En décembre 2012, Maureen Kearney, syndicaliste chez Areva, se fait agresser chez elle et sera ensuite accusée de dénonciation de crime imaginaire. Elle avait alerté les médias et les politiciens sur un contrat secret entre la France et la Chine qui menaçait l'avenir d'Areva et de ses employés. Le documentaire de Nina Robert revient sur la terreur physique et psychologique qu'a subie Maureen Kearney, qui a payé cher sa décision de révéler une affaire d'État.
"L'affaire Maureen Kearney", une mini-série documentaire en deux épisodes de Nina Robert.
À l’époque où elle est agressée chez elle en cette nuit de décembre 2012, Maureen Kearney alerte depuis plusieurs semaines les journalistes et hommes politiques sur un contrat secret passé entre la France et la Chine concernant la filière nucléaire. La déléguée syndicale CFDT est persuadée que ce contrat met en péril l’avenir d’Areva et de ses salariés. Elle dénonce, éléments à l’appui, des transferts de technologies pourtant capitaux pour que l’entreprise conserve son avance dans ce domaine.
Est-ce son activisme dans ce dossier qui lui vaut d’être ainsi agressée ? Ou est-ce sa proximité avec Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva, débarquée sans ménagement en février 2011 par le président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy ?
La nouvelle direction du groupe nucléaire n’apprécie en effet pas du tout l’action de Maureen Kearney et le nouveau patron, Luc Oursel, ne se prive pas de le dire, et même de le hurler, lors de rencontres avec les organisations syndicales qui demandent des explications.
La victime transformée en coupable
C’est dans cette atmosphère de tension extrême qu’a lieu l’agression.
J’ai senti mon cœur sortir de ma poitrine.
Maureen Kearney
Elle revient en détails sur cette nuit où elle a bien cru mourir. Au moment où son agresseur lui gravait la lettre A sur le ventre à l’aide d’un couteau alors qu’elle avait un bandeau sur les yeux, elle pense sentir ses "intestins se déverser sur ses genoux".
Une expérience atroce et traumatisante, mais très rapidement, l’enquête des gendarmes prend un tour inattendu : ils commencent à soupçonner Maureen d’avoir elle-même mis en scène et inventé son agression.
Nina Robert suit alors le parcours judiciaire insensé imposé à Maureen et à ses proches. La syndicaliste fait d’abord de faux aveux pour mettre fin à son interrogatoire à sens unique, puis revient sur ces mêmes aveux en dénonçant les pressions exercées par les enquêteurs lors de sa garde à vue. En première instance, son avocat tente d’expliquer qu’il est physiquement impossible de réaliser ce que les enquêteurs reprochent à Maureen, comme de se ligoter elle-même les poignets et les pieds à une chaise… Mais la machine est lancée et de victime, Maureen Kearney devient accusée. Elle sera même condamnée pour dénonciation de crime imaginaire !
Un thriller haletant
Des phases de doute, de découragement et de dépression s’ensuivent. Mais avec le soutien de ses amis et de sa famille, Maureen parvient à se décider à contre-attaquer. Elle change d’avocat et fait appel à maître Hervé Temime, avocat et ami du journaliste Denis Robert bien connu pour avoir révélé l’affaire Clearstream, lui aussi confronté à un incroyable acharnement judiciaire. Hervé Temime reprend l’affaire à zéro et entreprend de démonter un à un tous les "indices" qui ont transformé la victime en coupable. En 2018, Maureen est innocentée à l’issue du procès en appel, après 6 années de lutte. L'auteur de l'agression, sans parler de ses éventuels commanditaires, n’est toujours pas identifié. Il ne le sera probablement jamais.
"L’affaire Maureen Kearney" de Nina Robert se regarde comme un thriller captivant et éprouvant. Le film expose le contexte de cette affaire et revient en détails sur l’enchaînement des faits, mais il décrit surtout l’épreuve psychologique et physique terrifiante imposée à une simple citoyenne qui a décidé un jour de dénoncer des faits, et qui a payé cette décision un prix exorbitant.
L'histoire de Maureen Kearney est raconté dans le film "La syndicaliste" de Jean-Paul Salomé, avec Isabelle Huppert, Yvan Attal, Grégory Gadebois, Marina Foïs, Pierre Deladonchamps, Aloïse Sauvage... Il est sorti sur les écrans le mercredi 1er mars 2023.
« L’affaire Maureen Kearney », une coproduction Le Bureau, Citizen Films, France Télévisions, sur une idée originale de Denis Robert à voir jeudi 18 mai à 22h45 sur France 3 Pays de la Loire.
Un article écrit en collaboration avec .
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