Après les plaidoiries des parties civiles le matin, l'après-midi de ce 11ème jour du procès Caouissin Troadec a été consacré aux réquisitions des deux avocats généraux, ils ont réclamé la perpétuité avec une peine de sureté de 22 ans contre Hubert Caouissin et trois de réclusion pour Lydie Troadec.
11ème journée du procès ce mardi 6 juillet. Depuis 10 jours, les débats ont porté sur la question de savoir, de comprendre, s’il y avait eu intention de donner la mort au couple Troadec et à leurs deux enfants, dans la folle équipée d’Hubert Caouissin. L'accusé ne dévie jamais de son récit initial.
Tous les experts médicaux concluent à la maladie psychiatrique, à un délire de type paranoïaque sectoriel à son sujet. Lydie Troadec apparait toujours comme une compagne soumise à son délire, le nourrissant même par son attitude résignée. S’enfermant tous deux dans un « délire à deux », dans un isolement social et familial qui conduira au désastre.
9h10, reprise de l’audience.
La présidente : « Mme Troadec, on va donner la parole aux avocats des parties civiles, avez-vous quelque chose à ajouter ? » « Oui je ne pensais pas que ce délire allait conduire à un tel drame. Je suis sincèrement désolée du mal fait à Hélène et Martine (Les soeurs de Brigitte Troadec NDLR). Je ne suis pas très adroite dans ma formulation je comprends leur douleur et leur révolte".
La présidente : "M. Caouissin ?" "Je regrette sincèrement ce qui s’est passé à Orvault, ça tombe sous le sens".
La présidente : « Me Méchinaud vous avez la parole ». L'avocat plaide pour les parties civiles, représente les intérêts de Jean l’enfant du couple. (Le prénom a été changé).
« Je vous propose de faire un pas de côté et de vous mettre à la place de Jean. Jean a envie de vivre, un enfant mérite d’être à l’abri, un enfant a besoin de saluer le jour, même si on n’oublie pas la nuit. Le noir de la nuit à Orvault, les nuits glaciales à Pont-de-Buis. Il se souvient qu’une partie de ses proches sont partis dans le noir.
Depuis 2017, pour Jean, la nuit est un peu plus noire qu’elle n’était avant.
Jean a eu une enfance étrange, des doubles pages et des repas froids, l’absence d’école. Je ne vous parle pas de sa vie cryptée, des changements de noms, d’adresses, de codes, de ce tunnel étrange dans lequel il a vécu.
Vous ne répondrez pas demain à la question, Hubert Caouissin et Lydie Traodec sont-ils responsables de maltraitance sur un enfant. Non, la question est de savoir qui est responsable de la mort de quatre personnes. De leur destruction. Jean, le sait.
Il réfléchit vite, il le dit vite, il ne faut pas rester dans ce tunnel. Ces premiers mots à l’institution ont été, il faut que papa s’arrête, on ne peut pas faire ça. Avec le juge il s’exprime, il est seul, ce qu’il y a de triste pour moi c’est que Pascal, même s’il n’était pas très gentil avec moi, c’est quand même un membre de la famille et ça me fait de la peine.
Quand les policiers arrivent à la ferme, Jean dit à l’enquêtrice, je savais que vous alliez venir, pas que vous alliez venir si tôt. Les policiers demandent où est le petit, entrent dans sa chambre à 6h du matin. Jean sait que les policiers allaient arriver.
Le récit paternel est quelque chose de difficile à entendre pour un enfant. Il indique qu’il sait que son père a mis sa famille en pièce. Ce père qui fixe la vie, dicte des règles, ce papa dit, choisis mon fils, je ne sais pas ce qui est passé par la tête d’Hubert Caouissin quand il propose ce choix à son fils.
Cet enfant privé de télé ; soudainement est placé en vigie pour surveiller BFM, pendant que d’autres travaillent à la destruction. Ce sont bien Hubert Caouissin et Lydie Troadec qui ont fait entrer cet enfant dans le tunnel.
Jean se réveille seul un matin de février, il y a le chien Heidi, ses parents ne sont pas là. Il compte les heures, sa peur est intense. Jean est sorti du tunnel le 5 mars au matin, il était juste que les policiers viennent pour la vérité.
Depuis il entouré de gens bienveillants, il est à l’abri, il se passionne pour la lecture. Il résiste aux délires en réseau. Je vais peut-être heurter la famille de Brigitte pour celle de Pascal, la psychose paranoïaque ça ne s’inocule pas, ça ne s’avale pas. Ça ne se fabrique pas chez soi, je suis convaincu que ce n’est pas un choix.
La psychose paranoïaque n’est pas héréditaire, Jean ne s’est pas enfermé dedans, par ce que chaque soir il faisait un câlin à sa maman à son papa. Il y a eu délire à deux pas délire à trois ! La position de Jean est une position de funambuliste.
Jean est triste, toujours convaincu qu’on ne s’en prend pas à la famille qu’on ne met pas en pièce qui que ce soit et qu’il faut juger pour ça son père et sa mère. L’affection n’a pas disparu lors des visites, ces visites n’empêcheront pas le souvenir de sa famille, qu’il a rencontré jusqu’à ses 6 ans. Même s’il ne fallait pas appeler tonton, tonton. Pour Jean il s’agit de sortir de ce tunnel meurtrier, en saluant les jours qui vont venir. »
La présidente : « La cour vous remercie, on vous laisse poursuivre Me Pacheu », c’est le défenseur des parties civiles, des oncles et tantes de Pascal Troadec.
On n’entend pas Me Pacheu au début de sa plaidoirie.
Il revient sur la genèse du drame. La lettre recommandée de Renée Troadec à Pascale et Brigitte, on me recommande de ne plus vous voir.
Le micro se coupe encore.
La présidente demande que le micro de Me Pacheu soit changé.
Me Pacheu reprend.
« Je vous disais donc qu’il y a ce courrier recommandé, Pascal, Brigitte et les enfants en souffrent. Il en parle à ses tantes. Qui en parlent entre-elles. Personne ne comprend pourquoi ils sont mis de côté. Cette famille qui se réunit tous les ans à la mi-août. Tout le monde dit qu’à la fin de cette réunion, Pascal est reparti soulagé. Et puis non. Il y a ce SMS de Pascal à Lydie, dans lequel on comprend qu’Hubert n’y est pas pour rien, que la situation continue.
Tout le monde s’appelle pour dire son inquiétude. Les gendarmes sont sollicités, qui disent que ce n’est pas de leur ressort. Celui qui est à l’origine de cette inquiétude, va en faire un mobile. Le délire s’appuie sur des actes rationnels, le pas franchi qui conduit à la réalité de ces meurtres.
Hubert Caouissin, même quand il est calme, indique qu’il monte d’un cran, et ne redescend pas. Il dit dans un enregistrement, je peux tuer, je ferai 3 ans ! Plus tard, il dit, soit vous n’y êtes pour rien, soit je ferai ce qu’il faut. On extermine des famille pour ça. »
L’avocat évoque les recherches informatiques, les armes, les dossiers contenant des photos du quartier de la rue d’Auteuil
« «ous voyez calme ou énervé, il y a toujours à l’esprit d’Hubert Caouissin l’idée de tuer. Le 10 février 2017 il consulte l’article la Science contre le crime. Le 11 il va à Orvault, le 17 il est présent dans la maison, avec des gants, un bonnet. Il passe 30 heures sur place et laisse deux traces d’ADN. Minimes.
J’ai acquis la certitude que le méticuleux Hubert qui prépare ses coups en bourse un an à l’avance, a préparé son geste. Il n’y a qu’un seul scénario possible. C’est la surprise.
Ça ne peut débuter que par la mort des deux enfants, dans quel ordre je ne sais pas. Toutes les analyses concordent, les traces de sang. Ensuite Pascal et Brigitte descendent, parce que ça fait peut-être un cri quand on vous frappe à la tête.
On trouve des traces importantes du sang de Pascal et Brigitte au pied de l’escalier. Il est 4 heures du matin, un homme est chez vous, l’instinct de survie, l’instinct de protection. Les coups de pied de biche ça doit faire mal. Ce n’est pas un hasard s’il fait disparaitre le pied de biche et les crânes.
Et puis il y a l’agonie, dont on espère qu’elle n’aura pas été longue. À 4 heures du matin, Hubert Caouissin s’en va. C’est un meurtre suivi de meurtre suivi de meurtre suivi de meurtre, suivi de recel de cadavres.
Et puis il y a Lydie, son carnet, rédactrice compulsive, est-elle entrée dans la maison des morts, a-t-elle aidé à rompre les rigidité cadavériques ? Elle a conduit, elle a nettoyé le sang de son frère sur le pantalon d’Hubert, elle nettoyé la voiture de son filleul de cœur. Elle fait mine de ne pas savoir ce qui s’est passé du côté de la chaudière.
Les mots des experts, décapité, écorché, désossé, dépecé, incinéré, 300 grammes d’os humains, 376 fragments de corps humains. Hubert Caouissin veut tout effacer. Ces fragments de corps deviennent des scellés, SPQ3, SPQ1…
Ces scellés sont tout ce qui reste aux familles pour faire leur deuil. Pour Pascal, ses oncles et tantes, se sont constitués parties civiles, quand ils ont compris que Renée ne le ferait pas. C’est difficile d’être partie civile. Ils se sont fait la promesse de venir tous les jours. Ils ne l’ont pas fait quand l’une d’entre eux est décédée. Ils sont venus malgré tout pour qu’on parle de Pascal.
De Pascal, vous connaissez la voix et le visage. On connait sa passion pour les belles voitures, qu’il achète d’occasion, son rituel d’écoute de la radio dans la voiture sur le parking pour arriver pile à l’heure au boulot.
On sait que Brigitte aimait Pascal et que Pascal aimait Brigitte. On voit des photos, banales, non pas banales, elles reflètent toute la vie d’un homme ordinaire. On les voit danser ensemble, je veux croire que ça les a rendus heureux.»
10h30. La présidente suspend l’audience pour une vingtaine de minutes.
11h. Reprise des plaidoiries.
Cécile de Oliveira, autre avocate des parties civiles :
« Il était une fois un pauvre bûcheron, mais non ! Il était une fois un bûcheron assez riche, il vivait au-dessus de la rivière. Hubert Caouissin vivait avec dame Lydie dans une forteresse de silence. Elle remplissait des pages de son existence vide. Il y a le jeune page Jean, qui baille le dimanche devant ses tables de multiplications de divisions. Il faut le protéger le page Jean.
Hubert Caouissin additionne, multiplie, divise, retient tout. Il pose une équation un sur quatre égal un. Il faut diviser la famille Troadec. ISF un jour entend-il. ISF zinzibule la mésange, tout lui susurre ISF à l’oreille, les roseaux les oiseaux. Hubert devient alchimiste. Il transforme l’argent en or.
Un peu de calcul et beaucoup de mental, devant les policiers, devant la cour. Chaque matin vous vous frottez les yeux pour enlever la poudre d’or, cette histoire qui ôté quatre vie. Fin du conte, début du décompte.
Je suis l’avocat de Denise la mère de Brigitte, j’ai vu le chagrin et la douleur qui font perdre la raison de Denise, à quelque distance des maisons de Martine et d’Hélène. Sa voix s’emplit de larmes.
Je pense qu’il n’est pas entré seul, il est entré avec une maîtresse longue et brune, la garce a la mine du désespoir. Coupe le courant lui dit-elle, j’aime faire ça dans le noir. Il prend son élan, frappe Sébastien. Continue, ouvre la porte de Charlotte, elle ricanait la mort à l’idée de tuer Charlotte, venue ici dans cette salle une rose à la main nous dire que la vie triomphait de la mort. La vie de Charlotte s’en est allée avec des râles.
Brigitte a entendu ce râle, elle a entendu le cri qui déplie les poumons et ouvre à la vie. Pour une fois Hubert le cogneur d’arbres, le scieur de troncs cogne sur Pascal et Brigitte. Ils sont morts en sachant le meurtre de leurs enfants.
Tout est calme, la mort est repartie en douce. En voiture au retour Hubert Caouissin a trois fois trois lettres en tête. ISF, ADN, MMS, Méthode Motivation Soin. À nous deux Lydie Troadec, bon petit soldat ou alliée à la vie à la mort ?
On parle entre hommes, Pierre Troadec et Hubert Caouissin, ainsi nait le trésor. Un héritier à protéger, une compagne qui se raconte dans un carnet, et l’histoire avance. Comme dans les livres de la bibliothèque verte de son enfance.
Hubert Caouissin est écrasé par un père droit comme une figure géométrique, des frères et sœurs brillants, une mère déficiente.
En défense on vous dira demain, ne croyez pas une avocate qui vous raconte des contes de fées. Eh bien moi, je sais que la vérité est dans les contes de fée. Hubert fait un sacrifice humain, disperse de la poudre d’humain. Il a trouvé comment gommer une famille de la mémoire du monde. Brigitte Pascal, Sébastien et Charlotte. De la poussière dans quatre cercueils au cimetière de Landerneau. Et des roseaux qui soufflent leurs noms du côté de Pont-de-Buis. »
11h25. Fin des plaidoiries. Reprise de l’audience à 14h.
La plaidoirie des avocats généraux
14h10. Reprise de l’audience
La présidente : « On vous laisse la parole Mme l’avocate générale ».
« Il y a des jours qui opèrent des tournants, dans deux familles la bascule se fait le jour où on découvre que des sœurs, des cousines découvrent qu’on ne reverra plus cette famille. Les voisins, la ville, se disent qu’une famille a disparu dans une maison en une nuit, un massacre.
L’enquêteur ne pouvait pas imaginer que dans la ferme de Pont-de-Buis, il allait passer à côté des corps dispersés dans les ronces quand il cherchait quatre personnes disparues.
Un homme a passé outre son humanité pour détruire une famille. Pour vous aussi, Mmes et Mrs les jurés, il y a eu un jour d’avant et un jour d’après. Vous allez devoir décider du sort de deux individus.
Cette affaire a quelque chose de glaçant, d’extraordinaire, pour vous aussi Mmes de la Cour, elle aura un retentissement dans l’exercice de votre profession.
Mr Caouissin nous a dit au premier jour du procès qu’il n’était pas le monstre qu’on a décrit. Malgré tout il me semble important de qualifier ces actes de barbares, qui n’ont pas d’égal dans le passé ».
L’avocat général : « Pour juger, il faut comprendre les choses, le quoi, les faits, mais aussi qui on juge. On dit que la justice est rendue au nom du peuple français, elle est rendue par une majorité de citoyens tirés au sort. L’heure est grave, il s’agit d’un crime. Cela porte atteinte à nos valeurs, à la vie humaine.
Meurtre aggravé, réclusion à perpétuité, mais en réalité on a un meurtre aggravé par un meurtre aggravé par un meurtre aggravé par un meurtre aggravé. Demain vous aurez entre vos mains la vie de cet homme. Vous mettrez un chiffre dans l’urne, celui de sa détention.
Pour Mme Troadec, l’enjeu est un peu moins lourd. Trois ans maximum. Ils savaient très bien ce qu’ils encouraient. Ils ont bien conscience de cet enjeu, lors de leur première garde à vue ils disent on ne sait rien. Ils se sont forcément entendus, ils racontent une histoire glauque, celle d’un homme qui s’introduit au domicile de son beau-frère et de sa belle-sœur la nuit.
Il va les tuer, les dépecer… tout cela en présence de la sœur de son beau-frère. Tout ça à cause d’une jalousie. Il invente une histoire. C’est la faute à pas de chance. Il ne sait plus, il a des trous noirs, c’est pas sa faute il est malade.
Elle, elle dit je suis bête et soumise, je ne savais pas ce qu’il faisait à Orvault, je ne savais pas ce qu’il faisait à Pont-de-Buis. Je lui en veux un peu, j’aimais bien mon frère et sa famille. Voilà ce qu’on veut vous faire avaler. Bon appétit !
Je vous trouve injuste Lydie Troadec de lui en vouloir pour l’ADN sur le verre. Il a été très efficace, 30 heures sur les lieux pour nettoyer, astiquer. De l'ADN sur un verre, deux bitoniots dans la voiture, il évite le ridicule, il reconnait. Les morceaux de corps à Pont-de-Buis ? Lydie ne sait rien.
Tout cela correspond en tous points à leur personnalité. Ils sont assaillis par une horde sauvage, de petits coups en petits coups, cela fait quatre morts. Ils sont dans la disqualification, Jean ? Il est un peu petit, il ne comprend pas tout. Lydie ? Elle écrit n’importe quoi. Les policiers ? Ils écrivent n’importe quoi.
La maitrise totale jusqu’à parvenir à servir en fin de reconstitution l’adaptation des faits au récit. Un exemple, le jour de la rédaction du carnet par Lydie, elle note l’inventaire des chambres. Si c’est avant, ça veut dire qu’il est entré d’abord dans les lieux. Ça pose un problème, alors on dit c’est après. Mais après ça pose un problème aussi, ça veut dire que Lydie a écrit ses notes pendant qu’il découpait les corps dans la cour…
Ils ont tout le loisir de nous dire leur vérité. Les seuls vrais témoins de cette affaire, c’est Pascal, Brigitte, Charlotte et Sébastien, ils ne sont pas là pour nous dire les paroles entendues. Ils sont morts. Et c’est pratique des morts, vous pouvez les faire agir comme vous voulez.
L’avocat général marque une pause, il parle avec véhémence, il tonne encore :
« Mais là on n’a pas un cadavre. Rien. On est dans le « cherry picking » (littéralement le picorage de cerise NDLR), ces chercheurs qui ne cherchent que sur ce qu’ils veulent trouver. Alors ils inventent, se racontent des histoires, on en veut à la crapule et à la grosse dondon, ils sont sensés gagner moins d’argent, mais partent en vacances dans les grandes villes européennes. Ce n’est pas normal, ça ne va pas, alors il y a le mythe du trésor, nourrit par mamie Renée. Alors oui, s’ils ont des moyens, c’est qu’ils ont mis la main sur le trésor.
En plus l’oncle et la tante s’inquiètent, ça ne va pas chez eux. Jean ne va plus à l’école. L’espionnage, les allers-retours à Orvault, le dossier Tracfin pour faire entrer les fins limiers du fisc chez les Troadec.
Il étudie le numéro de Sciences et Vie, la Science dans le crime le 10 février. Sa décision est prise, ils sont chez eux, c’est les vacances. Il est dans le jardin, il attend que la lumière s’éteigne dans la chambre de Sébastien. Il s’introduit dans la maison grâce à son petit kit de crochetage, il frappe Sébastien qui écoute de la musique, on le sait on a retrouvé son portable. Il a commencé par Sébastien c’est ce qu’il a dit à son fils, Jean. Puis il frappe Charlotte.
Ensuite il ouvre le placard en bas de l’escalier. Fait du bruit, Pascal et Brigitte se réveillent, il n’y a plus de lumière, Pascal descend, il le frappe, mais frapper ça ne tue pas à chaque fois. On sait par Jean qu’il voulait les torturer. Hubert Caouissin a fait des recherches sur google, la torture, les colliers serflex. C’est génial google, ça laisse des traces ! Alors il les torture pour leur faire avouer, et finit pas les tuer.
Lydie aide à mettre les corps dans la voiture. On continue à chercher le trésor, l’or... On peut continuer comme ça longtemps à noircir le tableau". L’avocat général se tait brutalement.
L’avocate générale reprend aussitôt très calmemement : « Ça ne s’est pas passé comme ça ! Les bandes organisées, le trésor tout ça. Non plus ! Ça ne s’est pas passé comme ça. Une certitude dans cette maison il y a eu un massacre. Quatre morts pas une égratignure. À Lydie, il dit j’ai fait une grosse bêtise.
Sébastien, prend un coup, il a entendu du bruit il est venu voir, il écoutait de la musique, et il est tombé allongé dans son lit. Charlotte reçoit un coup, un seul, de pied de biche. Sauf qu’on retrouve des traces de sangs qui révèlent qu’il y a eu plusieurs coups.
Quelques semaines avant il achète un talkie, pour se parler dans la ferme depuis les champs. C’est vrai en hiver, c’est très utile à cette saison.
Et ainsi de suite, ces coïncidences n’en sont pas. Il vous faudra Mmes et Mrs les jurés faire abstraction de tout ça. Voici un homme en dehors du contexte et qui est très intelligent.
Peut-être est-il venu pour les faire parler de l’or ? Pourquoi pas. Il voulait connaitre leur mode de vie ? Pourquoi pas, même si cela fait des années qu’il regarde la maison sous toutes les coutures sur google maps.
Dans tous les cas, vous ne douterez pas que l’acharnement ne cachait pas une intention homicide. L’acharnement avec lequel il a fait disparaître les corps. Sa stratégie de disparition des corps, il a fallu faire appel à des anthropologues pour les retrouver. 326 gr d’os, des corps auxquels on a enlevé la peau…
Si on n’avait pas eu le signalement des sœurs de Brigitte et qu’on avait retrouvé des éléments de corps par un badaud par exemple, on n’aurait rien trouvé. Le sexe des individus peut-être, et encore.
Il enlève le cœur de Pascal du tronc, il agit méthodiquement. On pourrait dire tout ça, ce ne sont que des hypothèses. Dès la commission de ses actes il reprend conscience de la réalité.
Alors il invoque l’or, Jean. Il essaye de semer les enquêteurs, il jette des effets personnels dans la campagne. Quand on demande à son fils de guetter les infos à la télé, on n’est pas conscient de ce qu’on fait ? Pendant que Mme écrit qu’elle se demande comment Sébastien a pu mettre 500 euros de côté sur son livret A, et que lui découpe les corps de sa famille pour les faire disparaître et savoir si la télé annonçait qu’on allait venir les chercher, il n’est pas conscient ?
Vous vous en tiendrez à ces certitudes la. Il est convaincu que les Troadec lui veulent du mal, la scène qu’il vous décrit est fantaisiste pour vous servir l’histoire qui l’arrange. Lydie n’est jamais intervenue pour contrecarrer ses plans ».
L’avocat général : « Ça on en est sûr. Sans Lydie Troadec on n’en serait pas là. Sans Renée Troadec non plus. Ce couple-là est uni. Uni dans son action. Ils enregistrent tout, on les a entendus. Lydie n’est pas la nunuche pour qui elle veut se faire passer. Hubert n’est pas le garçon calme pour qui il veut se faire passer.
Et puis il y a Renée, elle aime bien Hubert, elle l’aurait préféré à Pascal, elle n’aime plus son fils, le nantis nantais. On a d’un côté un couple aimant soudé depuis longtemps, de l’autre un couple en difficulté. D’un côté on a des enfants qui suivent une scolarité normalement, et de l’autre un enfant qui a des difficultés de santé dès le début de sa vie. Les uns vivent heureux et profitent de la vie, les autres s’enferment dans un délire mortifère.
La bonne entente entre les deux primait tout, nous disent les experts. Ils se sont partagés le récit, ils se sont partagés la méticulosité des faits, la disqualification des individus. Ils en ont fait du mou pour les charognards ! Il suspend un bref instant les deux premières syllabes.
La modification des lieux d’un crime, Lydie a aidé au nettoyage, elle a soustrait des documents, elle a jeté une arme du pont de l’Iroise. Elle sait très bien que ces petites actions ont contribué à faire obstacle à la manifestation de la vérité. Son action est limitée certes, mais sa responsabilité morale ?
Elle a une part incontestable dans le déroulé des faits. C’est Jean-Claude Romans, c’est l’affaire René Lecouviour, Me Fillion ne me démentira pas. Une affaire ou personne n’a dit, mais non ,on ne peut pas faire ça.
Je regrette une chose dans cette affaire, qu’on n’ait pas visé le vol suivi de mort. On aurait pu retenir le recel de vol suivi de mort. Elle aurait encouru la réclusion criminelle à perpétuité.
Elle risque trois ans, le législateur n’a jamais imaginé de pareils fait. Trois ans pour une sœur jalouse de son frère, entretenant le délire paranoïaque de son compagnon on est d’accord, une sœur qui reproche au meurtrier de son frère d’avoir laissé trainer un verre avec son ADN… Qui laisse son compagnon détruire les corps de sa famille, qui ment aux gendarmes, une tante prenant les comptes de la famille Traodec pour des preuves, pendant qu’on découpe les corps de sa nièce et de son neveu dans la cour.
Si le législateur avait imaginé ça, il aurait légiféré différemment. Vous êtes libres de tenir compte ou pas de la gravité des faits. Vous prononcerez trois ans pour protéger la société et prévenir de nouvelles infractions. Pour Lydie Troadec ce n’est pas le sujet. Favoriser sa réinsertion, ça ne changera rien. Favoriser son amendement, à ça oui ! Rétablir l’équilibre social, trois ans ne suffiront pas ! Je vous demande de mettre Jean à l’écart de sa mère jusqu’à sa majorité.
Vous allez adresser un message au peuple français, à la famille, vous allez répondre par le maximum de la peine. Ce n’est pas une victime, elle a son rôle. Je requiers trois ans d’emprisonnement pour Lydie Troadec.
Perpétuité demandée
L’avocate générale reprend, « Le législateur dit meurtre aggravé par la commission d’un autre crime, perpétuité ! En droit américain ce serait quatre perpétuités. Ça donne une idée.
Dans l’intention coupable et la gravité des actes commis, on est d’accord, c’est trop grave. Il faut réparer le trouble posé par l’infraction, à commencer par un peu la peine des victimes. C’est simple, pour moi, c’est irréparable. On doit permettre de préparer la réinsertion, pas question, pour moi, c’est impossible.
La maladie, que cette maladie soit un garde-fou pour ne pas s’effondrer, d’accord, c’est incontestable. Mais le délire n’est pas tout. Il est paranoïaque, et vous constatez que ça dure. Vous et moi avons entendu comment Brigitte et Pascal tombent des nues, comment lui réagit. Je vous demande de ne pas tenir compte de cette conviction délirante. Il veut échapper à une famille folle qui veut le tuer. Sa paranoïa le conduit jusqu’à la porte. OK. Mais ensuite ? Il est conscient de ce qu’il fait. Il dissimule son forfait. Il nous dit je suis passé à l’acte par inadvertance. Cela fait quatre ans qu’on réfléchit, on est encore dans la manipulation de ses juges ? Ça n’est pas un bon augure pour l’avenir.
Pour commettre de tels crimes il faut avoir un psychisme défaillant. Ça vous viendrait à l’idée de tuer votre belle-famille et les découper en morceaux ?
Celui-là n’est pas tous les jours à côté de la plaque. Il y a des délires paranoïaques qui ont emporté des nations entières, ça a justifié qu’on mette les juifs dans des fours. C’est venu à l’idée de quelqu’un de considérer l’altération des criminels ?
Mr Caouissin avait 46 ans au moment des fait, quatre après il est toujours dans la dissimulation. L’affaire de Ligonnès, dans les yeux il vous dit, je ne lis pas les journaux, je ne sais pas qui c’est ! Il a réponse à tout, la photo dans la cuisine, je suis hyper mnésique, oui je lui ai demandé de noter dans son carnet !
Il est dangereux toujours, je vous demande de prononcer la condamnation à perpétuité avec une peine de sureté de 22 ans.
Il faut qu’on passe au jour d’après pour Jean, lui permettre de grandir de s’épanouir. Nous avons quatre crimes, quatre meurtres, pas d’interprétations ».
L’avocate générale a baissé le ton, Hubert Caouissin ni Lydie Troadec ne relèvent la tête.
Il est 15h50. La présidente, « l’audience est suspendue jusqu’à demain 9h ».