Aëla, 17 ans, a été sévèrement blessée à l'œil par un projectile lors de la mobilisation du 1er mai à Nantes. Dans un entretien accordé à la rédaction de France 3 Pays de Loire, son père lance un appel à témoins pour comprendre les circonstances de ce drame.
Votre fille a été victime d’une explosion lors de la manifestation. Comment va-t-elle ?
Hier, elle était en état de choc, elle revoyait la scène en permanence. Il y avait un gros hématome donc les médecins n’ont pas pu faire les examens complémentaires. On a rendez-vous demain matin (mercredi 3 mai) à la première heure, en espérant que l’hématome soit suffisamment dégonflé pour voir la suite des soins à prodiguer.
C'est toujours très douloureux. Elle ne voit pas d'un œil. C'est tout flou, elle distingue à peine les couleurs. On ne sait pas de quoi l'avenir va être fait du côté de son œil.
Le père d'Aëla
Elle est à quelques semaines du bac. Elle finissait son grand oral d'ici à un mois et elle doit rentrer en école d'art l'année prochaine. Elle a besoin de ses deux yeux impérativement, comme tout le monde d'ailleurs.
On ne peut pas aller en manifestation à 17 ans et se dire, je risque de revenir mutilé, ce n’est pas possible.
Que s’est-il passé hier ?
C'est ce qu'on aimerait bien savoir ? Ce que l’on sait, c'est qu'elle était près de l’arrêt Médiathèque entre 12h et 12h15, qu'un objet noir est arrivé sous ses pieds, qu'elle a eu le temps de le regarder, avant de subir l’explosion.
Très vite, elle a mis la main sur son œil. Elle a compris, en voyant le regard des gens, qu’il s'était passé quelque chose. En fait, elle était aussi assourdie par le bruit d'explosion. Les medics sont arrivés, on les remercie d'ailleurs d'être intervenus si rapidement, pour lui prodiguer les premiers soins. Ils m'ont raconté qu'elle était bien évidemment en état de choc. Elle s’est rendue avec son amie aux urgences à pied où il y a eu une première visite avec un interne, puis un chirurgien ophtalmologiste qui n’a pas pu pour l'instant donner de diagnostic plus précis.
C’était sa première manifestation ?
Non. On est arrivé à Nantes, il y a 5 ans. On vivait dans le centre-ville, donc elle a connu l’époque où sur Nantes planait un avis de brouillard le samedi après-midi lors des manifestations des gilets jaunes. Elle connaissait les consignes en manifestation. Elle en avait déjà fait là dans le cadre de la contestation de la réforme sur les retraites, elle connaissait les consignes de prudence.
Je n’étais pas inquiet. Elle sait qu'il ne faut pas s'exposer et là, elle n'était pas exposée. C’est d’ailleurs ce qu'elle raconte, l'ambiance était visiblement calme autour d'elle. Ce n’était pas un lieu d'affrontement. C'est une incompréhension totale.
Si des gens ont vu la scène, on a besoin de savoir ce qui s'est passé vraiment. Est-ce qu'il s'agit d'une grenade, d'un pétard, d'autre chose, on a besoin de savoir.
Elle a été victime d'un explosif, lequel, pourquoi, je ne sais pas, je veux comprendre. Je fais un appel à témoins. S’il y a des gens qui étaient à 12h/12h15 aux alentours de Médiathèque qui ont vu la scène... S'ils ont vu l'objet tomber et glisser sous ses pieds, qu’ils puissent m'expliquer ce qu'ils ont vu.
Dans quel état d'esprit est-elle ?
C’est un sentiment d'injustice, un sentiment de colère, d’incompréhension. On a besoin de connaître la vérité. Je ne veux pas faire de faux procès à qui que ce soit, sauf que ce n'est pas possible de revenir d'une manifestation avec un œil dans cet état-là à 17 ans.
Vous avez déposé une plainte ?
Non. Pour l’instant, la priorité, c'est de savoir si elle va récupérer son œil, l’urgence est médicale avant tout. Est-ce qu’il faudra porter plainte, contre qui ? Pour l'instant, j'aimerais avoir des explications, j'aimerais d'abord avoir des témoignages. J'ai besoin de connaître la vérité.
Elle a pu vous raconter, vous dire s'il y avait quelques éléments perturbateurs ou non ?
Globalement à l'endroit de la manifestation, c'était tranquille et c'était bon enfant. Il y en a un qui m'a dit qu’il avait vu des gens peut-être ramasser des pavés, des pierres qui auraient pu servir de projectiles. Est-ce que c'est ça qui a motivé quelque chose, je n'en sais rien, je n'étais pas sur place. Si quelqu'un était sur place, qu’il me raconte ce qui s'est passé.
Entretien réalisé par Stéphanie Pasgrimaud et Antoine Ropert