Nantes : en souffrance, la justice manifeste pour des moyens dignes

Les pancartes affichent "justice malade" ou "à bout de force", magistrats et greffiers se sont rassemblés aux côtés des avocats, à Nantes comme dans beaucoup d'autres villes, pour réclamer des moyens "dignes" pour la justice.

Qui n'a jamais suivi une audience, un après-midi ordinaire au palais de justice de Nantes, ne peut pas savoir qu'elle se terminera à une heure avancée de la soirée. Un marathon pour les personnels de la justice, les avocats et les justiciables. 

Commencée à 14 heures, on y traitera de violences conjugales, de détention d'armes, de conduite de véhicule en ayant fait usage de stupéfiants, de vol sur personnes vulnérables, etc. Souvent cette audience, où l'on voit défiler bien des gens eux aussi ordinaires, en proie aux difficultés de la vie, se termine vers 22 ou 23 heures. Parfois même plus.

"On fait de l'abattage"

La manifestation d'aujourd'hui sonne comme une mobilisation générale pour la justice,17 organisations ont rassemblé les acteurs de la justice dans un mouvement suivi massivement, tant le malaise est grand.

Devant le tribunal de Nantes, 200 magistrats, greffiers et avocats se sont réunis. "On fait de l'abattage. On travaille de plus en plus vite, mais derrière les dossiers il y a des gens, qui ont besoin d'être jugés correctement", proteste Yvon Olivier, procureur de la République adjoint.

"Nous ne voulons plus d'une justice qui n'écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout", cet extrait d'une tribune publiée dans Le Monde, à la suite du suicide d'une magistrate dans le Nord, a agi comme un déclencheur et a obtenu un succès fulgurant. 7550 professionnels l'ont signée, 5476 magistrats sur 9000 et 1583 fonctionnaires de greffe.

Unanimité inédite

"En Europe, on observe le chiffre de 11 magistrats pour 100 000 habitants, pour seulement 4 en France" fait valoir Aurélien Pares, greffier au tribunal de Nantes, syndiqué à la CFDT. "Le ministre nous dit j'ai apporté des contractuels, ou des nouveaux personnels sont venus renforcer les effectifs, certes mais pour nous les contractuels ne sont pas assermentés, n'ont pas la capacité de signer des décisions, ne sont pas formés, le personnel de greffe n'en tire aucun avantage dans l'accélération des procédures".

L'unanimité est inédite, le mouvement traverse toute la chaine de la justice, "des greffiers aux juges aux procureurs, c'est un mouvement qui est soutenu par les présidents, par les procureurs, par les procureurs généraux, par les premiers présidents de cours d'appel, donc tous les chefs de juridiction, par la cours de cassation même, pas le conseil supérieur de la magistrature", énumère Lara Danguy des Déserts, juge d'instruction, membre du syndicat de la magistrature.

Pas d'augmentation des effectifs

"Les délais sont insoutenables, pour nous, pour les justiciables, pour avoir un juge aux affaires familiales il faut 15 mois, c'est à dire que si vous êtes au RSA que votre compagnon ou compagne ne paye pas sa pension alimentaire, vous saisissez le juge pour obtenir ces montants, vous aurez un accès au juge 15 mois après c'est insupportable".

À l'instruction aussi des contractuels ont été recrutés, "une personne pour 6 magistrats, deux jours par semaine, soit 14 jours par an par magistrat..."

La population nantaise augmente de 6% par an, beaucoup plus que la moyenne nationale, le nombre des affaire croît forcément, "les effectifs restent identiques au tribunal alors que les autres services de l'État en ont pris la mesure, la police judiciaire avait 60 personnels en 2016, aujourd'hui ils sont 99, un tiers de plus, alors forcément les stocks s'allongent les délais s'allongent, nous ne sommes pas magiciens", conclut désabusée la jeune magistrate.

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