La Maison Tellier : une avalanche de bonheur

Il n'aura fallu que deux petites années pour que nous reviennent tout shuss les Rouennais de La Maison Tellier. Deux petites années seulement pour nous concocter "Avalanche", un nouvel album aussi savoureux que précieux. Interview...

L'air de rien, tranquillement, La Maison Tellier vient de sortir son cinquième album studio, "Avalanche", onze titres qui ne renient rien des influences passées du groupe et ouvrent de nouvelles perspectives, de nouvaux grands espaces, quelque part entre l'Amérique fantasmée et notre vieille Europe

Des mélodies toujours aussi sublimes, des paroles poétiques, souvent énigmatiques, des sonorités nouvelles... Après avoir souhaité la "Beauté pour tous" (nom de leur précédent album) et la "Beauté partout" (nom de leur précédente tournée) La Maison Tellier a repris la route. Elle passera forcément par votre région (les dates ici). En attendant, rencontre avec le chanteur du groupe Sébastien Miel aka Raoul Tellier ici et maintenant...

Bon autant vous le dire tout de suite, je suis un fan inconditionnel de La Maison Tellier, donc l'interview sera radicalement subjective mais totalement assumée. Et pas seulement parce que je suis d'origine rouennaise comme vous. Mes premiers émois rock avaient pour noms les Dogs, les Vermines, les Flics ou encore les Tupelo Soul. Ça vous parle ?

Raoul Tellier. Alors d'abord un grand merci pour ta subjectivité radicale mais néanmoins assumée! On connait bien sûr les Dogs, et les Tupelo Soul, que l'on croisait d'ailleurs souvent au Kalif, là où (en gros) tous les groupes de Rouen répétaient, dans les années 90/2000. Après, on est trop jeune pour avoir baigné dans cette ambiance très rock'n'roll des années 80. Nous, c'était plutôt la fin des années 90, l'époque des groupes pop normands, Tahiti 80, Maarten...

L'un de mes autres grands émois rock fut Noir Désir au cirque d'hiver d'Elbeuf à la fin des années 80. 300 personnes à tout casser et un concert mythique. Vous y étiez ?

Raoul Tellier. Et non, trop jeunes, donc. Mais on les a vus plusieurs fois pour les tournées suivantes, j'ai un excellent souvenir du concert au Havre pour la tournée Tostaky en 1993, c'était géant, mon premier vrai concert de rock, sous un chapiteau...

Je sais que c'est toujours difficile pour vous de parler influences mais tout de même, pouvez-vous nous dire quel groupe, album ou chanson vous a donné l'envie de monter sur scène ?

Raoul Tellier. Au départ, c'était vraiment des influences folk, les grands classiques, Neil Young, Dylan, Leonard Cohen, John Renbourn, Nick Drake, ou des projets plus contemporains, Bonnie Prince Billy, Beck, Herman Dune, Calexico. J'ai vu Herman Dune plusieurs fois, les mecs tournaient en minivan, partout en Europe, en Amérique, dans des bars, des petites salles, des squats, ça paraissait pas inaccessible de faire la même chose.

Et au delà de toutes influences, qu'est ce qui vous anime aujourd'hui ? A/ La gloire, B/ L'argent, C/ L'espoir de changer le monde, D/ les filles, E/ Les voyages ?

Raoul Tellier. Ahahahaha, très bon. 

La gloire... Non, surement pas. Évidemment, quand on choisit de monter sur scène, c'est aussi parce qu'on a envie de se montrer, qu'on nous entende, qu'on nous apprécie. Mais la gloire, c'est autre chose, ça m'a l'air assez dévastateur, quelque chose à fuir...

L'argent... non, c'est mort, y'en a plus, en tout cas, pas pour nous, éhé. Non, sérieusement, l'argent n'est pas une motivation pour faire ça. Par contre, sans, on ne peut rien faire. C'est nécessaire, parce que nous n'avons plus 20 ans, on a des familles, des maisons, il faut bien apporter sa pierre à l'édifice de la vie quotidienne. Mais ça s'arrête là, il y a longtemps qu'on sait à quoi s'en tenir avec l'argent dans le monde de la musique. Et, un peu comme la gloire, l'argent, quand il arrive trop vite et en trop grande quantité, ça a l'air de plus faire de mal que de bien...

s'il n'y a plus trop de grandes chansons fédératrices, à message, je pense que c'est parce que nous vivons une époque de grand repli sur soi même, on pense à nous avant de penser aux autres


Changer le monde... certainement pas, nous sommes de cette génération un peu désabusée qui est arrivée un peu trop tard après les années 60/70. Et si les années 60 nous ont bien appris quelque chose, c'est qu'une chanson ne change pas le monde, en tout cas pas dans la durée. 50 ans après "A change is gonna come", on se débat encore avec les questions de racisme, de ségrégation, de sexisme, etc... Alors oui, le président américain est noir, mais ce n'est pas grâce à une chanson qu'il a été élu, ça dépasse le cadre de la "culture pop", c'est le cheminement de toute une société, ça inclut plein de paramètres, dont les chansons qui passent à la radio.
Avec le recul, je dirais que ces chansons sont le produit de leur époque, et non l'inverse. C'est parce qu'il y a eu par exemple le mouvement pour les droits civiques qu'il y a eu des "Change is gonna come", "this land is your land", etc, pas le contraire.
Aujourd’hui, s'il n'y a plus trop de grandes chansons fédératrices, à message, je pense que c'est parce que nous vivons une époque de grand repli sur soi même, on pense à nous avant de penser aux autres, en tout cas plus que dans les années 60/70.
Je ne suis pas du tout convaincu qu'un xénophobe écoutant "un Bon Français" change soudain sa vision du monde et se mette à aimer les étrangers. C'est le genre de chanson qui va parler à des gens qui sont déjà "de notre côté" (cette expression me rappelle la fameuse chanson de Pete Seeger, "Which side are you on", éhé).
Ces gens ne vont pas changer parce qu'ils auront entendu notre chanson, par contre, peut être, ils seront touchés, même pour quelques instant seulement. On peut, en un sens, changer leur vie, pendant 5 minutes. C'est assez éloigné de "changer le monde", mais c'est déjà ça. C'est un truc fort quand tu te rends compte que ta petite chanson, ton petit bout de texte ou de mélodie fait partie de la vie de quelqu'un que tu ne connais pas du tout.

La première fois qu'on vient te voir pour te dire "votre musique me touche/a changé telle chose dans ma vie/me fait du bien...", ça fait quelque chose! C'est un peu LA récompense ultime.


Les filles... vu qu'on est tous plus ou moins déjà mariés, c'est une question réglée... :)

Les voyages... en ce qui me concerne, très certainement oui! Tourner, c'est la meilleure façon de voyager! Déjà parce que tu pars dans des endroits où tu n'irais pas forcément de ton propre chef, et surtout parce qu'à chaque fois, tu es accueilli comme un roi, par des gens qui ont envie de partager leur amour de leur ville, de leur région, ... Dernièrement nous avons fait une petite tournée en Russie, qui nous a emmené jusqu'à Vladivostok. A chaque étape, on nous a fait visiter plein de lieux, rencontrer plein de gens... C'était très intense et magique à la fois. Un voyage extraordinaire, un des plus beaux souvenirs de notre vie de musicien, voire de notre vie tout court.

Je vous ai interviewé au moment de la tournée de "Beauté pour tous", votre précédent album. Je vous retrouve avec "Avalanche". Qu'est ce qui a changé entre les deux ?

Raoul Tellier. On a gagné en confiance. En envie de s'affirmer. On a fait une super tournée, on s'est encore plus soudé autour du projet Maison Tellier. On a décidé d'enchaîner vite après Beauté pour Tous, on s'est remis à composer moins d'un an après sa sortie. A enregistrer vite aussi, en une grosse semaine. Et on a choisi de bosser cette fois avec un réalisateur (Yann Arnaud) pour enregistrer l'album. Ça a changé beaucoup de choses, il nous a apporté du recul, un discours apaisé et apaisant.

Vous parliez déjà en 2014 d'un retour aux influences européennes ? Qu'en est-il avec Avalanche ?

Raoul Tellier. Je pense qu'on a continué à explorer ce "retour". Tout en ne reniant aucune de nos influences plus americana. Disons qu'on a cessé de croire qu'on pouvait sonner comme des américains. Yann Arnaud nous a pas mal aidé pour ça, il a produit entre autre les albums de Syd Matters, qui sonnent très contemporains, très européens, tout en présentant des musiques plutôt folk américaines.
Ça ne sonne pas "roots", ce qui nous semblait l'écueil à éviter. Nous ne sommes pas des puristes, ni même des stylistes. Quand je joue du banjo, je ne joue pas vraiment du bluegrass, je ne saurais pas bien le faire, je joue un truc qui ressemble vaguement à du banjo bluegrass, via le filtre de ma vie de petit blanc bec français. La recherche d'un son "authentique" devient donc un peu vaine et ridicule, dans ce contexte.
Voilà, on a cessé de courir derrière une partie de nos héros, américains pour la plupart, pour développer notre propre son.

Vous chantez désormais uniquement en français. Qu'est ce qui a le plus d'importance pour vous : la sonorité ou le sens des mots ? L’émotion ou la réflexion ?

Raoul Tellier. Un peu tout ça en même temps. Il nous faut une belle émotion musicale, et un texte à la fois poétique, évocateur et touchant.
Pour ma part, je suis plus sensible aux sons, aux mélodies, qu'aux mots. Mais attention, une jolie mélodie ne rachètera jamais un texte pourri! La plupart du temps, c'est même l'inverse, un texte pourri me déconnecte complètement de la musique, je n'entends plus rien qu'un galimatias informe et irritant. Des fois, c'est pire, même un bon texte m'empêche d'accéder à la musique qui le soutient. C'est surement pour ça que je préfère, de manière générale, le chant en anglais, même si aujourd'hui je comprends la plupart des textes, ils ne parasitent pas mon écoute et me permettent d'être touché par la musique.
Mais du coup, ça rend les choses encore plus intéressantes et gratifiantes, en terme d'écriture et de composition. Quand on arrive à une chanson qui nous plaît avec un texte en français qui nous plaît également, c'est beaucoup plus satisfaisant que si les paroles sont en anglais. C'est beaucoup plus simple d'écrire en anglais, le texte peut plus facilement s'effacer derrière la musique.

Comment définiriez-vous La Maison Tellier en un mot ? En une image ?

Raoul Tellier. Ouhla, c'est dur, ça. Je vais essayer de faire simple.
Pour moi, la Maison Tellier, c'est 5 types qui jouent de la musique ensemble. Nous sommes un groupe, un vrai groupe. C'est à la fois un mot et une image, non?

Dans une de vos chansons, vous chantez que vous avez toujours rêvé d'être quelqu'un d'autre. Qui auriez-vous aimé être ?

Raoul tellier. A la fin de la chanson, ce quelqu'un d'autre, finalement, c'est nous... 
Moi, en ce moment, ça va plutôt pas mal, je me sens bien dans mes baskets. Après, évidemment, on peut toujours s'améliorer, alors je répondrais : "nous, en mieux"!

La Maison Tellier, c’est fait pour durer ?

Raoul Tellier. On fête cette année les 10 ans du premier album... On espère bien durer au moins jusqu'au 10 ans d'Avalanche!

Merci Raoul, Merci La Maison tellier

Plus d'infos sur le groupe ici et

La Maison Tellier en concert
Le 26 février au Mans, le 3 mars à Rezé, le 4 mars à Angers, le 5 mars au Havre, le 8 mars à Sotteville-les-Rouen, le 19 avril à Rennes, le 28 mai à Veules les Roses...

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