un garçonnet de 18 mois placé depuis sa naissance sous X doit-il être restitué à son père biologique ou maintenu dans sa famille adoptante ? La cour d'appel de Rennes doit trancher mardi, dans l'intérêt de l'enfant
Lors d'une audience à huis clos le 13 octobre, l'avocat général avait requis la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de Nantes, qui avait ordonné six mois plus tôt, le 24 avril, la remise de l'enfant à son père âgé de 29 ans, résidant dans la banlieue nantaise. La décision sera rendue à Rennes en chambre du conseil, sans lecture en audience publique.
Quand son fils naît, fin avril 2013, Yoan Delorme est "incarcéré au centre pénitentiaire depuis 2011". Séparé de son ancienne compagne, avec laquelle il n'est plus en contact depuis la fin du premier trimestre de grossesse, il apprend que celle-ci "a abandonné son fils". "Le jour exact (le 12 juillet 2013, ndlr) où l'enfant est placé, le conseil général est informé qu'une procédure est engagée auprès du procureur pour reconnaissance paternelle. Malgré cela, le conseil général ne va pas réagir et maintient l'enfant dans cette famille, candidate à l'adoption et qui va s'attacher à l'enfant, alors que celui-ci a un père qui l'a toujours désiré", déplore l'avocate du père biologique, Me Pauline Loirat. "Les parents adoptifs sont eux aussi des victimes, comme mon client, de la précipitation du conseil général et de son incapacité à reconnaître sa précipitation", estime-t-elle.
De son côté, l'avocat du département, Me Jean-Christophe Boyer, souligne que le père biologique a tardé à faire connaître son intention vis-à-vis de l'enfant, se contentant dans un premier temps de demander la suspension de la procédure d'adoption et non la restitution de son fils.
Dilemme sur le délai
"Si M. Delorme avait agi dans les délais, son enfant lui aurait été remis. Mais il ne réclame l'enfant que le 17 octobre, c'est-à-dire trois mois après l'expiration du délai", soutient-il. "De manière sincère, le conseil général a agi au mieux de l'intérêt de l'enfant et avec les dispositions de la loi en vigueur. Et l'intérêt de l'enfant, si la famille biologique ne s'est pas manifestée dans un premier temps, c'est de lui trouver une famille", poursuit Me Boyer, qui craint une remise en cause de l'"un des fondamentaux des droits de l'adoption" si "M. Delorme gagne son procès"."Je suis dans mon droit, j'ai fait la procédure dans les règles", rétorque le père biologique, "confiant" dans la décision de la cour d'appel. "À la maison, je fais plein de trucs, j'ai préparé la chambre. Quoi qu'il en soit, mon fils je vais le récupérer, je me battrai pour lui", lance Yoan Delorme.
Pour son avocate, cette affaire pose la question de "la place qu'on accorde au père et à ses droits sur un enfant à naître". "Quand le TGI de Nantes a rendu sa décision, l'enfant n'avait pas un an. La situation n'était pas irréversible, le conseil général aurait pu s'incliner, l'enfant aurait pu connaître son père. Son père de naissance, c'est le seul qui est en capacité de lui parler de sa mère", argumente Me Loirat.
"M. Delorme est dans un combat du droit des pères qui se sentent bafoués, mais ce n'est pas le débat. Ce qui nous inquiète, c'est de remettre un enfant
qui a aujourd'hui 18 mois, qui a un père et une mère qu'il appelle, papa et maman, à son père biologique qui va jusqu'à nier l'existence de cet enfant car il veut lui changer son prénom", s'alarme Me Boyer.
"Le conseil général a donné trois noms, Célestin, Paul, Hugo et moi, ça va être Brandon", avait déclaré le mois dernier Yoan Delorme à la sortie de l'audience. "À ce jour, M. Delorme n'a toujours pas demandé à voir son fils", malgré l'accord de la famille adoptante, ajoute le défenseur du conseil général.
avec AFP
Le portrait de Yoann Delorme