Le 14 mars, on aurait pu diffuser dans toutes les salles de France la chanson d'Eddy Mitchell "La dernière séance". Le Katorza à Nantes, comme les autres, a fermé pour cause de pandémie. Mais il n'a pas été transformé en supermarché, il a rouvert ses portes ce lundi 22 juin. Ambiance.
Marylène est parmi les premières dans cette file d'attente qui commence à se former devant l'entrée du cinéma. Elle discute avec deux ou trois femmes qui, comme elle, attendent l'ouverture pour la séance de 14h30, la première depuis le 14 mars dernier.
"On est des retraitées dit-elle, des habituées. Ça nous a manqué !"
"On ne voulait pas manquer la première séance"
Marylène s'est un peu fourvoyée pendant ces trois mois sur les sites internet pour y trouver des films, mais ce n'est pas pareil bien sûr.
"Ah non, pas moi !" répond Marie, juste à côté. Les plateformes numériques de distribution de films, ce n'est visiblement pas sa tasse de thé. Elle a d'autant plus souffert de cette parenthèse imposée. "On ne voulait pas manquer la première séance, confirme Marie, je vais au cinéma une fois par semaine depuis mes 15 ans." On ne dira pas son âge mais ça doit en faire des toiles !
Mais plus question de discuter, la porte vitrée s'ouvre, la petite file d'attente composée essentiellement de femmes retraitées peut commencer à avancer pour prendre des billets.
A l'intérieur, tout est prêt, du distributeur de gel désinfectant au panneau de plexiglass en passant par les marques au sol pour la distanciation.
Derrière la vitre, ils sont deux à vendre les tickets. Jean-Maurice doit parfois se pencher un peu pour entendre les demandes. La vitre plus les masques, ça n'aide pas.
"Nous les chiens !" insiste la dame qui a opté pour le film d'animation sud-coréen de Oh Sung-yoon et Lee Choon-Baek. Il fait partie des affiches de réouverture en ce début d'après-midi avec "De Gaulle" de Gabriel Le Bomin , "La bonne épouse" de Martin Provost et "Benni" de Nora Fingscheidt.
Eviter les regroupements dans le hall
Juste à coté, Caroline Grimault, la directrice du Katorza est là. Elle indique les salles aux cinéphiles qui rejoignent rapidement leur siège, il faut éviter les regroupements dans le hall. Au passage, Caroline donne quelques consignes.
"Je vous demanderai de bien respecter les distances, rappelle-t-elle aux spectateurs qui attendent au guichet. Attention au gel hydroalcoolique, le distributeur est virulent !"
Dans la salle, la consigne est moins rigoureuse qu'on ne craignait. On demande juste aux spectateurs ou aux groupes (familles, couples), de laisser une place entre eux et le voisin. Le port du masque n'est pas obligatoire mais conseillé. Entre chaque séance, les salles doivent rester inoccupée pendant 30 minutes, le temps de renouveler l'air. En conséquence, le cinéma perd une séance par jour.
"On est content que ça reparte, déclare Caroline, que le gens soient là. Une centaine de personnes, un lundi en début d'après-midi, c'est pas mal. La première étape est remplie, après, on verra ce que ça donnera cet été."
Le Katorza a repris des films qui étaient déjà à l'affiche avant le confinement et un ou deux autres nouveaux.
Dans sa salle de projection, Olivier Mege, le responsable technique est au taquet. En fait, il n'a jamais ou presque quitté les lieux.
"C'est toujours compliqué de reprendre"
"Avec Caroline, dit-il, on est venu bosser deux fois par semaine. J'avais la maintenance du bâtiment à assurer. Quand ça s'arrête, c'est toujours compliqué de reprendre. Une ampoule pétée, un distributeur à appeler... Je faisais tourner les films, même les 35 mm, j'allumais les lumières..."
C'est sa dernière année. Dans un an, Olivier s'en va à la retraite. Cette fermeture imposée est un épisode de plus dans sa saga professionnelle. "On m'aura tout fait !" déclare-t-il.
Il a fallu aussi réaliser les annonces qui sont projetées en début de séance, avant et après les films, qui rappellent les consignes sanitaires.
"On est ravi de vous retrouver" disent les clients au guichet.
Voilà, le film peut commencer. Que personne ne tousse. Clap de reprise. Action !