Confrontés à des réductions d'effectifs et à des réformes qui selon eux mettent en danger l'efficacité de la diplomatie française, six syndicats ont appelé les personnels du Quai d'Orsay à faire grève ce jeudi 2 juin. Le mouvement social est suivi à Nantes, où travaillent environ 1 000 fonctionnaires.
Connaissez-vous le service central de l'Etat civique de Nantes ? Situé dans le quartier du Breil, c'est ici que des fonctionnaires rattachés au Ministère des affaires étrangères délivrent et conservent les actes d’Etat civil des Français de l'étranger, ou nés avec d'autres nationalités.
Ce jeudi 2 juin, ils étaient une vingtaine à manifester devant cette administration, brandissant drapeaux et panneaux : "faire + avec -, on en a ras-le-bol !". Une scène rare. Il s'agit de la deuxième grève de l'histoire de la diplomatie française, la précédente remontant à 20 ans.
Les diplomates et fonctionnaires du Quai d'Orsay s'opposent à une nouvelle réforme fixée par un décret, qui prévoit la fusion de deux corps historiques de la diplomatie française (ambassadeurs et conseillers des affaires étrangères), puis leur disparition d'ici à 2023.
"C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ce décret acte la suppression du corps diplomatique", lance Véronique Barbereau, permanente syndicale CFTC affaires étrangères.
"Un cadre au ministère de l’Agriculture pourra devenir consul du jour au lendemain".
Avec cette réforme, la mobilité de fonctionnaires extérieurs au Quai d'Orsay sera encouragée. Une perspective alarmante pour la diplomate et syndicaliste " On peut considérer qu’un cadre au ministère de l’Agriculture pourra devenir consul du jour au lendemain. Finalement, c’est comme s’il n’y avait pas de compétences préalables à avoir pour exercer un métier de diplomate. En plus, ça augmente les possibilités de nomination par copinage, des choix très politiques. Toute la possibilité d’évoluer au sein du ministère est brisée. Et c’est dommage parce que c'est le temps et le parcours au sein du ministère qui font les vrais grands diplomates de métier ".
Le risque de pertes de compétences
Avec la refonte du corps diplomatique, le personnel pourrait être moins formé et compétents selon les opposants à la réforme : "Accompagner des entreprises françaises qui ont besoin de se développer à l’étranger, promouvoir l’enseignement de la langue et de la culture françaises... Tous ces métiers-là s’apprennent. Cette idée de penser que la grande fonction, c’est un pot commun sans métiers réels, et qu’on peut passer d’un ministère à l’autre et faire un tourisme administratif, ça n’a aucun sens", ajoute-t-elle.
Les diplomates sortent rarement de leur devoir de réserve. Ils travaillent pour la troisième force diplomatique du monde, après les Etats-Unis et la Chine. Pourtant ils décrivent une situation de plus en plus préoccupante : depuis 30 ans, les effectifs ont été réduits de moitié.
"On fonctionne principalement grâce au dévouement des agents, qui travaillent par passion. Ça a un tel impact sur la vie privée, on embarque nos familles dans des pays avec des conditions difficiles, on a le plus haut taux de divorce de toute la fonction publique. Certains collègues développent des maladies chroniques parce qu’ils vivent dans des univers pollués. Les cas de burn-out se multiplient", regrette Véronique Barbereau.
Les conséquences pour les Français
Selon les grévistes présents sur place, les fonctionnaires ne seraient pas les seuls perdants : "Ces réformes ont des conséquences directes sur l’aide qu’on peut apporter aux Français à l’étranger. Par exemple, plus on réduit le nombre de postes, plus les délais s’allongent le jour où ils sont en difficulté, le jour où il faut refaire un passeport, où ils sollicitent une bourse scolaire, où ils ont un accident et doivent être rapatriés...".
Les fonctionnaires du quai d'Orsay se disent inquiets de la situation de leur profession, mais plus encore. Ils craignent aussi l'affaiblissement de valeurs défendues par la France à travers ses diplomates.
"On est dans un pays qui, au travers de cette diplomatie, transmet des valeurs démocratiques. Le fait que la France soit la troisième diplomatie, ce n’est pas rien. Ça veut dire que les valeurs de notre nation sont propagées", conclut Véronique Barbereau.
Les diplomates mobilisés appellent à la tenue d'assises de la diplomatie dans les plus brefs délais, pour renouer un dialogue avec l'exécutif.