Le grand orgue, la verrière, le tableau de Flandrin, des joyaux à jamais perdus dans l'incendie de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Nantes. Les pertes sont inestimables mais des trésors du patrimoine ont aussi pu être sauvés grâce à l'intervention extrêmement rapide des secours.
On ne voyait que lui en pénétrant dans la cathédrale de Nantes, majestueux, indestructible. Le grand orgue, avait traversé quatre siècle et résisté à tout, comme par miracle...A la révolution, aux bombardements de 1944 et surtout au violent incendie de 1972 qui avait ravagé la toiture de l'édifice religieux. Aujourd'hui, il ne reste que des cendres, un vide sidéral et sidérant.
Comme le montre cette terrible image publiée par @F3PaysdelaLoire, les dégâts sont considérables : ici se dressait jusqu'à ce matin le grand orgue de la cathédrale de #Nantes, construit au XVIIe et au XVIIIe siècle, qui avait survécu à à l'incendie de 1972 ? pic.twitter.com/IVdyK89l5S
— Alexandre Lafore (@LaforeAlexandre) July 18, 2020
L'administrateur diocésain, le père François Renaud, en charge de la cathédrale, a estimé après être entré sur les lieux avec les pompiers que "le grand orgue avait complètement disparu" dans l'incendie qui a touché l'édifice, samedi 18 juillet. "C'est très impressionnant et c'est une perte inestimable", a-t-il ajouté.
Ce grand orgue du facteur Jacques Girardet datait de 1621. Pour y accéder, il fallait monter les 66 marches de la haute tribune datant de 1620, qui a elle aussi brûlé. "En 1784, le grand 'facteur du Roy' François-Henri Cliquot (1732-1790) à la réputation considérable, achevait une restauration-extension significative", précise le site de la cathédrale.
Une oeuvre majeure du peintre religieux Hippolite Flandrin détruite
Autre joyau du patrimoine parti en fumée : le tableau d'Hippolyte Flandrin, un des plus grand peintre religieux du XIXe siècle, "Saint Clair guérissant les aveugles". L'oeuvre se trouvait dans le bras droit du transept, tout proche du tombeau de François II et de Marguerite de Foix. La toile monumentale était placée au dessus d'une armoire électrique qui a complétement brulé. Le feu semble ne pas s'être étendu ailleurs à cet endroit.Le vitrail de la duchesse Anne de Bretagne a volé en éclat
Dans le brasier, la rosace qui s'offrait entre les deux tours de la cathédrale, a littéralement explosé, soufflée par la chaleur des flammes. Il ne reste rien de l'immense vitrail offert à la cathédrale par la duchesse Anne de Bretagne au XVe siècle mais les experts espèrent pouvoir récupérer quelques morceaux de la majestueuse verrière dans les débris.C'est donc une perte majeur pour les amoureux du patrimoine. Les lancettes de gauche et de droite, et le centre du vitrail, étaient les seuls éléments d'origine de l'édifice religieux. Ils représentaient à gauche Moïse et Anne de Bretagne, au centre la Fontaine de Vie, et à droite Elie et Marguerite de Foix, mère de la Duchesse.
Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Nantes, fragments verriers attribués à Jehan de La Chasse. De gauche à droite : Anne de Bretagne, sainte Anne et Moïse, la Fontaine de Vie, Marguerite de Foix, sainte Marguerite et Élie. pic.twitter.com/6NKUYCMLnA
— William Chevillon (@ChevillonW) July 18, 2020
Les quatorze autres verrières qui éclairent le monument ont été posées après la seconde guerre mondiale. La chapelle de l'Immaculée avait subi les bombardements alliés de 1944. Une bombe avait alors atteint le quartier de Richebourg et soufflé la quasi-totalité des verrières.
Au sortir de la guerre, le diocèse avait fait poser la troisième collection de vitraux. Eux, ont résisté aux flammes.
Les gisants miraculeusement intacts
C'est un trésor épargné : le tombeau de François II, dernier duc de Bretagne et de Marguerite de Foix, sa seconde épouse, parents de la duchesse. Le chef-d'oeuvre repose dans le croisillon droit de la cathédrale.Commandé par Anne de Bretagne, ce joyaux de la Renaissance a été réalisé par Michel Colombe en 1507.
Le Voyage à Nantes a mis en place, dès 2012, une structure légère afin d'élever le regard du visiteur et profite de 2013 pour offrir à l'oeuvre un nouvel éclairage. Les gisants n'ont pas souffert mais ils ont été recouvert par une fine couche de suie.
Enfin, un des fleurons à l’avant de la cathédrale a été abîmé par l’intervention et décroché pour éviter sa chute. Il sera réstauré. La zone du transept et du choeur ont été très touchées. Des pierres sont dans un état très instable.
"L'Etat prendra toute sa part à la reconstruction"
Le Premier ministre Jean Castex, accompagné sur place des ministres de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et de la Culture, Roselyne Bachelot, a rendu samedi après-midi hommage "au dévouement et au très grand professionnalisme de la grosse centaine de sapeurs-pompiers qui ont été mobilisés dès le début du sinistre et qui l'ont géré avec une efficacité remarquable".
L'État "prendra toute sa part" dans la reconstruction "que je souhaite la plus rapide possible", a-t-il promis.
Des appels aux dons pour financer les travaux
La Fondation du patrimoine a pris l’initiative de lancer un appel aux dons qui ouvert à tous dès ce samedi après-midi, afin de reconstruire le grand orgue de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes. Cette collecte nationale se fait en partenariat avec le ministère de la Culture. Les dons des particuliers issus de la souscription publique seront intégralement reversés aux travaux. La Fondation du patrimoine "ne prélèvera aucun frais de gestion (hors conventions de mécénat). Tous les dons sont défiscalisables".
"Un coup de poignard" pour Stéphane Bern
Pour Stéphane Bern, animateur et passionné d'histoire cet incendie "c'est un coup de poignard, un cauchemar qui recommence un an après le drame de Notre-Dame-de-paris. C'est un patrimoine millénaire qui disparait. Les pertes sont irréparables. On ne se préoccupe du patrimoine que lorsqu'il y a des drames nationaux. "5000 églises sont en péril aujourd'hui sur notre territoire. Certaines mairies n'ont pas les moyens de les entretenir et de les restaurer. Il faut réfléchir à la sécurisation des sites avant que les drames ne surviennent. Aujourd'hui encore, il est trop tard", conclut Stéphane Bern, chargé de la Mission patrimoine par Emmanuel Macron.
L'édification de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul, de style gothique flamboyant, a duré plusieurs siècles, de 1434 à 1891.