"La majorité de l'humanité s'accroupit pour faire ses besoins", avec son invention, il entend révolutionner notre façon d'aller aux toilettes

Nous y allons plusieurs fois par jour, pour faire la petite ou la grosse commission... Mais nos postures peuvent être source de malaises, voire de pathologies. C'est la thèse d'un Nantais qui a développé un système ingénieux pour faciliter le transit de ses concitoyens.

Il a décidé de s'attaquer à un tabou occidental : la posture assise et notre manière de "pousser" lorsque nous sommes aux toilettes.

Antoine Lahorgue, a pris conscience de cette problématique, d'abord, dans sa pratique du shiatsu. "Je recevais beaucoup de personnes qui, se plaignaient de maux de ventre liés à des inflammations intestinales, de constipation... et puis en 2016 lors d'un voyage en Inde, j'ai commencé à imaginer une solution : j'ai créé un prototype, en bois pour optimiser le transit et soulager mon ex-compagne qui a subi des douleurs post-partum et qui après avoir accouché de notre fils souffrait beaucoup en allant aux toilettes".

Le système Mulasana mis au point par Antoine Lahorgue est tout simple, encore fallait-il y penser : c'est un "accroupisseur suspendu" adaptable sur n'importe quel WC.

Dis-moi comment tu vas aux toilettes, je te dirai comment tu vas

La question que nous nous posons tous très ouvertement, banalement, chaque jour, à savoir "comment allez-vous " ou "comment vas-tu ?" est en lien direct avec nos selles.

Au Moyen Âge, c'était l'indicateur principal de bonne ou de mauvaise santé et cette expression renvoyait directement à la qualité de ce que nous déposons et aux transits des interlocuteurs.

Sans le savoir, nous faisons depuis des siècles dans le scatologique. Mais parler à notre époque du caca, de crotte, de déjections, d'étrons, d'excréments, de fèces, et de la façon dont nous les évacuons est devenu un interdit.

Aujourd'hui pourtant, les problématiques de santé induites par une mauvaise position et donc un mauvais transit sont nombreuses, mais restent inconnues du grand public. "C'est parce qu'elles relèvent de l'intime et de notre animalité, on parle rarement de ses hémorroïdes lors d'un repas de famille, glisse Antoine Lahorgue, c'est très tabou".

"En réalité, continue l'inventeur du Mulasana, la position assise entraîne une fermeture du colon. Elle favorise la déformation des intestins, les hémorroïdes, les descentes d'organes pour les femmes, parfois des cancers du côlon, mais pas seulement".

"Le design actuel, inadapté et peu hygiénique, contraint en effet 90 % des femmes à se maintenir au-dessus de la cuvette pour éviter tout contact dans les espaces publics. Pourtant, il est prouvé depuis 1991 que cette posture favorise la stagnation urinaire et ainsi accroît le risque d’infections et de cystites. Si la majorité de l'humanité s'accroupit pour faire ses besoins, ce n'est pas pour rien. C'est la position la plus naturelle pour évacuer et c'est d'ailleurs la posture qu'adoptent les enfants lorsqu'ils sont sur le pot", explique Antoine.

Pas simple d'intéresser des financeurs à la question du transit intestinal !

Mis au point il y a cinq ans, le Mulasana (traduction du sanskrit qui signifie posture originelle, ou retour aux sources) peine à trouver des investisseurs. Antoine s'est donc tourné vers une plateforme de financement participatif. 

"Nous travaillons en partenariat avec l'entreprise Nomore située à la Chapelle-sur-Erdre qui a mis au point la partie technique de nos produits. Ils sont réalisés en plastiques recyclés et thermocompressés, donc très résistants. L'Ademe a validé notre fabrication, car elle est durable et innovante" précise encore l'inventeur.

"Mais ajoute-t-il, il nous manque encore des fonds pour investir dans des moules et lancer une production à plus grande échelle. Ce n'est pas simple de séduire des financeurs, beaucoup nous disent qu'ils attendent que cela prenne auprès du public et qu'ensuite, ils nous aideront ! Le problème, c'est que nous avons besoin d'argent maintenant".

Il n'est pas question ici de faire un don pour voir aboutir le projet. "C'est un investissement pour lequel les contributeurs se verront rétribués en royalties, un retour sur investissement, une participation qui pourra rapporter de 1,15 à 3 fois la somme investie" précise encore Antoine.

Des accroupisseurs adaptés à tous les âges

Si les accroupisseurs d'Antoine Lahorgue n'ont pas encore convaincu les investisseurs et les aménageurs d'espaces publics (aéroports, universités, villes), ils ont fait leur entrée dans trois écoles nantaises.

Des tabourets ou "marches de toilettes" qui s'emboîtent dans la cuvette, permettent aux enfants de maternelle de conserver la position accroupie initiée sur le pot. Une manière de sensibiliser parents, enfants et instituteurs à la problématique de la constipation qui saisit souvent les écoliers. Et pourquoi pas d'impulser un changement radical de nos manières d'aller à la selle.

Antoine sait que la route sera longue...

"Tant que le tabou est là, on ne rentre pas dans la pédagogie, j'ai conscience que ma proposition est davantage un projet culturel qu'ergonomique. Cela implique un virage civilisationnel qui touche à des questions profondes sur notre manière de vivre, ça bouscule notre quotidien, nos aménagements domestiques et collectifs"

Antoine Lahorgue

créateur du Mulasana

Reste que le Nantais n'est pas à l'abri de faire un carton. En 2014, une américaine Mikki Agrawal s'est lancée dans la commercialisation de douchettes japonaises, adaptables à nos cuvettes occidentales, ensuite, elle a imaginé une culotte de règles et a transformé le marché des protections périodiques.

Ces concepts ont mis huit ans avant d'être connus en France. Aujourd’hui, ils font partie du quotidien de femmes et de foyers. Et de nombreuses entreprises françaises qui se sont emparées de ces produits et ont largement communiqué sur les réseaux sociaux s'en félicitent aujourd’hui.

Pour en savoir plus :

Un tuto d'utilisation  

Où en êtes-vous avec votre caca ? 

Antoine Lahorgue sera l'invité d'Emmanuel Faure dans Ça se passe ici à partir de 19h05