Sobriété énergétique. L'énergie fatale, ou comment se chauffer avec des données numériques ?

Chauffage, production d'eau chaude, coup de projeteur sur deux systèmes à Nantes, qui permettent de produire de la chaleur à partir de datacenter. Si en temps normal ceux-ci sont refroidis, ici, bien au contraire, la chaleur est directement réutilisée.

À l'heure du tout numérique, où les données sont de plus en plus nombreuses, d'autant plus qu'il faut les stocker, celle-ci sont gardées dans des datacentres, et leur développement est exponentiel. Ces échanges de données produisent énormément d'énergie, que certains ont décidé de réutiliser. 

De l'eau chaude pour tout un immeuble

Sur l'île de Nantes, un bâtiment construit il y a cinq ans dispose d'un système original, innovant et peu connu pour fournir de l'eau chaude à ses résidents. L'immeuble "L'Oiseau des Îles", à l'architecture moderne, visible depuis les machines de l'île, est alimenté en eau chaude grâce à l'énergie produite par les datacenter, l'énergie fatale. 

Reliés au chauffage urbain, ce sont 24 logements qui bénéficient de l'énergie d'un mini datacenter. "Les serveurs chauffent, puisqu'un ordinateur chauffe lorsqu'il tourne… Ces serveurs sont plongés dans l'huile"  explique Luc Stephan, directeur Innovation chez Nantes Métropole Habitat.  

Cette huile va capter la chaleur des serveurs pour ensuite réchauffer l'eau chaude sanitaire.

Luc Stephan

Directeur Innovation Nantes Métropole Habitat

Une installation innovante, qui nécessite cependant un peu plus de place. "Avec le ballon d'eau chaude, les différents tuyaux et le coffre ou sont hébergés les serveurs, on a besoin de beaucoup de place, c'est pour l'instant le seul frein". 

Se chauffer au radiateur datacenter 

Chauffer l'eau, mais aussi les maisons, c'est le pari fait par la jeune entreprise "Hestiia". Son concept : un radiateur équipé d'un là aussi d'un mini datacenter. 

"Dans le radiateur, on a plusieurs modules de chauffe, avec des cartes électroniques, qui sont le cœur du réacteur. C'est dans ces cartes que du calcul numérique va être réalisé pendant qu'on se chauffe" explique Alexandre Vinot, co-fondateur de "Hestiia". 

Une alternative écologique

Ce nouveau mode de chauffage apparaît comme une solution plus écologique. Soucieux de l'environnement, les ingénieurs de chez "Hestiia" recyclent les anciennes cartes électroniques des datacenter et donnent une nouvelle vie à ces circuits intégrés. "On a tout un processus durant lequel on va les laver, les chauffer, pour qu'à la fin, on puisse recréer des cartes électroniques de notre conception". 

La réutilisation de la chaleur permet également de réduire l'empreinte carbone : "D'habitude, on doit refroidir les datacenter. Là, il n’y a pas besoin, car on récupère la chaleur. Donc il y a une double économie puisque la chaleur est récupérée, et le datacenter n’a pas besoin d’être refroidi vu qu’on exploite sa chaleur" souligne Luc Stephan. 

Un bon plan économique ? 

À Nantes Métropole Habitat, on assure que ce système de chauffage permet de maîtriser les charges des locataires.

On a un prix constant. En 2023 par exemple, si on avait l'équivalent en gaz, on aurait été plus cher d'une centaine d'euros par logement.

Luc Stephan

Directeur Innovation Nantes Métropole Habitat

Concernant le radiateur de chez "Hestiia", comptez 990 euros à l'achat. Un montant à nuancer, car ce radiateur et aussi un radiateur intelligent. Couplé à une application, le radiateur doit optimiser son usage, avec un objectif de 40 % d'économie auquel s'ajoute un bonus vert. 

"C'est un radiateur connecté et intelligent qui va être capable de prédire l'usage de l'habitat et d'adapter la température en conséquence. Deuxièmement, comme notre radiateur fait du calcul informatique, les clients sont rétribués à hauteur de quatre centimes par kilo water consommés, ce qui représente environ 50 euros par et par radiateur" explique Alexandre Vinot. 

Des radiateurs qui séduisent, ils seront 200 pré-vendus à être livrés dès ce printemps. 

D'autres exemples d'énergies fatales à valoriser

La chaleur sous-utilisée est présente dans divers contextes :

• Dans le secteur industriel et tertiaire, le refroidissement des processus entraîne le rejet de chaleur qui est souvent perdu.
• Les dispositifs de chauffage, qu'il s'agisse de chaudières domestiques ou de fours industriels, génèrent de la chaleur qui n'est pas exclusivement "utile". Par exemple, l'énergie peut être récupérée des fumées ou des parois des appareils.
• La combustion des déchets ménagers.
• L'évacuation des eaux usées domestiques.
• Le processus de séchage libère de la vapeur contenant une quantité significative d'énergie exploitable.