Créé en juin 1998, le magazine Pulsomatic, bien connu des Nantais, traverse une passe difficile qui l'oblige à lancer une campagne de financement participatif pour son prochain numéro et à s'imaginer, comme bon nombre de médias régionaux, un nouvel avenir.
Le Pulsomatic de rentrée n'est pas un numéro anniversaire, ni un numéro spécial, mais un numéro crucial pour le journal, sans lequel il disparaîtra.
Ainsi commence l'appel à contribution lancé sur le site de financement collaboratif KissKissBankBank. Créé il y a dix-sept ans, Pulsomatic s'est fait un nom et une belle réputation sur la place de Nantes pour qui s'intéresse un tant soit peu à la vie culturelle. En version papier ou numérique, le magazine jette un oeil aiguisé sur la culture locale avec un agenda détaillé des sorties, mais aussi des rencontres, des chroniques, des news en pagaille...
Malheureusement, depuis quelques années, les recettes publicitaires sont en chute libre et Pulsomatic, comme beaucoup de médias, se retrouve dans une situation financière particulièrement délicate.
24 000 euros. C'est l'objectif de collecte fixé sur le site KissKissBankBank, c'est aussi la somme nécessaire à la réalisation et à l'impression du numéro de septembre et par ricochet à la livraison des autres numéros du dernier trimestre 2015. En janvier, un nouveau Pulsomatic est d'ores et déjà annoncé en même temps qu'un nouveau modèle économique. Rencontre avec Ellen Bencina, co-fondatrice et rédactrice en chef du magazine...
Pulsomatic, c'est 30 000 exemplaires par numéro, 650 points de distribution, 13 chroniqueurs bénévoles. Et côté emplois ?
Ellen Bencina. Pulsomatic tourne avec 5 salariés, 4 temps plein et demi. C'est un magazine artisanal fait par des artisans portant sur des sujets pas vraiment mainstream.Plus de 17 ans d'existence... et un combat de tous les jours ?
Ellen. De chaque instant ! Même si on peut passer par des moments de découragement, c'est un boulot passionnant. Il y a toujours une forme, un disque, une chanson, un artiste qui tout à coup vous éblouit, vous tire vers le haut et vous remplit le coeur. Alors forcement, ça motive et on a qu'une envie : partager.Quel a été le moment le plus intense de ces 17 premières années ?
Ellen. Il y en a eu beaucoup. En fait, j'ai l'impression d'avoir vécu une succession de moments intenses. Bien sûr, la sortie du premier numéro a été un moment particulièrement fort, incroyable même. Mais chaque numéro se vit comme une première fois avec l'impression qu'on n'y arrivera pas, qu'il ne sera pas assez bien.Pas de modèle économique numérique, plus de modèle papier, on est dans un entre-deux.
Vous avez été parmi les précurseurs il y a dix-sept ans d'un nouveau modèle économique basé sur un magazine gratuit, financé par la pub, avec un lectorat pour le moins ciblé. Comment expliquez-vous l'essoufflement de ce modèle ?
Ellen. Plusieurs raisons. La crise économique en premier lieu avec des budgets communication qui ont fondu. L'offre culturelle a pourtant explosé sur la ville de Nantes. Á la rédaction, on s'est retrouvé avec un accroissement des demandes d'articles en provenance des structures culturelles, demandes qu'on n'a pas pu traiter faute d'une pagination suffisante. Pendant ce temps-là, les encarts de pub, eux, ont diminué considérablement. Il suffit de prendre un numéro de Pulsomatic vieux de 7 ou 8 ans pour voir la différence.Il y a aussi la question numérique qui a changé les choses... sans les changer en fait. C'est là toute la complexité. Nous savons depuis longtemps qu'il faut aller sur le numérique. Les finances nous ont simplement manqué. Aujourd'hui, notre site n'est absolument pas le reflet de ce qu'on est capable de faire. Il est simplement le reflet de la gestion de la pénurie. Mais il n'y a pas de modèle économique sur le numérique, comme vous le savez. La publicité n'y rapporte pas d'argent sauf pour quelques grands groupes. Pas de modèle économique numérique, plus de modèle papier, on est dans un entre-deux.
Vous annoncez un nouveau Pulsomatic pour janvier. En quoi sera-t-il différent ?
Ellen. Il pourrait être différent en terme de format, en terme de contenu, en terme de support avec un passage au numérique.Avec une application mobile ?
Ellen. Oui, c'est aujourd'hui indispensable. Mais je tiens encore beaucoup au papier. Ce n'est pas la même façon de lire. On a un rapport au temps différent selon les supports. C'est un peu comme écouter une musique en version numérique ou avec un bon vieux vinyle.Selon vous, c'est quoi l'avenir des médias régionaux ?
Ellen. Si j'étais pessimiste, je dirai qu'à la fin il n'y aura plus que des journaux institutionnels. On parlera d'art contemporain dans la revue 303, de musique sur le site de Trempolino, de tout le reste sur TéléNantes... Mais je ne suis pas pessimiste.
Et si vous ne parvenez pas à boucler le financement ? Que se passera-t-il ?
Ellen. On va quand même sortir le numéro de rentrée le 10 septembre. Par solidarité, nos annonceurs ont fait un gros effort d'achats d'espaces publicitaires. On pourra ainsi rembourser une partie de nos dettes auprès de notre imprimeur. Dans le même temps, nous irons au tribunal de grande instance le 8 septembre, on saura alors si on est placé en liquidation ou en redressement judiciaire et pour combien de temps. C'est un moment complexe pour nous mais c'est peut-être aussi l'occasion de nous renouveler, de nous projeter dans un autre journal. On se bat, on cherche des solutions... Merci Ellen
Pour aider Pulsomatic c'est ici, pour retrouver le journal en ligne c'est là.Mercredi 16 septembre, France 3 Pays de la Loire consacrera son émission Enquêtes de Régions à l'avenir des médias régionaux. Plus d'infos sur la page de l'émission.