Inquiets pour leurs conditions de travail, les éboueurs du sud Loire sont en grève près de Nantes

Les ripeurs chargés de la collecte dans les communes au sud de Nantes Métropole sont en grève depuis lundi 3 mars au matin sur le site Veolia Propreté de Saint-Herblain. En plein changement d'employeur après le transfert du marché public de collecte des déchets entre Suez et Veolia, ils dénoncent leurs nouvelles conditions de travail.

Les éboueurs du Sud Loire ne voient pas d'un bon œil le passage de flambeau entre Suez et Veolia. L'entreprise est leur nouvel employeur après avoir remporté en novembre 2022 l'appel d'offres émis par Nantes Métropole.

Sur 25 salariés, 21 se sont déclarés en grève ce lundi sur le site Veolia Propreté de Saint-Herblain. "On a mis de l'argent de côté, et là on est partis pour au moins quelques jours", affirme Hassen Bouharou, conducteur de camion-benne et ancien représentant CGT du personnel. 

Du simple au double poste

Au cœur de la discorde entre les employés et la nouvelle direction réside l'organisation des collectes.

Veolia veut organiser la journée de travail en double poste : une tournée le matin et une l'après-midi, opérées par des salariés différents en 2-8.

Mais le temps de battement entre les deux tournées ne permet pas de "faire la maintenance si un camion tombe en panne", s'indigne Hassen. "S'il y a un souci sur deux ou trois camions, les tournées sont décalées. C'est déjà arrivé que la collecte se finisse à minuit au lieu de 21h", poursuit-il.

Le marché sud est énorme, il y a Bouguenais, Saint-Sébastien, Rezé, Vertou, Bouaye, Les Sorinières, Saint-Aignan-Grandlieu,...

Hassen Bouharou

Salarié de Veolia, conducteur de camion-benne

En simple poste, il n'y a qu'une tournée le matin mais davantage de camions partent. Le hic, selon Hassen, est que cette option est plus coûteuse pour l'entreprise.

Emmanuel Bodineau, directeur du pôle Services aux collectivité Pays de la Loire chez Veolia, ne voit pas les choses de la même manière. "La quasi totalité des services de collecte que nous opérons fonctionnent en double poste. C'est un standard de la profession", avance-t-il.  

Le cahier des charges de Nantes Métropole auquel on a répondu prévoit de pouvoir collecter entre 6h et 21h. On a répondu à cette possibilité en fonction de notre expérience.

Emmanuel Bodineau

Directeur du pôle Services aux collectivité Pays de la Loire chez Veolia

"Le double poste a des avantages en termes de pénibilité", continue le directeur. Il permettrait "d'organiser des plages de travail de moins de 8 heures, entre 6h et 13h et entre 13h30 et 21h. Avec le simple poste, il n'y a pas de fin de tournée identifiée, ça peut plus facilement déborder".

Sur la question des risques de retard dans la tournée en raison de pannes, Emmanuel Bodineau assure que "des matériels relais sont prévus pour être opérés par les salariés sans attente pour démarrer leur poste".

Travailler l'après-midi en été 

Pour Hassen Bouharou, les réserves de camions ne sont pas suffisantes. "Et ils n'ont pas pensé à cet été avec la canicule. Quand il fait 40 degrés, on est à bien plus avec la chaleur du camion", ajoute-t-il.

Soulever des bacs dans ces conditions, entre asphalte brûlante et moteur en surchauffe, il ne le conçoit pas. Chez Veolia, Emmanuel Bodineau répond qu'il existe un dispositif mis au point en accord avec Nantes Métropole en cas de grandes chaleurs.

"On peut décaler pour faire démarrer la collecte de l'après-midi plus tard, entre 17h et minuit, détaille-t-il, ça s'ajoute à d'autres choses qu'on met en place, comme la climatisation dans les camions-bennes et les gourdes d'eau à disposition des collaborateurs."

Il faut que les tournées soient faites, ils s'en foutent de l'aspect social, ils s'en foutent si les gens divorcent.

Hassen Bouharou

Salarié de Veolia, conducteur de camion-benne

Travailler entre 17h et minuit, à la fraîche, demande toutefois une autre organisation personnelle et familiale. "Ça a des conséquences sur la vie sociale, quand les salariés ont aussi une femme qui travaille et qu'il faut organiser la garde des enfants", souligne Hassen Bouharou.

Débâcle sur les conditions de rémunération

Le changement d'employeur amène aussi avec lui un nouveau mode de rémunération source de tensions.

Emmanuel Bodineau précise que le salaire de base et la prime d'ancienneté du temps où le marché appartenait à Suez sont maintenus. Ce qui change, ce sont les "primes fixes" qui dépendent désormais de la convention d'entreprise de Veolia, "qui se substitue à celle de Suez". Par exemple, "les primes douche et habillage"

Dans la manœuvre, les éboueurs perdent un "acquis" obtenu auprès de Suez. Les jours fériés doivent être rattrapés le samedi "mais avec Suez, on pouvait récupérer le jour férié ou être payé", déclare Yann Rouaud, délégué CGT. 

Ils nous mettent une prime aléatoire en fonction de critères que tu peux perdre. Un critère économique et un bonus sécurité si on a moins d'accidents de travail.

Yann Rouaud

Délégué CGT et salarié de Veolia

Il pointe aussi du doigt une prime d'intéressement variable en fonction de deux critères : les résultats de l'entreprise, et un "bonus sécurité". Si le nombre d'accidents du travail dépasse le seuil fixé "sur certains sites et sur certains métiers", la prime n'est pas versée selon Yann Rouaud. Une condition qui risque de pousser les employés à éviter de déclarer des accidents. 

L'objectif est de rassurer autant que faire se peut sur le fait que le changement d'employeur représente une opportunité de rémunération plus attractive.

Emmanuel Bodineau

Directeur du pôle Services aux collectivité Pays de la Loire chez Veolia

Emmanuel Bodineau confirme l'existence de cette prime d'intéressement "mais c'est un élément complémentaire qui repose sur un critère économique et sur un critère de sécurité pour sensibiliser à la prévention et à la sécurité".

Il affirme que les conditions salariales globales sont plus favorables aux employés, et augmentent les fiches de paie "entre 53 et 275 € brut par mois".

Une réunion mardi à 7h

Les employés et la direction peinent à s'entendre, et même à dialoguer si l'on en croit Hassen Bouharou : "On propose des solutions mais la direction générale refuse. On propose de faire une semaine sur quatre en double poste, sur la base du volontariat".

Emmanuel Bodineau raconte être allé "sur le piquet de grève ce matin pour discuter avec les collaborateurs, et à 7h demain, il est prévu qu'on rencontre les représentants du personnel afin d'échanger sur les solutions pour sortir de cette situation".

La direction générale donne des réponses négatives sur tout, et Nantes Métropole fait la sourde oreille.

Hassen Bouharou

Salarié de Veolia, conducteur de camion-benne

Sur le fond, le directeur ne veut pas "présumer des solutions qu'on trouvera, tous les sujets sont susceptibles d'être abordés".

De son côté, Nantes Métropole dit être régulièrement en lien avec les représentants CGT de Veolia (ex-Suez) et être "à l'écoute de leur doléances". Mais elle ne souhaite pas "s'immiscer dans ce différend en tant que donneur d'ordre" et préfère "reposer le cadre d'organisation dans lequel nous nous situons et les renvoyer vers Veolia, leur employeur, car il s'agit bien de l'organisation interne du prestataire"

Sur fond de réforme des retraites 

Le changement d'employeur provoque des inquiétudes que Veolia "conçoit, et essaie de lever dans une démarche constructive". 

Le piquet de grève des salariés de Veolia survient dans un contexte de contestation sociale enflammée, à quatre jours du 11e appel à la manifestation générale de l'intersyndicale contre la réforme des retraites.

Partout, les conditions de travail difficiles et la pénibilité de certains métiers sont brandies pour s'opposer - entre autres - au recul de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

À 59 ans t'es cassé, et à 63 ans t'es mort.

Yann Rouaud

Délégué CGT et salarié de Veolia

Les éboueurs du sud Loire comptent parmi les travailleurs qui s'usent à la tâchent. "On ramasse entre 900 et 1500 bacs par jour. On est autour de 13 tonnes à la journée, avec deux vidages", indique Hassen Bouharou. 

"Moi j'ai 48 ans, ça fait 15 ans que je suis dans le métier, poursuit-il, je suis reconnu travailleur handicapé, j'ai été opéré des deux genoux. Monter et descendre le marchepied ça m'a bousillé."

Un métier méconnu

Hassen est passé conducteur de camion-benne, mais ça non plus, il n'envisage pas de le faire jusqu'à la retraite : "On doit faire beaucoup de manœuvres dans les rues, les impasses, il faut faire attention aux vélos, aux piétons et aux scooters. Avec l'âge, on a pas les mêmes réflexes"

Il faut circuler dans les rues avec un 26 tonnes, et c'est difficile avec les travaux dont on est pas au courant...Il y a toujours des aléas en tournée.

Hassen Bouharou

Salarié de Veolia, conducteur de camion-benne

Le ripeur regrette la méconnaissance de ce métier, et aussi que "les gens ne fassent pas la différence entre le public et le privé. Dans le privé, tes 43 annuités il faut les faire".

"Sur la ville de Nantes, ce sont des fonctionnaires. Nous on est salariés d'une société privée, ce n'est pas la même chose, développe-t-il, à Nantes, ils sont deux ripeurs pour vider les bacs. Nous on est tout seul, et quand il y a plus de 5 bacs le chauffeur peut venir aider le ripeur."

Aux charges lourdes s'ajoute une certaine pression psychologique. Hassen rapporte qu'il lui arrive d'entendre des insultes "parce que les gens sont pressés d'aller travailler, ils veulent passer devant".

Le cumul des peines motive les salariés à se mobiliser. Leur préavis de grève a été donné pour une durée illimitée. 

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