DIRECT. Dernier jour du procès Caouissin Troadec à Nantes : la parole à la défense

Après les réquisitions des avocats généraux hier, la condamnation à perpétuité pour Hubert Caouissin et trois ans de réclusion pour Lydie Troadec, la parole est donnée ce matin aux avocats de la défense. Les accusés seront entendus une dernière fois. Le verdict est attendu en fin de journée.

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12ème journée du procès ce mercredi 17 juillet 2021. Hier, les deux avocats généraux ont réclamé la perpétuité avec une peine de sureté de 22 ans contre Hubert Caouissin et trois ans de réclusion pour Lydie Troadec. La journée est consacrée aux plaidoiries de la défense.

9h : Me Crestin avocat, défenseur de Lydie Troadec se prépare à prendre la parole. Maîtres Larvor, Fillion et Cabioch sont sur leur banc. Les deux accusés viennent d’arriver. Lydie Troadec comparait libre.

9h 10, l’audience reprend.

La présidente : "Vous avez la parole Me Crestin".

"Pour juger il faut d’abord comprendre l’histoire de Lydie Troadec. Lydie décrit son père comme dur, exigeant, une mère effacée. Un frère, Pascal, avec qui elle joue dans le quartier Recouvrance. Lydie et Pascal grandissent, des trajectoires sans problème. 

Lydie raconte une vie sincère. Elle rencontre Hubert, elle trouve quelqu’un qui l’accepte comme elle est. Il la rassure, prend soin d’elle. En 2007 elle est enceinte, 2008 c’est la naissance de Jean. La relation avec son frère se dégrade. En 2009, elle perd son père, elle développe un cancer du sein qui la mutile totalement. Puis une seconde grossesse interrompue. Le cancer, la mort, un renforcement de ses fragilités.

Son compagnon renforce sans s’en rendre compte son sentiment de vulnérabilité. Il lui dit "s’il devait arriver quelque chose à Jean, je te quitterai, tu ne peux plus avoir d’enfant." Elle est humiliée, pour elle l’amour doit être au-dessus de tout. Elle dit, "je n’avais pas vu qu’il était malade."

Comment vivre après la perte d’un frère, de sa famille ? Elle n’a jamais souhaité la mort de son frère et de sa famille, quelle tristesse aujourd’hui.

Mme Troadec doit affronter l’avenir, il faut comprendre le passé. Son état psychique avant les faits, durant les faits, depuis les faits.

Hier on vous a dit que le délire à deux est une salade, un monstre froid. Une nunuche soumise, quelle indignité. Mme Troadec n’est pas une victime ? C’est une victime coupable ou une coupable victime ? Il faut tenir compte de son parcours de vie. Il faut qu’elle continue de comprendre. Mr Dubec vous a expliqué ce qu’est un délire à deux.

Les deux vivent un contact plus ou moins intimement, le sujet actif contamine le sujet passif de son délire. Elle a intériorisé le conflit plutôt que d’y répondre. Elle n’a pas voulu les conséquences qu’elle a engendrées.

Lydie n’a pas dirigé les idées, elle a diffusé un brouillard, dit l’expert mais elle est elle-même dans ce brouillard.

Je vous demande de retenir l’altération, elle était sous l’empire d’un délire à deux. On vous demande de la condamner pour sa responsabilité morale, mais elle a déjà dit sa responsabilité de n’avoir pas su voir, sa colère. Quelle tristesse pour Mme Troadec. Elle vit avec cette responsabilité morale depuis quatre ans.

Je ne pense pas que la prison soit une solution pour la personnalité de Mme Troadec. La solution c’est son fils Jean, elle lui apportera les réponses lorsqu’il sera en âge de comprendre. Son sentiment de culpabilité est très vrai. Par rapport à son fils, par rapport à Hubert.

L’anniversaire de Jean, c’est demain. Vous devrez vous demander si Jean pourra recevoir un coup de téléphone pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Pensez à Jean", conclue Me Crestin sans quitter un instant son expression calme et bienveillante.

9h30 : Me Cabioch, avocat de Lydie Troadec, plaide à son tour. 

"Les personnes les plus marquées par cette affaire ce sont les parties civiles. Mais pour elles ce n’est pas une affaire. C’est une tragédie. Une tragédie qui ne doit pas vous faire perdre la raison, mesdames et messieurs les jurés.

Durant votre journée de préparation, vous avez rencontré un avocat qui vous expliqué le rôle des avocats, juger en fonction de la Loi, de vos convictions, mais aussi de ce que prévoit la Loi. La Loi doit s’appliquer aux accusés. Vous devez tenir loin tout ce qui est de l’ordre des hypothèses, de l’imagination.

Vous allez dire où elle dormira ce soir, et pour trois ans comme on vous le demande.

Et si, et si, et si ? Effectivement elle a souffert, elle en voue à Mr Caoussin une reconnaissance absolue. Sa responsabilité morale ? Elle reconnait n’avoir pas su voir la maladie d’Hubert Caouissin.

Puisque la participation de Mme Troadec ne ressort de rien, on vous invente un pacte criminel, une idée séduisante, mais seulement cinématographique. La salle d’assises n’est pas un concours Lépine, un lieu où l’on invente au fur et à mesure de son imagination.

On n’a jamais demandé une révision de la mise en accusation. On aurait préféré qu’elle soit coaccusée ? On flatte vos bas instincts.

Elle a des mots déplacés lors de réunions de familles ? Et alors qui n’en a pas eu ? Certes elle est graphomaniaque. Est-ce que cela en fait un suspect. Tout fait sens dans ce délire, dans cette ferme du Stang. Comme dans cette salle d’audience, il n’y a pas de lumière du jour. Comme dans cette salle, il faut lever la tête pour voir le jour au zénith. Au Stang, il n’y a pas de lumière.

Pourquoi Mme Troadec ne s’est-elle pas précipitée à la gendarmerie son enfant sous le bras, pendant ces jours effroyables ? Elle ne sait pas. Lydie Troadec que vous jugez aujourd’hui n’est pas celle de 2017. Elle était dans une prison psychique quand les enquêteurs lui ont dit qu’Hubert Caouissin avait avoué durant deux heures.

Je ne suis pas certain qu’elle aurait craqué à ce moment-là. Elle avait une échappatoire. Ces mensonges en garde à vue, sont les seuls qu’on peut lui reprocher. On écarte une altération du discernement, mais rien ne permet de l’écarter. Pourquoi ce qui serait valable pour Mr Caouissin ne le serait pas pour elle ?

Ce délire est typique d’un manuel de psychiatrie, où l’on illustre la culpabilité née de l’éloignement. La situation dans laquelle elle se trouvait ne lui a pas permis de protéger Jean. Reprochez-lui son aveuglement, c’est légitime, mais jugez-la.

La maison de Pont-de-Buis a fait l’objet de nombreuses tentatives d’intrusion. Mme Troadec a dû déposer plusieurs plaintes. Des gens viennent la casser pour tenter de trouver l’or qu’ils sont supposés y avoir caché. La maison est en ruine, la vie de Mme Troadec également.

Elle est sidérée d’avoir été placée dans ce siphon sans fin. Elle sait que Jean restera sous la responsabilité des institutions jusqu’à sa majorité.

Elle sait qu’elle restera seule, face à la mort de ses proches. Il ne lui restera bientôt plus que son fils. Vous lui accorderez une peine mixte, elle fera l’objet d’un double suivi. Celui du juge des enfants et celui du juge d’application des peines.

Sa première pensée demain sera pour son fils qui va avoir 13 ans. Sa seconde pensée sera pour Pascal, Brigitte, Sébastien et Charlotte".

L’avocat éloquent, quitte alors le ton de la conviction, "Je vous remercie".

9h55. La présidente suspend l’audience pour 20 minutes.

10h25. Reprise de l’audience.

La présidente s'adresse à Me Larvor, avocat d'Hubert Caouissin : "Maître, vous avez la parole"

"Je me présente devant vous comme porte-parole d’Hubert Caouissin. C’est difficile de porter sa confiance. Hubert Caouissin est né dans le Léon, un pays où on ne parle pas de soi. Pourtant il parle beaucoup tout au long de ce procès. Il a suspendu son traitement médical nous a t il dit pour être entendu et compris.

Juger c’est comprendre. Comprendre ce qui s’est passé. Ça ne fait pas le lit de l’excuse. Je voudrais m’adresser aux parties civiles, dire notre compassion. Je suis de ceux qui pensent que les parties civiles ont le droit de tout dire. J’espère que les parties civiles comprendront notre rôle.

Mais la défense a le droit également de tout dire. On ne peut pas transiger. Puissiez-vous nous comprendre, à défaut de nous entendre. Comment un homme qui n’a jamais fait l’objet d’un procès-verbal de sa vie a pu en arriver là. Cette question me torture depuis le début. Ce dossier a été le dossier noir d’une partie de mes nuits blanches."

Il n’y a pas de crime banal, il n’y a que des trajectoires qui conduisent au crime.

"Mesdames et messieurs les jurés, attention à ne pas juger en émotion. Celui qui a commis de tels faits ne fait plus partie de notre humanité ? Et pourtant, Hubert Caouissin a commis ces faits au bout de son délire paranoïaque. Ce procès est éminemment psychologique.

Il nous faut quitter le champ du hors normes et de l’extraordinaire, pour entrer dans l’ordinaire et l’humain. Sa trajectoire sociale en fait un homme ordinaire, jusque dans son incarcération. Il n’y a pas de crime banal, il n’y a que des trajectoires qui conduisent au crime.

La défense ne va pas tenter de vous vendre une salade comme on l’a entendu hier. Vous avez été particulièrement désagréable et outrancier Mr l’avocat général.

La justice propose une qualification des faits, vous jugerez en fonction des faits et de ce que dit la Loi. Il y a décalage entre les faits et l’intégrité portée aux cadavres. Le meurtre est passible de la perpétuité, l’intégrité portée aux cadavres n’est passible que d’un an de prison. Vous devrez faire la part des choses.

Il a beaucoup parlé, ce n’est pas facile de dire la vérité, mais c’est toujours libérateur. Hubert Caouissin est un finistérien à l’envers. Il donne un tel flot de détails qu’il livre de quoi faire un examen clinique complet. 12 ou 13 pages sans une question. Quand j’entends parler d’aveux prudents Mr l’avocat général, mais je crois rêver, mais dire, c’est s’exposer.

"Hubert Caouissin, il déballe tout, le psychiatre nous dit qu’il ne se rend pas compte de l’impact sur ses interlocuteurs. On a l’impression qu’il est jugé plus par rapport à ce qu’il dit que ce qu’il a fait. La méthode classique s’attache à l’évolution des déclarations. Ici on a une réémergences des souvenirs, il y a des choses qu’il refoule pour s’auto protéger psychiquement.

Il y a une foule de détails qui conduisent les enquêteurs à leurs découvertes. Les enquêteurs sont allés à Pont-de-Buis. Ils n’ont rien vu. Il parle et il participe, il contribue à monter le dossier. Il y a cohérence entre ses dires et les constatations des experts. La morpho-analyse va dans le sens de ce que dit Mr Caouissin ? Pas un mot dans le réquisitoire de Mme l’avocat général. Pourtant l’expert fait claquer le mot compatible dans toutes les phases de l’explication du déroulé des faits."

L’avocat énumère alors chaque coup porté, et évoqué par Hubert Caouissin, et comment l’expert explique que chaque coup porté selon le récit qui en est fait est compatible, son maître mot, avec les constatations observées.

"Finalement quand je regarde le rapport de l’expert, je note huit fois le mot compatible. Je comprends que le ministère public a fait le choix d’oublier ce rapport.

Mr Caouissin aurait attaché Pascal dans le fauteuil, mais vous avez vu le fauteuil ?" Il brandit un ordi portable sur lequel on voit le fauteuil bleu. Un fauteuil plein, façon cabriolet de salon. "Dites-moi comment on peut attacher quelqu’un avec des colliers Serflex sur un tel fauteuil ?"

"Je reviens sur cette pseudo préméditation, il serait arrivé à Orvault pour les tuer. Au bout de quatre ans on tourne autour de cette idée de préméditation. Les parties civiles auraient pu demander la requalification des faits. Rien !

On parle ici de probable anticipation des faits ! On tente de mettre en doute la parole d’Hubert Caouissin. Il n’a éludé aucune des questions des juges d’instruction. Il a démembré les corps, bien sûr que c’est choquant, mais attention de ne pas tout interpréter à charge. Un fait banal prend un relief particulier au regard des faits reprochés.

Les colliers Serflex ont été achetés pour réparer une petite poutre la re-solidariser. Les talkies, ils ont été achetés pour communiquer sur une propriété de 27 hectares. Science et vie, Mr Caouissin est un téléchargeur compulsif. Il n’aura jamais assez le temps d’une vie pour tout lire. Si je devais préparer un crime je n’irais pas sur Science et vie qui est une revue de vulgarisation. Mais il consulte aussi science et vie junior…

Les enregistrements, là encore on interprète les propos à la lumière de l’accusation. On nous a fait écouter 18 minutes de 7 heures d’enregistrement. À la 34ème on y parle de partage avec Pascal.

Tout le monde rigole, il ne connait pas l’affaire Dupont de Ligonnès. Cet homme ne vit pas comme tout le monde, il n’a pas de télé depuis le début des années 2000.

Les imbéciles du crime sont plus nombreux que les génies du mal. Ça va très bien à Mr Caouissin. Ne croyez-vous pas que si vous préméditez quelque chose, avec 27 hectares on va pouvoir faire disparaître quatre corps. L’experte nous dit qu’il aurait été impossible de tout explorer.

"Vous enlevez l'objet de son délire paranoïaque, il est tout à fait normal"

L’arme du crime, vous feriez, vous, 300 km avec un pied de biche ? Une arme à feu aurait sans doute été plus probable. Dans la préméditation on fait mieux. Il dit qu’il va à Orvault pour chercher des preuves. Il emmène un crayon, un carnet, un appareil photo et un stéthoscope. Dans son récit il parle de tempes qui claquent, de peur. Il dit être resté prostré deux heures dans le garage avant de partir ? Ce n’est pas le signe du monstre froid qu’on nous décrit.

Dans une telle situation, c’est complètement la panique, il part revient, nettoie, c’est incohérent. Il est dans la panique ! 27 hectares dans les ronciers, ce n’était pas difficile de faire disparaitre des corps. Il balance des restes humains à la volée dans la panique. Les disques durs d’ordinateurs, dans la préméditation il aurait fait disparaître tout ça.

L’endroit des faits est exigu, 7 mètres carrés 27. Le temps de la scène, 3 minutes probablement. Il nous dit quand Pascal le surprend il lui dit je vais te tuer. Qui peut dire comment on réagit, on nous dit ce n’est pas possible qu’un homme en tue quatre autres.

Mr Caouissin bûcheronne. Oui mais pas à la tronçonneuse, à la scie ! Il est dans une super forme physique à ce moment-là. Sa condition physique n’a rien à voir avec celle qu’il présente aujourd’hui.

Les spécialistes des sports de défense indiquent que la première réaction face au danger est la fuite. C’est ce qu’il fait, il dit avoir voulu fuir par le garage. Il ne faut pas toujours aller chercher de la rationalité. La fuite n’était pas possible, le cerveau évalue la précarité de la situation et il invite à lutter contre l’assaillant.

L’arme du crime, on sait le 5 mars qu’il l’a jetée du haut du pont de l’Iroise, on fait les recherches en juin ! Il y a plusieurs très gros coefficients de marée, il y a du jus à cet endroit. Les têtes ont été enterrées dans un ru. Une crevasse faite par les eaux de ruissellement vers la rivière l’Aulne. Là aussi, on des effets importants de marée…

Le procès se conclut parfois par des peines irréparables, disait Jacques Vergès. On a requis une peine d’élimination au vu de son âge. J’ai été en colère hier soir. Mme l’avocate générale nous fait traverser l’Atlantique. Bizarre non ? Elle fait appel aux parties civiles.

La peine doit permettre de conserver l’accusé dans la communauté des humains. La perpétuité requise pour nous faire accepter qu’il est dangereux pour la société. Il n’est pas un psychopathe, il n’est pas un pervers. Les experts nous disent qu’en dehors de sa trajectoire paranoïaque, il ne présente pas d’éléments de dangerosité.

L’objectivité doit nous ramener à la réalité. L’objectivité n’est pas une illusion, c’est une nécessité. Je vous demande simplement, ayez cette objectivité, la loyauté, le respect d’une Loi égale pour tous. Notre société est dure pour les faibles.

"Vous, Mr Caouissin, finistérien comme moi, je vous côtoie depuis 4 années, ça crée des liens. Ne poussez pas Mr Caouissin à la désespérance. Il n’y aura pas de perdants, il n’y aura pas de gagnants. Il y aura deux familles marquées par une histoire incroyable".

11h45. L’audience est suspendue pour 15 minutes.

 

La plaidoirie de Me Fillion

12h. L’audience est reprise

La présidente : « Vous avez la parole Me Fillion pour la défense de Mr Caoussin ».

« C’est donc cela cette histoire de disparition de meurtres, d’éparpillement des corps, d’or, se secret de famille. Quatre ans d’instruction, 12 jours de débats.

Cette défense je l’ai préparée avec mon confère et ami Me Larvor. Je le remercie d’avoir continué. Je voyais cette phrase dans la salle des pas perdus, chaque citoyen doit savoir s’il coupable ou innocent.

Mr Caouissin sait qu’il a tué. L’homme perd sa grandeur en jetant la pierre. C’est la bible. Nous avons écouté les parties civiles, je ne peux rien envers ce chagrin immense. Leurs actions et leurs paroles sont absolument légitimes, mais l’émotion et le chagrin ne peuvent pas constituer la mesure de la peine que vous prononcerez cet après-midi.

J’ai écouté Mr et Mme l’avocat général, je n‘ai pas entendu parler ni d’un homme ni d’une femme ». Son ton monte. « Vous avez bien dormi Mme l’avocate générale, Mr l’avocat général. Moi non, vous nous avez embarqué dans cette histoire de quadruple perpétuité américaine, pour mieux justifier la vôtre ? C’est abyssal ! » Il se calme.

« Je me souviens de ma première rencontre avec Mr Caouissin. Il faisait frais, j’ai attendu de découvrir l’homme dont tout le monde parlait, le monstre froid. J’ai rencontré un homme apeuré, perdu. Comme quoi les mots des autres sont supérieurs à nos propres mots.

Je ne pouvais pas lui accoler le substantif de criminel. Jamais je n’ai perçu dans cet homme qui me faisait face, jamais je n’ai perçu, un assassin, un meurtrier un monstre. Jamais.

Il devait se demander qui est cet homme cet avocat. Il était dans l’absence de ceux qu’il aimait, Lydie, Jean. Il vivait aussi dans l’absence de ceux qui sont disparus. Il ne comprenait pas ce qu’il faisait là. Soit il y pensait au travers de flashs, Charlotte, Sébastien. Il a tenté de mettre fin à ses jours, merci aux personnels de la prison de Nantes qui l’ont sauvé.

Ces années de prison sont la mort dans l’âme. Il a tenu, devant les juges, il répond encore depuis le 22 juin. Vous avez dit Mme la Présidente combien cela devait-être difficile pour lui. Il est là devant vous pour être jugé. Où puise-t-il cette force pour être encore là ? Je pense qu’il puise cette force dans cette promesse faite à Jean. Je sais Me Méchinaud (défenseur de l’enfant NDLR), cette scène est inadaptée, cruelle, pour ce jeune fils. Mais il se rendait à peine compte qu’il allait devoir expliquer l’inexplicable. 

Que sait-on de la vie des autres, y compris de nos proches. Il faut que la personne mise en cause raconte sa vie, que les experts, qu’à l’audience, on raconte encore sa vie. Mais que savons-nous de sa vie ?

Vous avez Mme la Présidente, vous avez rappelé les faits marquants de la vie d’Hubert Caouissin. Le premier, la relation à la mère, comment se rapport nous a permis notre rapport aux autres, de penser qu’on est aimés, ou pas, avoir la sécurité affective. Ou pas.

Sa mère a fait ce qu’elle a pu. Elle trouvait le réconfort dans l’alcool. Vous avez vu Marie-Françoise Caouissin, vous l’avez vue, là au deuxième rang. Elle était là avec les sacs en plastique des pauvres gens. Parce qu’elle amenait son repas de midi, seule. Elle a tout entendu, tout supporté. Elle était là pour lui dire Hubert je suis là.

Son père est mort en 2002. Trop jeune pour lui-même comme pour Hubert Caouissin. Il l’a dit et répété.

Ce n’est que quand les fils perdent leur père qu’ils se rendent compte qu’ils perdent leur meilleur ami" .

Georges Simenon cité par Me Fillion

 

"La troisième personne cardinale dans sa vie c’est Lydie. Ce n’est pas un coup de foudre, pas non plus un flash érotique. Ils se font confiance. Il lui frotte les pieds parce qu’elle a froid lors de leur rencontre. C’est fondamental de leur relation. Comment peut-on imaginer des monstres comme on a voulu nous le faire croire hier ?

Peut-être que la personnalité de cette femme a joué un rôle dans la tête d’Hubert. Il voulait des enfants et ça a été compliqué tout de suite. L’enfant est né, l’étrangeté de l’autre, tout le monde a peur pour son enfant, surtout pour cet enfant dont la santé est fragile.

Hubert Caouissin a dit, combien d’années de répit avons-nous eu avant que les malheurs s’abattent sur nous ? Il l’a soutenue autant qu’il le pouvait. Il a tenu bon, il est habitué à tenir bon. Après la maladie de Lydie, c’est le décès brutal de Pierre Troadec. 

Il est fatigué, les difficultés physiologiques de l’enfant, la maladie terrible de Lydie, les soucis au travail, il souffre du dos, ne dort plus. Il s’enfonce dans une dépression profonde. On dit burnout parce que ça fait chic cet anglicisme, qui renvoie aux soucis professionnels.

Un homme aussi structuré par le travail, la droiture, il est en difficulté dans sa vie au travail, dans ses difficultés de vie, c’est dans ce creuset-là, qu’il s’enfonce dans son délire paranoïaque. Vous aurez peu d’efforts à faire pour voir en filigrane qui est Hubert Caouissin, vous avez vu, Jean-Noël, Ronan, Margueritte.

Tout le monde a une excellente image de lui, on dit c’était une belle personne, on n’a pas vu qu’il s’enfonçait dans un délire qui ne lui ressemble pas. Le seul moment où Hubert a tonné, c'est contre son frère, nous n’avons pas vécu la même chose ! 

Notre frère n’est pas cet homme-là. Disent ses frères et sœurs. Quand ils l’ont retrouvé à la prison, tout était triste, tout était noir ». La voix de l’avocat tremble d’émotion. Il prend un ton grave.

« Comment peut-on comprendre ce qu’il lui est arrivé ? Avez-vous devant vous un fou ? C’est un homme qui s’exprime bien, qui raisonne, qui a toutes les apparences de la normalité. Mais tout de même. Mais tout de même, il est devenu fou !

Qu’est-ce que c’est que le délire ? Un interprétation fausse en fonction d’intuitions délirantes, centrée sur un seul thème, pouvant emporter l’adhésion des auditeurs. Le délire paranoïaque interprétatif de secteur, dont parlent les experts commence quand ? Je ne sais pas le dire. 2013, l’arrêt de travail, 2014 Renée Troadec partage cette confidence sur l’or. Il a une phrase incroyable, je me suis dit que je n‘avais pas besoin de ça maintenant. Comme une prémonition. Les experts disent, la lumière se fait. Hubert Caouissin se met à tout interpréter, tout réinterpréter dans le sens de cette histoire d’or, de cette spoliation. Son lien indéfectible avec Lydie le pousse à lutter comme un chevalier.

Renée Troadec dit à Lydie, Pascal se moque de ton cancer. Tout fait sens pour lui. Renée dit encore, Pascal et Brigitte achètent des berlines allemandes, c’est très cher, ils n’ont pas les moyens. Ils font le tour des capitales européennes, ça coûte très cher, il n’ont pas les moyens. Ils ont une maison à Perpignan…

Et le délire se construit, s’ils vont en Italie c’est pour rencontrer des tueurs qui vont en vouloir à Jean. Quand un homme raisonne de cette manière, il n’est plus dans notre logique à nous, il n’est plus dans notre normalité. Ce n’est pas l’argent qui intéressait Hubert, c’est la spoliation, ce sentiment d’humiliation qui le poursuit depuis l’enfance. Il y a une nécessité absolue de démasquer Pascal et Brigitte, il a peur pour son enfant. Il est en train de devenir fou. C’est cette folie qui le fait aller à Orvault. Il avait peur ? Je n’y étais pas. Il faut accepter.

Mr l’avocat général, je pense vraiment que ces expertises vous posent difficulté. Tous ont-ils rendu des rapports d’expertises sérieux ? » Il s’emporte. « Six experts, Zaguri et Dubec, 59 pages de rapport, Coutanceau et Benssoussan, Barbaras et Dumet, 28 pages, 27 pages, 114 pages de bobards et de salades comme vous dites Mr l’avocat général ?

Leur analyse, Hubert Caouissin est atteint d’une altération du discernement au moment des faits. Il n’avait pas son libre arbitre, sa volonté n’était pas libre.

Mme l’avocat général, vous dites il n’est pas tout le temps dans le délire. Le docteur Zaguri dit pourtant on pourrait même parler d’abolition. Peut-être que le délire est moins prépondérant une fois dans la maison ? Dans quel état est-il quand il est dans la maison quand il frappe ? Il le dit, un mélange de peur et de colère. Il frappait qui ? L’enfance qu’il n’a pas eu ? Il frappait. Une violence qui ne lui ressemblait pas.

Il n’a pris aucun plaisir à tout ça. Les experts nous ont dit qu’il était dissocié, disait qu’il fallait tuer l’homme pour sauver le père. Vous pensez que Hubert Caouissin n’était pas atteint d’une part de folie quand il détruit les corps. Le docteur Zaguri, nous sommes devant un cas d’école. Le délire est constitué, je ne vois pas comment on ne peut pas considérer que nous sommes devant une personnalité délirante ou alors il fallait changer la Loi. Le docteur Coutanceau, dans d’autres circonstances on l’aurait hospitalisé. Il s’agit d’une affection mentale d’un pathologie psychiatrique ». L’avocat cite encore les rapports des psychiatres et psychologues qui concluent tous à cette cage mentale, dans cette paranoïa attroce, cette obsession.

Qu’allez-vous faire d’Hubert Caouissin ? La réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sureté de 22 ans. C’est une peine qui retient quelqu’un sans limitation de durée. Elle exclut toute possibilité de réinsertion et le conduira à mourir en prison. Quel est le sens de cette peine Mme l’avocat général ? Protéger la société, parce que cet homme sera toujours dangereux ? Toujours dangereux quand il sortira ? Les experts concluent à la rigueur à une possibilité de dangerosité pour lui-même.

22 ans, quel âge aura Hubert Caouissin ? Il aura 72 ans, cet homme sera encore dangereux, il ira dans un maison au hasard pour tuer une famille ? Alors que ses persécuteurs dans son délire paranoïaque ne sont plus là. Que l’or aura perdu toute réalité ? Il n’y aucune raison de condamner un homme au désespoir.

La peine maximum sur laquelle vous pouvez voter, soit la perpétuité, soit 30 ans. Est-il juste de le reléguer dans une cellule un homme sans avenir ». Il cite Rainer Maria Rilke. « Je vous supplie de ne pas prononcer cette peine maximum contre Hubert Caouissin. Jugez Mr Caouissin tel qu’il est. 

Il s’adresse à Hubert Caouissin qui se redresse : « Sachez Mr Caouissin qu’avec Me Larvor nous avons tout fait pour vous comprendre ». Il revient vers la cour. « Je vous demande de faire preuve de courage dans votre décision. Les mots de l’avocat ne sont pas toujours les meilleurs, Mr Caouissin écrit à sa famille, chaque réveil est un cauchemar, je ne parviens plus à me projeter, la vie est un supplice, essayer de faire comprendre la vie pour Jean plus tard. J’ai rêvé que je parlais avec papa, il ne veut pas me voir pour l’instant. Nous n’avons pas eu beaucoup de répit. Je t’aime Lydie encore et encore. Je vous aime plus que tout. 

Quand il voit son enfant partir il dit à l’assistante sociale, j’aimerais le revoir. Tout est dit ».

Hubert Caouissin pleure, toujours penché en avant. Lydie regarde la cour. Elle écarte son masque, les yeux pleins de larmes.

13h20. L’audience est suspendue, reprise à 14h45.

 

Les dernières questions aux accusés, le jury se retire

14h55

Reprise de l’audience.

La présidente : « Je vais vous demander de vous lever Mme Traodec, vous avez entendu comme nous les réquisitions et les plaidoiries, que souhaitez-vous ajouter ? » « Non… je n’ai rien à ajouter ».

La présidente : « Mr Caouissin, même chose, Mr Caouissin vous avez entendu comme nous les réquisitions et les plaidoiries, souhaitez-vous ajouter quelque chose ? »

Hubert Caouissin répond oui avec empressement : « Je regrette ce qu’il s’est passé à Orvault, je demande pardon, je demande pardon à Sébastien, je demande pardon à Charlotte, je demande pardon à Brigitte et je demande pardon à Pascal ».

La présidente, « Les débats sont clos. Mesdames et Messieurs le jurés nous allons nous retirer dans la chambre des délibérations. Monsieur l’officier vous prendrez soin de ne laisser entrer personne. Madame Troadec vous pouvez parler avec qui bon vous semble, mais vous ne devrez pas quitter l’enceinte du tribunal. L’audience est suspendue ».

15. Le jury se retire.

 

Retrouvez ci-dessus toutes les vidéos des 2 semaines du procès de Hubert Caouissin et de Lydie Troadec

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