Deuil périnatal : "j'ai fait la promesse de la faire exister", Gabriel va courir 564 km pour Lou, morte in utero à huit mois de grossesse

Afin de sensibiliser au deuil périnatal, et pour tenir une promesse faîte à Lou, sa fille morte in utero à huit mois de grossesse en septembre 2020, Gabriel Priou va parcourir 564 km. Il est parti ce vendredi 4 octobre. Un périple de 11 jours en Pays de la Loire et en Bretagne.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Ce jour-là, le ciel est gris plombé, la pluie froide. Mais il en faut plus, beaucoup plus pour qu'il renonce. Gabriel Priou noue ses lacets avec détermination malgré la sale averse qui l'attend dehors. Comme souvent, il va courir près de chez lui dans la campagne vertavienne au sud de l'agglomération nantaise. Il arrache chacune de ses foulées au mental. S'il avance, s'il avale les kilomètres, c'est pour sa fille Lou.

C'est un moyen d'évacuer la douleur, le chagrin. C'est ma bouffée d'oxygène. Ça me fait du bien de me retrouver avec moi-même, une sorte d'introspection. Je pense beaucoup à elle quand je cours

Gabin Priou

Père de Lou

Ce 4 octobre, il s'est élancé dans une course de 564 km. 11 jours de périple en courant des Pays de la Loire à la Bretagne.

Symboliquement, ce père endeuillé est parti depuis le parc paysager de Nantes où est enterrée sa fille.

Elle s'appelait Lou, elle est décédée in utéro à huit mois et demi de grossesse, le 20 septembre 2020. Depuis, Gabin Priou, père endeuillé, tente de se reconstruire, pas à pas, avec cette immense blessure qui ne guérira jamais.

"Chaque étape a été compliquée à vivre. Chaque étape a sa propre définition. Je pense que la période de 48 heures entre l'annonce du décès et l'accouchement physique de ma femme, ce sont les 48 heures que je ne pourrai jamais oublier."

"Je suis brisé"

Gabin a d'abord été dans le déni. Quand le drame vient déchirer sa vie, il n'a qu'un seul but, , tenir la maisonnée debout, préserver Jade, trois ans, et sa compagne anéantie.

"Voyant que ma femme était très malheureuse, je me suis mis en tête d'être là pour elle et ma fille, de les relever, elles. Et moi, je me suis peut-être mis un peu de côté. Pas par fierté, pas pour être un héros, pas du tout. Mais parce que j'étais chef de famille. Ma femme, c'est toute ma vie, ma fille aussi. Donc, je me devais d'être là pour elles... Après, il y a eu la douleur, cette douleur toujours là depuis quatre ans."

Moi, comme je dis, je suis brisé. Depuis quatre ans, je suis brisé au fond de moi.

Gabriel Priou

Père de Lou

Gabin ne sera plus jamais le même, mais il avance.

"J'essaie de nourrir des petits moments de bonheur pour reconstruire un peu les morceaux". Des moments fugaces qui n'empêchent en rien les rechutes.

"Il y a un an, à l'été 2023, une fois que ma femme allait un peu mieux, moi, j'ai eu un gros coup de mou, un coup de poignard, un violent coup de couteau. Tout est ressorti. Et c'est là que les projets ont commencé à apparaitre. "

Il y avait sans doute quelque chose d'inconscient, quand j'ai senti que ma femme allait mieux, j'ai relaché

Gabin Priou

"La douleur, je l'avais mise de côté dans mon cerveau, comme enfermée dans un tiroir, et il s'est ouvert naturellement, il y a un an et demi."

Le plus dur pour ce père endeuillé, c'est de faire exister cette enfant morte-née. "On nous a tout de suite demandé si on voulait la faire apparaitre sur notre livret de famille, avec ma femme, on n'a pas hésité une seule seconde."

"Je ne veux pas que les autres l'oublient"

"Nous, on ne l'oubliera jamais, mais je ne veux pas que les autres l'oublient, je ne veux pas que ses grands-parents l'oublient, je ne veux pas que ses oncles et tantes l'oublient, je ne veux pas que nos amis oublient que nous sommes parents de trois enfants."

Moi, je dis toujours que je suis papa de deux enfants et que je suis "papange", papa d'une petite étoile

Gabin Priou

Après le décès de Lou, il a fallu se confronter aussi à l'incompréhension de certaines personnes, face à cette enfant qui n'avait pas de réalité puisqu'elle n'avait pas vécu.

"Certaines personnes sont maladroites parce que c'est un deuil qui n'est pas connu, un deuil qui est encore trop tabou. C'est un deuil auquel on ne pense pas. Ce n'est pas la logique de la vie, en fait, qu'un enfant parte avant ses parents, et ça l'est encore moins avant même que l'accouchement physique ait lieu", explique Gabin.

C'est aussi pour ça qu'il court Gabin, pour parler du deuil périnatal et pour faire exister "tous ces petits anges", comme ils les appellent tendrement, et sa fille Lou.

Quand ma fille est partie, la dernière fois que je suis allé la voir à la chambre mortuaire, je lui ai tenu la main et j'ai fait la promesse de la faire exister à travers divers projets, et je tiendrai ma promesse

Gabin Priou

"À la maternité, on m'a laissé de côté"

"Même si l'on n'a pas de souvenirs physiques avec nos enfants, on a le droit d'être malheureux. On commence à aimer notre enfant à partir du moment où notre femme est enceinte. Moi, j'ai commencé à créer un lien avec mes enfants à partir du premier jour où j'ai appris la grossesse", ajoute Gabin.

Si Gabin parle avec force de son enfant aujourd'hui, peu de pères abordent la question.  

 J'ai envie de m'exprimer pour dire qu'il ne faut pas nous oublier, nous, les papas

Gabin Priou

"Moi, à la maternité, on m'a laissé de côté. On a proposé une aide psychologique à ma femme, pas à moi, alors que j'en avais peut-être autant besoin", confie Gabriel. 

"Moi, je vois ma première petite fille, on m'a laissé totalement de côté. Le premier soir, je n'avais même pas de repas pour moi. Je dormais sur un canapé. J'avais un pauvre lit de camp après. Je sais que les soignants sont débordés, qu'ils n'ont pas beaucoup de moyens et qu'ils font un super métier, sûrement le plus beau au monde. Mais il ne faut pas oublier le papa. Que ce soit pour un accouchement qui se passe bien, ou en cas de drame, parce qu'il y a deux douleurs intimes, le père a autant de chagrin, il souffre autant que la mère", ajoute-t-il.

On ne lui a pas pour autant tourné le dos. "La clinique Jules Verne à Nantes nous a proposé à ma femme, du moins une aide psychologique, mais vu que c'était en pleine crise sanitaire, ça s'est fait par téléphone, donc c'était encore plus compliqué."

Le couple s'est aussi rapproché de l'association Spama. Un lieu d'écoute et de soutien pour des groupes de parents endeuillés afin "d'échanger sur les différentes d'histoire, de discuter et d'avancer tous ensemble,", explique le père de Lou.

Cette route intérieure chaotique, à la fois douloureuse et pleine d'espoir, Gabin veut aujourd'hui l'exposer aux yeux du monde. Alors, il court pour tenir la promesse qu'il a faite "à sa petite étoile".

Le 15 octobre, de retour de son périple, il sera l'invité de notre émission Ça se passe ici, à partir de 19h05

Propos recueillis par David Jouillat et Vincent Raynal

Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information