"Faire œuvre de réparation", deux ans après le rapport de la CIASE, les mesures du diocèse de Nantes pour prévenir la pédocriminalité

L’évêque de Nantes, Mgr Laurent Percerou l’avait évoqué en mars 2022, lorsqu’il avait initié une cérémonie au calvaire de Pontchâteau en hommage aux victimes d’abus sexuels : le diocèse mettrait en place toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’à l’avenir des agressions sexuelles et des viols ne se perpétuent dans les paroisses, les aumôneries, les mouvements de jeunesse de Loire-Atlantique où tout autre lieu relevant de la responsabilité du diocèse.

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Deux ans après le rapport de la CIASE, la démarche est, selon lui, "bien engagée". 

Et l’affaire que nous avons relatée en diffusant les témoignages de deux victimes nantaises, ne pourrait vraisemblablement plus exister aujourd’hui.

"L’affaire concernant Charles-Antoine Galbaud du Fort, est complexe et douloureuse pour les victimes. Elle porte en elle tout ce qui nous a sauté à la figure au moment du rapport de la CIASE. J’ai traité les choses aussi rapidement que j’ai pu dès mon arrivée à Nantes, en août 2020. Cette affaire révèle ce qu’était le fonctionnement de l’Église avant la CIASE. Malheureusement, à l’époque, on évitait de faire du bruit, on déplaçait les prêtres abuseurs dans des ministères où l’on pensait qu’ils feraient moins de dégâts " soutient l’évêque.

"Ce qui est choquant, poursuit-il, c’est que pour maintenir, sauvegarder la soi-disant pureté de l’institution et préserver le ministère sacerdotal, on a mis la poussière sous le tapis. Les dossiers ont été enterrés, les personnes déplacées en France ou en Afrique, à une époque où, en plus, on s’asseyait sur le statut et la parole de l’enfant ".

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À 62 ans, Mgr Percerou fait partie de cette génération de prélats qui, dit-il, a subi "un électrochoc" au moment de la publication du rapport Sauvé. Il estime qu’il y a un avant et un après CIASE. "Nous avons comme responsabilité de "purger" ces dossiers, de faire œuvre de réparation, de restauration. Notre mission, c'est de faire en sorte que l’église soit une maison sûre. Nous devons traiter ces dossiers sans faiblesse et le faire le plus justement possible. Et nous le faisons. Nous sommes en ordre de marche" explique-t-il.

Inciter les victimes à témoigner

Suite au rapport Sauvé en octobre 2021, douze réunions "post-CIASE" ont été animées par l’évêque et Solène Bondu, éducatrice de jeunes enfants, recrutée pour sensibiliser et former les intervenants laïcs et religieux aux bonnes pratiques à adopter face au public mineur.

"Au cours de ces réunions, je n’ai cessé de dire et je n’arrête pas de dire aux gens, "manifestez-vous". L’église n’est pas un état dans l’État, avec un ministère de la Justice et des enquêteurs. À chaque fois que je suis informée d’une situation, je fais les signalements qui s’imposent.

Nous sommes en lien étroit avec les parquets de Rennes, Nantes et Saint-Nazaire, avec les procureurs pour que la justice fasse son travail, nous ne protégeons pas les abuseurs, mais nous ne pouvons traiter les dossiers qu’à partir du moment où les gens se font connaître.

Solène Bondu

Educatrice spécialisée jeunes enfants

Concrètement, à l’échelle du diocèse de Loire-Atlantique, une communication a été faite pour signaler l’existence, depuis 2016, d’une cellule d’écoute des victimes. Cette cellule, animée par 7 bénévoles (deux médecins, un psychologue, une infirmière et trois avocats) a recueilli les témoignages de 160 personnes victimes d’agressions sexuelles de la part de prêtres, mais aussi de laïcs travaillant pour le diocèse (enseignants, bénévoles, salariés).

La moyenne d’âge des victimes se situe entre 60 et 80 ans et 90 % des faits sont anciens, donc prescrits. "Dans le diocèse, nous n’avons pas trace de prédateur qui aurait fait des dizaines de victimes, précise Jean-Luc Pillet, responsable de la cellule d’écoute. En revanche, ce qui est impressionnant, c'est que la majorité des personnes qui nous appellent n’ont jamais parlé de ce qu’elles ont vécu à quiconque… On mesure le poids du trauma ".

Les témoignages recueillis ont permis de mettre au jour trois affaires de pédocriminalité dans le diocèse.

Celle que nous évoquions plus haut s’est soldée par un procès canonique, une deuxième concerne un prêtre très âgé dont les agissements ont été prescrits par le Vatican, pour le troisième, les situations sont en cours d’examen, le dossier devrait être clos à la mi-novembre.

Des changements de pratiques

Selon le rapport de la CIASE, un tiers des pédocriminels qui sévissent ou auraient sévi dans l’église sont des laïcs qui travaillent pour les diocèses.

Pour prévenir tout "dérapage", toute déviance, le diocèse de Nantes indique prioriser trois axes : la sensibilisation, la prévention, la formation des personnes travaillant au contact des enfants.

Désormais, chaque personne, religieuse ou laïque, amenée à côtoyer les enfants des paroisses doit par exemple fournir un extrait de casier judiciaire vierge.

"Ce que l’on met en place depuis un an vise à permettre que cela ne se reproduise pas, souligne Solène Bondu, chargée de protection des mineurs. Nous formons des bénévoles, dans la posture à adopter avec les enfants, et à être attentif à ce qu’ils peuvent être amenés à subir. On se rend bien compte aujourd’hui qu’il y a des choses qu’on ne peut plus faire avec des enfants. Il faut que nous fassions en sorte que les espaces que le diocèse propose aux enfants et aux jeunes (catéchèse, aumôneries, centres de vacances, accueil de familles…) soient sûrs, des espaces de confiance dans lesquels ils puissent s’exprimer".

Des formations sont et continueront à être dispensées à tout adulte travaillant avec des mineurs autour du recueil de la parole de l’enfant, mais aussi sur les questions d’identité et de genre. "L’idée, c'est d’instiller une formation permanente en lien avec cette question des abus sexuels, et d’uniformiser les pratiques dans toutes les paroisses" précise l’éducatrice de jeunes enfants.

Pour en finir avec des attouchements, des agressions sexuelles qui se sont longtemps perpétrées au nom et sous couvert de la spiritualité, l’évêque de Nantes a décidé de mettre en place des garde-fous, des procédures de "prudence et de vigilance" précise-t-il. " On a découvert la nécessité de se professionnaliser" ajoute l’évêque. C’est à ce prix que le diocèse de Nantes espère assurer la sécurité des enfants, restaurer son image et regagner, aussi, la confiance de ses fidèles.

 

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