Mort de Steve à Nantes : "J'ai fait de mon mieux", le commissaire Chassaing livre sa version

Poursuite des auditions de hauts-gradés policiers, dans le procès qui fait suite à la mort de Steve Maia Caniço. Ce mercredi 12 juin, au troisième jour de l'audience, plusieurs responsables de la police nationale ont été entendus.

Le procès à la suite de la mort de Steve Maia Caniço se poursuit ce 12 juin, à Rennes. Au cours de la nuit du 21 au 22 juin 2019, les forces de police sont intervenues sur les quais de Loire à Nantes, pour faire cesser la musique de plusieurs DJ.

33 grenades lacrymogènes sont lancées durant l'intervention et sans sommation, pendant 20 minutes. L'accusation juge cette intervention "inadaptée et disproportionnée". Durant cette opération, qui a eu lieu le jour de la Fête de la musique, Steve Maia Caniço s'est noyé.

Le chef de la police nantaise de l’époque, Thierry Palermo, et le directeur actuel de la Police nationale ont témoigné à la barre, en faveur du commissaire Grégoire Chassaing. Ils soulignent le caractère exemplaire de sa carrière et de son comportement, face à un contexte opérationnel particulièrement tendu ce soir-là, mais aussi plus généralement face au climat de violence urbaine à Nantes.

La hiérarchie policière soutient le commissaire en service ce jour-là, tandis que les autorités de contrôle (Inspection générale de la Police nationale et Inspection générale de l'Administration) sont plus nuancées sur le déroulé des opérations.

Soutien sans faille de la hiérarchie policière

Le premier invité à prendre la parole est Thierry Palermo. Il était directeur départemental de la Sécurité publique par intérim, en Loire-Atlantique. L'homme avait la responsabilité du dispositif déployé lors de cette intervention. Il se trouvait en salle de commandement, et échange par radio avec le commissaire Grégoire Chassaing. 

Thierry Palermo est celui qui donne l'ordre, tardif, d'arrêter l'envoi des grenades lacrymogènes. Devant la cour, il a défendu son collègue : "Le commissaire Chassaing a toujours montré l’exemple. Il prend des initiatives, il ne se cache pas, et je lui ai toujours accordé ma totale confiance. Il est expérimenté et n'est pas du tout impulsif."

Interrogé sur l'emploi massif de gaz lacrymogènes, Thierry Palermo avance son explication : "La doctrine à Nantes c’est que les policiers ont le droit de riposter avec des moyens proportionnés quand ils reçoivent des projectiles, sans en référer immédiatement à leur hiérarchie."

Si à chaque fois qu’on reçoit une bouteille sur la tête à Nantes, on doit faire marche arrière, je vous assure que la ville serait dans un bien mauvais état.

Thierry Palermo

Directeur départemental de la Sécurité publique (DDSP 44) par intérim, à l'époque des faits

Un "contexte nantais", qu'il détaille davantage : "Les DDSP ont toujours refusé à Nantes de rester dans une attitude passive et de devoir compter les blessures au sien de nos effectifs. Il y a une autonomie policière de terrain à Nantes. Lorsqu'il y a des jets de projectiles, la réplique sans en faire état à la hiérarchie est autorisée. Cela a eu du succès, car on a été suivi par les autres DDSP de grandes villes en France."

Autre témoin à la barre : le directeur général de la Police nationale. Frédéric Veaux est venu en personne, au tribunal correctionnel de Rennes. Une présence soulignée par le procureur : "Vous avez un des plus hauts postes de la république, dans une période compliquée d’un point de vue sécuritaire, et je tiens à vous remercier de votre présence, qui donne un relief particulier à votre parole. Le seul premier flic de France, c'est vous."

D'après lui, le commissaire Chassaing est irréprochable. Il évoque un dossier avec "d'excellentes notations", et l'absence "d'enquête disciplinaire dirigée contre monsieur Chassaing sous (sa) direction ou celle de (son) prédécesseur", en se défendant "d'être complaisant en la matière". Il mentionne aussi le contexte propre à la ville de Nantes.

"Le poste qu’il occupait alors à Nantes est l’un des plus compliqué de France. Il y a Nantes, puis il y a Rennes derrière. Un contexte de violence très fort avec les Gilets jaunes, notamment à Nantes, qui est pour nous un foyer dur de contestation et de violence", se justifie Frédéric Veaux.

La police des polices plus nuancée sur l'intervention

L'Inspection générale de l'Administration (IGA) relève de nouveau, devant le tribunal, "le manque de discernement" du commissaire Chassaing. De son côté, l'Inspection générale de la police nationale se montre bien plus nuancée sur la vision des faits. Un compte-rendu différent de la position adoptée par cette autorité de contrôle, en 2019. À l'époque, plusieurs rapports avaient été jugés "ultrapartisans" par les parties civiles. Changement de position en 2021, avec un nouveau rapport de l'IGPN, commandé par le magistrat instructeur.

Ces conclusions présentées aujourd'hui au tribunal admettent que "Steve Maia Caniço a donc nécessairement chuté sur la zone du quai où se situait de l’intervention de police, au vu des témoignages des autres personnes qui ont chuté dans la Loire." ​

L'IGPN note des "risques évidents", ajoutant que des "chutes dans la Loire" ont eu lieu "au même endroit et dans le même contexte en 2017". Depuis 2021, elle maintient cette position.

"Il y a une concomitance spatio-temporelle : la chute de Steve survient au moment et à l’endroit de l’intervention de police et de l’usage de gaz lacrymogènes.

Marion Hidrio

Commissaire de police et directrice de l'IGPN de Rennes

La directrice de l'IGPN de Rennes poursuit : "Il y a un lien indirect entre la chute de Steve Maia Caniço dans la Loire et l'intervention de la police. Mais ce lien est non-exclusif, car il y a un manque de dispositifs de protection face à des risques objectifs et aux effets du mouvement de foule en lui-même."

Un travail qui est salué par les parties civiles. "Je veux souligner la neutralité et l’objectivité de l’IGPN qui est à rebours de la position corporatiste de la hiérarchie policière qui a un coté insupportable. On a le sentiment de témoignages qui ont été briefes, surbriefés, et de témoins qui sont là, non pas pour témoigner avec objectivité, mais pour venir en soutien de leur collègue Grégoire Chassaing et dans la défense de l’institution qu’est la Police nationale", souligne l'avocate Cécile de Olivera.

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Dernier appelé à la barre, le commissaire Chassaing a conclu : "Je n’ai pas été irréprochable ce soir-là, qui l’aurait été dans une telle situation ? Je n’ai pas tout maitrisé, je suis prêt à le reconnaitre. J’ai fait de mon mieux." Son audition se poursuivra, ce jeudi 13 juin au matin au tribunal correctionnel de Rennes (Ille-et-Villaine). Poursuivi pour "homicide involontaire", il encourt au maximum 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende.

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