DOCUMENTAIRE. Mor Diouf, marin entre deux mondes : les marins Sénégalais au secours de la pêche française

Les marins Sénégalais ont intégré, depuis 15 ans, les équipages des bateaux de pêche des ports de l’Atlantique. Une réalité méconnue que nous raconte un documentaire consacré à l’un d’entre eux, dont l’ambition est de devenir le premier capitaine Sénégalais en France.

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C’est une difficulté récurrente du secteur de la pêche en France qui est passée au second plan en ces temps de conflit avec la Grande-Bretagne sur les licences : la pénurie de main d’œuvre.

En Normandie, en Bretagne, en Loire-Atlantique et en Vendée, tous les armateurs y sont confrontés : depuis le début des années 2000, il est difficile en effet de recruter, et surtout de conserver les jeunes marins sortis de formation.

Il faut donc se tourner vers la main d’œuvre étrangère, et depuis une douzaine d’années, le Sénégal est le pays qui fournit le plus gros contingent de marins étrangers embarqués sur les chalutiers Français.

Que ce soit pour la pêche côtière ou à bord des navires de pêche au large ou de grande pêche, ils apportent leurs compétences et leur force de travail. Car le Sénégal est un grand pays de pêche, mais où l’on gagne bien moins sa vie qu’en France.

C’est à partir de ce constat qu’Erwan Le Guillermic et David Morvan commencent à tourner leur documentaire à l’automne 2019.

Et c’est à bord du bateau «El Amanecer», dont l’équipage est entièrement Sénégalais à l’exception du capitaine et du mousse, qu’ils font la connaissance de Mor Diouf.

Le capitaine du «El Amanecer» s’appelle Sébastien Viaud, et au fil des années, Mor est devenu son second.

Sébastien est un petit armateur de La Turballe qui emploie une vingtaine de matelots et possède 2 autres petits chalutiers. La crise des vocations qui s’est ajoutée aux difficultés économiques du secteur l’a conduit à se tourner vers le Sénégal. "En 2006 on a connu la crise de l’anchois, c’était notre activité principale, ça représentait 80% de notre chiffre d’affaires. Il a fallu se diversifier. Les gars que j’avais, des français, sont partis. On a fait venir à l’époque le premier marin sénégalais, qui travaille toujours avec nous. Et de fil en aiguille aujourd’hui, tout mon équipage est Sénégalais."

Mor Diouf est quant à lui arrivé à La Turballe en 2008.

La quarantaine, diplômé de l’École Nationale de Formation Maritime (ENFM) dont il est sorti Lieutenant. Il a travaillé plusieurs années à Dakar avant qu’un armateur de La Turballe en recherche de personnel ne s’adresse à son école pour proposer des emplois en France, titre de séjour à la clé.

Avec plus de 10 ans de présence en France, et une grande expérience accumulée, Mor Diouf a désormais une ambition : devenir capitaine. Et c’est l’histoire de cette ambition que le documentaire va nous raconter.

"Je ne suis pas né pêcheur comme mes collègues. Mais je voulais devenir quelqu’un. Au Sénégal, c’est pas comme la France, il n’y a pas beaucoup de boulot. Il fallait faire un choix, je voulais être autonome. C’est ce qui m’a poussé à faire ce métie", nous raconte Mor Diouf.

Le prix à payer, c’est celui de l’éloignement. Même si l’intégration s’est bien passée, la famille, le village, le Sénégal et sa culture manquent cruellement. Il y revient deux fois l’an, et Erwan Le Guillermic et David Morvan ont saisi l’occasion de l’y accompagner.

Dans son pays, c’est une autre facette de Mor Diouf que nous découvrons. Celle d’un homme qui a réussi, un exemple pour sa communauté. On comprend là-bas ce qu’il est venu chercher en France : la réussite sociale, comme une forme de prestige qui rejaillit sur tout le village, et bien sûr les revenus qui lui permettent d’aider au mieux sa famille.

Car comme le montre le documentaire, le sort de la jeunesse sur place est peu enviable. Même pour les diplômés, le travail manque. Et le secteur de la pêche au Sénégal, aux navires fatigués, souffre de la surexploitation pratiquée par la pêche industrielle étrangère au pays.

Sur la côte Sénégalaise, la pêche est aussi affaire de survie, et c’est de plus en plus difficile.

Près des pirogues tirées sur la plage, Lamine, diplômé de l’Université et qui a dû revenir dans son village faute d’emploi témoigne. "Tu peux trouver des familles sans émigrés, mais c’est très rare. Les émigrés sont très importants pour leurs familles. Quand on voit revenir ceux qui sont partis, qui construisent quelque chose, qui investissent, on se dit que là-bas, ça va mieux qu’ici. Et puis la pêche au Sénégal, ça n’est pas très rentable, il n’y a presque plus de poisson."

Mor Diouf pourrait-il devenir le premier patron de pêche Sénégalais en France ?

Il a tout fait pour, en obtenant notamment après plusieurs mois d’études son "Capitaine 500 ", brevet qui lui permet de commander un navire de pêche. Mais cette condition n’est pas suffisante : si un titre de séjour suffit pour embarquer comme marin, il faut la nationalité française pour atteindre le commandement. Alors, Mor constitue son dossier, passe l’épreuve obligatoire de français, et attend des nouvelles de sa demande déposée en préfecture.

 Alors que le tournage du documentaire est déjà avancé en 2019, Sébastien Viaud semblait enclin à lui laisser un jour le commandement d’un de ses trois bateaux, et Mor s’y préparait. Pourtant, les chemins des deux hommes se sépareront.

Mor devra composer avec la frustration venue contrarier son projet d’ascension sociale, et trouver la ressource pour rebondir. Mor Diouf est bien ce marin "entre deux mondes" comme l’indique le titre du film.

Entre deux sentiments aussi, celui de croire en l’avenir malgré tout à force de travail, et la tentation du retour.

Mor Diouf, marin entre deux mondes d’Erwan Le Guillermic et David Morvan, une coproduction Aligal productions – France 3 Pays de la Loire

Diffusion lundi 6 décembre à 23h00, rediffusion mercredi 8 décembre à 9h45

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