Procès de la violente agression à Nantes à un arrêt de tram en mai 2017 : le récit de la 4e journée d'audience aux assises

Quatre sympathisants d'extrême droite comparaissent depuis lundi devant la cour d'assises de Nantes. Ils sont accusés d'avoir agressé violemment deux jeunes hommes à coup de pieds, et armés d'une barre de fer et de bouteilles de verre, dans la nuit du 7 au 8 mai 2017.

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L'agression s'est déroulée dans la foulée de l'élection à la présidence de la République d'Emmanuel Macron. Ils étaient cinq agresseurs le soir du drame, l'un d'entre eux est mort depuis dans un accident de la route. L'une des deux victimes garde des séquelles permanentes.

La quatrième journée du procès a débuté ce jeudi 24 mars aux palais de justice de Nantes. L'examen des faits, entamé hier, se poursuit avec la lecture des déclarations de Tanguy Martin, décédé depuis les faits.

En août 2017, il écrit depuis la maison d'arrêt d'Angers : "Notre idéal est juste, notre idéal est vrai, mais il est défendu par une bande de branquignols sans aucune volonté". Il se plaint de n'avoir reçu aucun soutien de la part de "ses frères de race".

Dans ce courrier, il a témoigné de son admiration pour le plus âgé des accusés : "J'idolâtrais Joyce, c'était mon petit papa""En sortant d'ici, je vais arrêter tout ça", a t-il écrit, désabusé.

La présidente lit ensuite un deuxième courrier daté du 13 mars 2018. "Malgré mon comportement excessif, j'ai toujours tout fait pour protéger tout le monde. Je me suis tellement investi dans la cause que je faisais passer la politique avant mon taf et ma copine.(...) J'ai tout assumé, et maintenant François m'enfonce parce qu'il n'a pas les épaules", écrit Tanguy Martin, qui se plaint à un ami que les autres lui fassent porter le chapeau. "Je ne perds pas la foi dans la grandeur de notre pays, notre drapeau français m'aide à garder le cap."

"C'est sûr qu'il y a un fond idéologique sur toute l'affaire."

François Mamès Cosseron de Villenoisy, accusé âgé de 23 ans, est ensuite appelé à témoigner. Il était ami avec Matthieu Gaulthier de la Richerie, mais dit ne pas avoir donné son nom "pour le protéger". Par la suite, il a déclaré que ce dernier n'avait pas frappé les victimes.

Il a déclaré au juge d'instruction qu'il avait quitté le GUD un mois avant les faits, pour divergences d'opinion et parce que sa petite amie était vietnamienne.

"C'est sûr qu'il y a un fond idéologique sur toute l'affaire. Mais le soir où on est sortis, c'était pas forcément une réunion entre gudards", explique-t-il à la barre. "C'était juste histoire de boire une bière."

"On était tous sympathisants du GUD", explique-t-il, "Mis à part Matthieu. Il n'a jamais été sympathisant du GUD."

Les accusés interrogés sur l'usage d'armes

"Tanguy avait ses docks, on était tous en noir, sauf Antoine qui portait des habits un peu plus clairs", détaille François Mamès Cosseron de Villenoisy, qui dément avoir porté des armes ce soir-là.

Lors d'une perquisition à son domicile, les policiers ont trouvé une matraque télescopique : "Un ami me l'avait offert, parce qu'il savait que j'aimais bien les matraques. Elle n'est jamais sortie de chez moi, c'était de la déco."

Le prévenu déclare cependant qu'il se sentait menacé, car il avait déjà été suivi. La matraque aurait pu lui servir à se défendre s'il avait été agressé à son domicile. "J'habite dans un quartier populaire... au Breil", affirme t-il.

"Vous pensez que c'était en lien avec vos convictions politiques?", lui demande la présidente. "C'est possible aussi"... "Il y a des photos de moi qui ont circulé" .

"Aucun des mouvements ne prône la violence", déclare-t-il. "Quels étaient les moyens ? " lui demande la présidente "Des collages, des tractages, des conférences...."

Il a déclaré au juge d'instruction que Joyce Burkhart était le responsable de la section locale du GUD. "C'était son avis qui primait et pas le nôtre." La présidente lui demande de préciser. "C'était les collages d'affiches, l'organisation matérielle des choses".

La veille, ce dernier avait déclaré n'avoir aucune autorité sur les membres du GUD. Le jour des faits, "Il conduisait la voiture" déclare François Mamès Cosseron de Villenoisy. "Ce soir-là, "il n'avait pas d'autorité sur nous".

Un des accusés reconnaît un acte de violence

François Mamès Cosseron de Villenoisy reconnaît avoir porté un coup de pied au visage sur Erwan D. Coup de pied qu'il qualifie de léger. "On ne peut pas le qualifier de tir de pénalty. Au vu de ma carrure, c'est pas possible."

Plutôt mince, François Mamès Cosseron de Villenoisy avait subi une fracture du péroné en octobre 2016, ainsi qu'une rupture des ligaments croisés, survenue la veille de l'agression, en jouant au foot. Il affirme qu'il boitait légèrement le jour des faits.

La version de l'accusé François Mamès Cosseron de Villenoisy

Au lendemain de l'agression, François Mamès a déclaré avoir eu honte, et ressenti de l'inquiétude sur l'état de la victime, et s'être confessé le dimanche. "Pourquoi ne pas aller vous dénoncer à la police?", demande la présidente. "Par peur des conséquences - Le prêtre ne vous conseille pas d'aller à la police? - Non".

Il déclare avoir passé la soirée au local du Front National, avant de décider d'aller boire un coup en groupe. Par manque d'argent, ils se contentent d'un pack de bière. Une cinquantaine de personnes vêtues de noir arrivent, avec des barres de fer et commencent à courir après Joyce et Tanguy, décrit François Mamès.

Sur la route du retour, ils repèrent deux jeunes en vélo et décident de s'arrêter. "Je n'ai pas vu ce qui s'est passé pour Steven. Sur Erwan, Tanguy lui a mis une manchette dans la gorge pour qu'il tombe de son vélo, je lui ai mis un coup de pied..."

Sur les personnes qui les avaient coursés en ville "On les avait identifié comme des personnes d'extrême gauche. (...) Sur leur allure, ils étaient tout en noir" "Comme vous", rétorque la présidente. "Oui mais on n'était pas 50"

Quand ils ont retrouvé Tanguy et Joyce, ces derniers étaient "énervés" et "on n'allait pas laisser passer". "C'est facile de courir à 50 contre deux. On voulait leur montrer qu'il pouvait y avoir des représailles."

"Comment vous pensiez identifier les personnes de ce groupe? - Tanguy les avait vus, il était en mesure de les reconnaître." estime François Mamès Cosseron de Villenoisy.

Une conviction qu'il maintient malgré la présidente qui souligne le fait que Tanguy essayait d'échapper à ce groupe, avant de trouver refuge dans un bar, et qu'il lui aurait été difficile d'identifier ses assaillants.

Par la suite, le petit groupe de militants du GUD a fait des tours en centre-ville. Ils espéraient tomber sur des individus isolés, des groupes de 4 ou 5 personnes qui rentraient chez eux.

"Si Joyce avait dit non, personne n'aurait bougé ni rien", a déclaré François Mamès Cosseron de Villenoisy au cours de l'instruction.

Lorsqu'ils aperçoivent finalement Erwan et Steven sur leurs vélos, Tanguy Martin déclare aux autres "les avoir reconnu à leur accoutrement"

"Je pense que la colère l'a emporté sur un éventuel discernement", reconnaît le prévenu à la barre, qui estime aujourd'hui que cela ne justifiait pas le déchaînement de violence.

Les militants se divisent en deux groupes, mais : "il n'y a pas de concertation pour dire untel ou untel va taper quelqu'un" Quant à Joyce Burkhart, "Il gare la voiture et il va pisser" déclare François Mamès Cosseron de Villenoisy.

Sur la victime, Erwan D. : "Il n'a rien dit, je n'ai souvenir d'aucune parole." "Il cherche à se défendre?" demande la présidente. "Je pense que la manchette l'avait un peu sonné, plus la chute qui avait été un peu brutale."

La présidente demande combien de coup a pu porter Tanguy Martin "Je ne sais pas, ça ressemblait à un piétinement" Lors de l'instruction, François Mamès a expliqué "Il tapait sur la victime avec le bout ferré de ses Dock Martens, jusqu'à ce qu'elle ne bouge plus".

L'accusé François-Mamès Cosseron de Villenoisy exprime des regrets devant la Cour

Il dit avoir quitté les lieux au moment où Joyce Burkhart demande au groupe de partir. Mais François Mamès déclare qu'il n'a pas vu arriver la voiture des témoins qui ont ensuite porté secours aux deux victimes.

"Mon comportement a gâché la vie de beaucoup de personne qui sont derrière moi, et je le regarde aujourd'hui avec beaucoup de dégoût (...) Les victimes sont plus à plaindre que nous" -Vous avez quelque chose à leur dire? - Que je suis désolé. C'est un regrettable gâchis"

Interrogé par l'un des avocats des victimes sur l'affiche "Love Fascist Action" trouvée dans sa chambre, le prévenu répond "C'était de la provocation."

"L'intervention de la maman d'Erwan a été déterminante, parce qu'elle a ramassé les morceaux de verre qui ont permis d'identifier les ADN. Comment auriez-vous vécu si vous n'aviez pas été interpellé?" demande l'avocat d'une victime. "Je n'ai pas de réponse à cette question".

Le témoignage de l'accusé Antoine Desbas

C'est au tour d'Antoine Desbas de se présenter à la barre. A l'époque, il avait arrêté ses études. "Je passais mon temps à jour à la console ou à boire", explique t-il.

L'homme de 23 ans semble avoir peu d'estime pour ses co-accusés : "Joyce, je le connaissais très peu, par la mouvance. François, c'est la première personne que j'ai rencontrée sur Nantes" mais "On se voyait assez peu.". Quant à Tanguy Martin, "c'était un copain de beuverie."

Le seul à trouver grâce à ses yeux était Matthieu Gaultier de la Richerie, qu'il considérait comme un ami. Selon Antoine Desbas, Matthieu Gaultier de la Richerie n'avait aucune condamnation, il avait l'avenir devant lui. Il cite son titre de meilleur apprenti de France. Il considère qu'il n'était pas un militant, "je ne l'ai jamais vu à des collages, etc...". Au début de la procédure, ils s'étaient "un peu mis d'accord pour ne pas donner son nom."  

Antoine Desbas reconnaît qu'il était proche du GUD, sans en être adhérent, parce que le GUD était vraiment présent sur Nantes. "L'Action Française n'existait plus à Nantes, le Renouveau Français était en train de s'éteindre."

Antoine Desbas se rendait à des conférences, participait à des collages. Il y allait en se présentant comme membre du GUD. Il n'y avait pas de carte. "Si quelqu'un avait envie de payer un pack de bière, il le faisait." Pareil si quelqu'un souhaitait payer une cotisation. "Il n'y avait pas de réelle adhésion."

Tanguy Martin, dit-il, affichait une position extrême, défiait les militants de gauche, ce qui avait effet de provoquer des conflits. "Parfois, il lui arrivait de se battre directement avec moi, lorsqu'il était frustré parce qu'il n'avait trouvé personne." Antoine Desbas dit qu'il appréciait ces bagarres, qu'il trouvait "vivifiantes".

Lors d'une perquisition, les policiers trouvent chez lui un poing américain, offert par un copain du lycée. "Mais mes doigts étaient trop gros pour passer, et je m'étais fait mal en l'essayant contre un mur", explique Antoine Desbas. Il dit avoir gardé le poing américain comme un trophée, et au cas où un jour, quelqu'un viendrait l'embêter chez lui.

Des symboles nazis retrouvés chez l'accusé

Chez lui, les policiers trouvent aussi un drapeau de la CGT avec une croix gammée. "Ceux qui voulaient le signer le faisaient, et je ne regardais pas forcément tout ce qui était écrit." Sur un tableau blanc, les policiers repèrent aussi une autre croix gammée et un "Sieg Heil" Selon Antoine Desbas, le Sieg Heil avait probablement été inscrits par Tanguy Martin, qui vouait un véritable culte à l'idéologie nazie. Quant à la croix gammée, il ne sait plus qui l'a dessinée. "C'était banal à l'époque".

Le soir des faits, ils n'avaient bu que quelques bières. A l'époque, a-t-il déclaré, les soirées dégénéraient souvent en beuveries, qui finissaient en semi-coma éthylique, principalement avec Tanguy Martin.

Peu de temps avant l'affaire, il rencontre celle qui est encore sa compagne, et dit avoir commencé à se désintéresser du mouvement. "Je préférais passer du temps avec elle.".

"Joyce, je le voyais comme un chef. - Mais est-ce que lui se voyait comme un chef? demande la présidente - Non, il avait dit à plusieurs reprises qu'il n'était pas le chef".

Aujourd'hui, Antoine Despas se dit dégoûté "de la cruauté de ce qu'on a commis et de la lâcheté dont on a fait preuve." Au moment des faits, il estimait "se battre pour des idées".

A la barre, il juge aujourd'hui que c'était ridicule. "Au local du FN, il n'y avait pas d'ambiance, on s'ennuyait. On a entendu qu'il y avait du grabuge dans Nantes. Par curiosité, par voyeurisme, on a décidé d'aller voir les dégâts qui avaient pu être engendrés par la manifestation", raconte Antoine Desbas.

Qu'on ait agressé deux innocents ou deux personnes qui revenaient de la manifestation, ça ne changeait pas grand-chose

Antoine Desbas, accusé

Tanguy Martin portait ce soir-là un bob Cochonou, ce qui peut expliquer, selon Antoine Desbas, qu'il ait été repéré de loin par la cinquantaine de personnes qui les ont coursés.

Antoine Desbas, Matthieu Gaultier de la Richerie et François Mamès Cosseron de Villenoisy vont ensuite attendre leurs camarades en buvant des bières à côté de la voiture restée fermée à clé.

Ensuite, "Quand on a vu au loin les deux victimes, il a suffi de voir qu'ils étaient habillés en noir et qu'ils revenaient du centre-ville pour qu'on se dise qu'ils revenaient de la manifestation (...) On a tourné en ville pendant une bonne heure. On cherchait à choper, à pouvoir se venger", avait déclaré Antoine Desbas aux policiers.

Lorsque Tanguy Martin a désigné les cyclistes comme étant des participants à la manifestation, gros coup de sang dans la voiture : "On a foncé un peu devant eux, puis on est descendus tous les 5" a expliqué Antoine Despas au juge d'instruction. "Qu'on ait agressé deux innocents ou deux personnes qui revenaient de la manifestation, ça ne changeait pas grand-chose", reconnaît Antoine Despas, "On a frappé deux innocents qui roulaient à vélo".

Antoine Despas avait repéré le 2e cycliste et s'est focalisé sur lui : "Il se débattait avec ses bras et ses pieds. J'attrape son pied pour ne pas qu'il me frappe. Joyce arrive avec la barre de fer. Je la prends, mais il me la reprend et me dit : on y va".

Sur la barre de fer tenue par Joyce Burkhart, il déclare : "Il n'est pas menaçant avec cette barre. Il la tient simplement à la main". Antoine Despas s'en saisit, la lève comme pour frapper Steven D. qui se trouve au sol.

Joyce la lui reprend. Dans les premières déclarations d'Antoine Despas, il expliquait que Joyce "lui a littéralement sauvé la vie." Récit confus. Aujourd'hui, le prévenu ne sait plus s'il levait la barre de fer pour intimider Steven D. ou pour le frapper.

Obscures aussi, les raisons qui auraient poussé Joyce Burkhart à amener une barre de fer en s'approchant de la victime à terre. Antoine Despas dit n'avoir rien vu des violences commises sur Erwan D. "On s'est revus quelques jours après pour en parler, parce qu'il y avait un réel problème. C'est là que chacun a dit ce qu'il avait fait".

"C'est là que j'ai entendu dire que Joyce avait gazé la victime. Je savais que certains d'entre nous avaient des gazeuses, dont Joyce."

Antoine Despas avait déjà vu la gazeuse dans le vide-poche de la voiture de Joyce. "C'est Joyce qui a pu dire qu'il avait gazé... Ou bien quelqu'un lui a posé la question et il a pu dire oui. Je ne sais pas exactement quelle est la phrase qui m'a permis de dire que Joyce avait gazé."

Dans ses premières déclarations au juge d'instruction, Antoine Despas a raconté que Tanguy avait sauté sur la tête d'Erwan D., mais que c'est peut-être François Mamès qui lui avait causé le plus de dommages au niveau des cervicales en donnant des coups de pied.

Antoine Despas exprime des regrets

Lors du trajet retour, Antoine Despas décrit un malaise général, l'impression de se sentir crasseux. Aucun sentiment de joie à l'idée "d'en avoir frappé deux". L'envie de rentrer chez soi et d'aller se doucher.

Le lendemain, c'est Joyce qui lui apprend l'état dans lequel se trouve Erwan D, l'autre victime, dans le coma. Lui n'avait vu que Steven D., qui lui paraissait conscient, au sol mais en capacité de se relever.

"Aujourd'hui, je ne peux que demander pardon. J'ai moi-même détruit non pas une vie, mais 5-6 vies. J'ai pas tapé la première victime, mais il y a plein de choses que j'aurais pu faire différemment ce soir-là", regrette Antoine Despas à la barre.

Parlant de la cicatrice qu'il porte sur une main : "Tous les jours, je la vois, ça me rappelle ce qui s'est passé ce soir-là."

Interrogé sur le drapeau CGT marqué d'une croix gammée, la première chose qu'on voyait en entrant dans le studio de 17 mètres carrés, souligne l'avocat d'Erwan D., "C'était un sujet de moquerie. Sur les clichés autour des syndicats", justifie Antoine Despas.

"En garde à vue, vous avez très clairement refusé de mettre en cause Joyce Burkhart. Pourquoi?", demande l'avocat d'Erwan D. "Comme pour Matthieu, Joyce avait des enfants. J'ai pensé à eux" "En un sens, ça a été un soulagement d'avoir été arrêté. C'est ce qui a permis de libérer ma conscience, sans avoir à trahir mes valeurs de loyauté. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si on n'avait pas été interpellés." répond Antoine Despas à l'avocat d'Erwan D. "Je me rends compte aujourd'hui que frapper, c'est l'arme des faibles", explique Antoine Despas.  

Les expertises psychologiques des accusés

  • Joyce Burkhart, 32 ans

Ce jeudi 24 mars après-midi, l'audience reprend avec la  lecture du rapport de l’expert psychologique sur Joyce Burkhart. D'après lui, il s’est construit en réaction à l’absence de père. Il n'avait pas de troubles déclarés, mais une demande narcissique importante. Cela s'est manifesté à l'école pour des troubles du comportement non traités. Selon l'expert, il cherchait une reconnaissance dans les groupes politiques.

Dans son enfance, ses beaux-pères successifs se sont montrés violents, et n'ont pas pu, selon l'expert, combler cette faille narcissique. Joyce Burkhart a également pu ressentir de l'impuissance devant les violences subies par sa mère.

Lors de son audition par l'expert, il ressentait de la culpabilité à être en prison sans pouvoir s'occuper de ses enfants. Il a exprimé des regrets sur les faits, mais cela ne l'a pas entraîné dans un état dépressif avéré. Il préconise une prise en charge régulière, avec des rendez-vous fréquents, pour que les pulsions ne s'expriment plus par les actes, mais par la parole.

  • Antoine Desbas, 23 ans

L'expert qui a rencontré Antoine Desbas a beaucoup insisté sur les moqueries et la discrimination subies à l'école : "On me crachait dessus à cause de mon poids." lui a t-il confié. Selon le rapport, son père était violent, très colérique. Il lui disait qu'il "n'était qu'une grosse merde". Les larmes aux yeux, il raconte être phobique des petits rongeurs après que son père l'ait traîné par terre à côté d'une tête de souris. Avant de rencontrer sa compagne, il envisageait de s'engager dans la légion étrangère, mais il avait abandonné cette idée avant les faits.

Le groupe politique lui apportait soutien, confiance, solidarité autour d'un idéal commun. "Je veux me relever et faire d'autres choix, je veux vivre à Bordeaux avec ma compagne et reprendre mes études" a-t-il déclaré à l'expert.

Il a exprimé des regrets pour les deux victimes. "Je ne veux plus rien avoir à voir avec eux. L'extrême-droite, ils m'ont endoctriné, ils voulaient me transformer en bon petit nazillon."

Il a participé à un programme de désengagement de la violence : "ça m'a fait un bien fou". Il participe aussi à un atelier de restauration. La justice restaurative est un travail engagé entre auteurs de violences et victimes sans qu'il s'agisse de leurs victimes directes.

Lors de l'expertise, il termine l'entretien par cette question : "Vous pensez que je suis un monstre?".

  • Matthieu Gaultier de la Richerie, 24 ans

Le même expert a également rencontré Matthieu Gaultier de la Richerie. Sa scolarité fut  marquée par une légère dyslexie, puis en seconde, par du harcèlement et par un épisode de violence envers un enseignant, qui entraînera un changement d'établissement.

En 2015, il a connu un épisode dépressionnaire sévère, au cours duquel il ne mangeait plus, avait peu d'amis, fréquentait la maison des adolescents à Nantes. Il est ensuite diagnostiqué de la maladie de Lyme, et fait le lien avec son état pathologique et suicidaire.

A l'époque des faits, il a une petite amie, mais dit ne jamais avoir eu de rapports sexuels, en lien avec ses convictions de catholique pratiquant.

Depuis sa première dépression à l'âge de 15 ans, il souffre d'un état dépressif chronique, avec des pensées suicidaires. C'est un jeune homme en grande souffrance, souligne l'expert.

Il décrit la nuit des faits comme la plus traumatisante de sa vie, d'abord le fait d'avoir été coursé par des manifestants, puis par le déchaînement de violence auquel il a participé. Il décrit le regard d'Erwan D., en sang au sol : "Un regard vide, c'est pas beau à voir".

  • François Mamès Cosseron de Villenoisy, 23 ans

C'est au tour de l'expertise psychologique de François Mamès Cosseron de Villenoisy Scolarité sans histoire particulière, les liens sont rompus avec son père, divorcé, qui vit à Lille. A l'époque des faits, il a 19 ans, sans expérience sexuelle. "Ce qui domine chez le sujet, c'est la violence pulsionnelle, la fascination de provoquer la peur chez l'autre."

Il a connu une errance psychique, avec plusieurs épisodes de renvoi pendant sa scolarité, sans qu'il n'y ait de suivi particulier.

Après être revenu sur l'agression à laquelle il a participé, il dit sa honte et ses remords : "J'aimerais retourner en arrière pour empêcher que tout arrive." Aucune manifestation somatique n'a été constatée.

La présidente rappelle que le divorce de ses parents a été très compliqué, en lien avec les problèmes d'alcool rencontrés par le père, et sa transidentité. Des aspects que François Mamès Cosseron de Villenoisy n'a pas choisi d'aborder avec l'expert.

L'audition de Matthieu Gaultier de la Richerie

 Matthieu Gaultier de la Richerie dit avoir rencontré François Mamès en CE1.  Il est devenu un de ses meilleurs amis. La rencontre avec Tanguy et Antoine a eu lieu quelques mois avant les faits. Il dit avoir rencontré Joyce que deux ou trois fois, dans un bar.

Il explique avoir partagé les idées de François Mamès vers l'âge de 14-15 ans, puis s'en est éloigné. Ses amis, dit-il, ne lui parlaient pas de leurs engagements politiques. "J'étais plus porté sur les jeux vidéos, je jouais avec eux, chez eux." Il reconnaît avoir pensé que les autres ne citeraient pas son nom. "On en avait discuté le lendemain des faits (...) On savait que Joyce serait arrêté parce que c'était le chauffeur, que Tanguy et François qui avaient fait des choses graves, seraient arrêtés, et qu'Antoine, qui avait cassé la bouteille, serait arrêté car on trouverait son ADN."

Matthieu dit ne pas comprendre exactement comment les autres sont parvenus à cette décision de ne pas donner son nom, s'ils étaient interpellés. Il ne pensait pas que c'était Joyce Burkhart qui avait fini par le citer devant le juge d'instruction. Il affirme : "J'espérais d'un certain côté qu'un jour on vienne m'arrêter."

Retrouvez toutes les informations sur le procès en direct sur Twitter :

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