Il est l'un des auteurs dont on parle le plus en cette rentrée littéraire et il est fait figure de favori, notamment pour le très prestigieux prix Goncourt. L’historien Ivan Jablonka s'est intéressé à Laëtitia Perrais et aux circonstances violentes de sa mort près de Pornic en janvier 2011.
C’est un homme affable qui nous accueille chez lui dans le 20ème arrondissement de Paris. Son appartement est perché au 8ème étage. Les murs sont tapissés de livres, de photos et de dessins d’enfants. Il nous propose d’emblée des cookies cuisinés la veille avec ses filles. Ivan Jablonka est un papa et le meurtre de Laëtitia l’a bouleversé en tant que père mais aussi en tant que citoyen, historien, chercheur en sciences sociales.
Le portrait de la société française
C’est pour toutes ces raisons qu’Ivan Jablonka a fait de ce fait divers un objet d’histoire. D’abord parce que le fait divers n’a rien de divers. Derrière la mort de Laëtitia, il y a une famille meurtrie, effondrée. Une famille déjà cabossée par la vie puisque Laëtitia et sa sœur jumelle Jessica ont connu la violence enfants, puis le placement en famille d’accueil. Tant bien que mal toutes les deux étaient en passe de se faire une place dans la société. A l’instar de ce qu’il avait entrepris dans le livre sur ses grands-parents tués à Auschwitz (Histoire de mes grands-parents, éditions du seuil), Ivan Jablonka a donc voulu rendre à Laëtitia sa vie, ce qu’elle a vécu avant d’être fauchée dans sa dix-neuvième année. En écrivant sur elle, il a trouvé Jessica et a sans doute réussi à mettre des mots sur les maux de cette jeune femme toujours debout après quatre procès.Mais à travers le portrait de Laëtitia, Ivan Jablonka fait aussi le portrait de notre société. L’affaire donne un éclairage sur le rôle des médias, le fonctionnement de la justice et celui de l’exécutif, les trois piliers de la démocratie française. Et c’est le rôle du chercheur en sciences sociales de les étudier.
Ivan Jablonka fait part aussi de ses doutes, de ses interrogations, de son ressenti face aux nombreux acteurs de l’affaire qu’il a rencontrés, un peu comme le faisait l'écrivain Laurent Binet dans "HHhH". Pour lui, l’histoire n’est pas une matière froide et distante.
Je suis dans le tableau que je peins, je suis dans le tableau que je dresse, et je ne me situe pas d’un point de vue supérieur et abstrait comme si j’étais en train de regarder de haut des petits humains comme ça à mes pieds. Je suis un humain parmi les humains, un témoin parmi les témoins et je fais partie de l’histoire que je raconte. »