Loire-Atlantique : les correspondants locaux de Ouest-France se rebiffent

La crise sanitaire n’a pas épargné les correspondants locaux de la presse quotidienne régionale. En Loire-Atlantique, le collectif des correspondants alerte sur la précarisation de leur statut et dénonce un soutien insuffisant de la part du quotidien régional Ouest-France.
 

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En raison du confinement et la réduction des éditions locales de Ouest-France, l’activité des correspondants locaux s’est réduite de 80% à 90%, impactant très fortement leurs revenus, explique le collectif de 60 correspondants de Ouest France en Loire-Atlantique. Ils dénoncent une "ubérisation" de leur statut.

"Dans notre département, la direction nous a encouragés à écrire moins de papiers. Mais en fin de confinement, ils ont décidé de revaloriser un type d’articles que presque personne n’a pu écrire. S’ils avaient revalorisé l’article de base, la brève, cela aurait pu avoir un impact pour tous les correspondants. Je trouve que le procédé est cynique pour un journal qui s’appuie historiquement sur ses correspondants locaux", s’insurge Alina Holsenburger, membre du collectif et correspondante depuis quatre ans.

"Certes, ils n’ont pas d’obligation légale de nous aider, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas. Le journal aurait pu prendre le parti de soutenir les demandes des correspondants auprès des élus et demander une aide spécifique auprès de l’état", se désole Alina qui a décidé de mettre fin à ses activités.

"Nous avons publié une seule édition départementale au lieu de huit éditions locales, ce qui réduit de fait le nombre de pages du journal", confirme Arnaud Wajdzik, directeur département de Ouest-France Loire-Atlantique.

"Nous avons cependant publié des articles de correspondants lorsqu'ils concernaient l’ensemble des lecteurs du département et nous avons demandé un maximum de brèves. Il y a eu de fait une baisse des honoraires des correspondants", reconnait la direction de Ouest-France, qui se veut rassurante sur les perspectives à venir.

"Les correspondants sont très précieux pour le journal, ils suivent de manière très fine l’actualité locale. Ils peuvent de nouveau nous proposer plus d'articles longs et "valorisés" parce que nous sommes passés de une à trois éditions en Loire-Atlantique. A la rentrée, on reviendra à davantage d'éditions locales", précise Arnaud Wajdzik, conscient que la crise sanitaire a pénalisé leur activité. 


Le statut du correspondant local en question

Si la fronde gronde parmi les correspondants locaux, c’est que leur statut est très spécifique. Il ne donne droit ni au chômage, ni à la retraite. "La correspondance de presse n’est pas une activité salariée, mais elle fait l’objet d’une indemnisation pour les articles et photos publiés", est-il ainsi précisé dans une petite annonce de recrutement.

"Beaucoup de correspondants ont un métier à coté, certain sont instituteurs, d'autres sont retraités, ce n’est pas un travail salarié", rappelle la direction. "Le cadre est très clair dès le départ lorsqu’on démarre une collaboration, c’est une activité complémentaire."

Malgré leur statut de travailleur indépendant, les localiers ne cotisent pas à l’Urssaf. De fait, ils n’ont pas pu bénéficier du fonds de solidarité pour les indépendants mis en place par le gouvernement durant la crise du Coronavirus.

Sans lien de subordination avec la direction du journal, leur statut fait évidemment penser à celui des chauffeurs Uber.

Payés à l’article, 25 euros pour un article développé avec photo, 7 euros pour une brève, les correspondants couvrent l’information de proximité de leur territoire. Ils sont environ 30 000 en France, 2 400 collaborent aux éditions de Ouest-France, dont 230 en Loire-Atlantique.

Raymond Saulnier, retraité de 76 ans, est ainsi correspondant depuis 18 ans. Il suit l’actualité des communes de Rezé et Vertou, au sud de Nantes et rédige une trentaine d’articles par mois pour un revenu d’environ 500 euros mensuel.

"On fait un vrai travail de journaliste qui n’est pas reconnu en tant que tel", déplore-t-il. "Nous n’avons aucun statut, aucune protection. C’est clair, on est dans l’uberisation la plus complète", ajoute-il.
 

"La crise a cristallisé toutes nos frustrations liées à ce statut"

"On travaille pour 3 ou 4 euros de l’heure" dénonce Hélène Rolland, correspondante depuis 3 ans dans le pays de Retz. "Pour beaucoup de correspondants, il s’agit d’une activité complémentaire dont ils ont vraiment besoin pour vivre".

"Ouest-France avait le devoir de se soucier de ses correspondants. Je ne m’attendais pas à un tel mépris. On est les petites mains et la dernière roue du carrosse alors qu’on remplit près de 70% du journal", souligne Hélène Rolland. Elle aussi vient de démissionner.

Au fil des années, la frontière entre correspondants et journalistes est devenue plus poreuse. Si auparavant les correspondants relayaient des informations brutes, ils sont aujourd'hui de plus en nombreux à rédiger des articles complets et anglés. Leurs photos sont publiées et parfois largement réutilisées pour les éditions numériques.

"La fonction de correspondant a énormément évolué alors que le statut n’a pas bougé, ni la rémunération", regrette Hélène Rolland. 

"Il y a d’autre manière d’envisager la correspondance locale. Nous avons demandé à mener cette réflexion avec la direction", souligne Alina Holsenburger.

Arnaud Wajdzik confirme qu'une réunion est prévue en septembre prochain avec le collectif des correspondants de Loire-Atlantique.

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