"Ces femmes sont mes Amazones", Éloïse, tatoueuse, poétise les cicatrices laissées par un cancer du sein

Installée depuis quatre ans à Orée d'Anjou dans le Maine-et-Loire, Éloïse Bosdedore, tatoueuse, répare les femmes. Elle recouvre les cicatrices laissées par un cancer du sein ou un accident. Depuis 2020, des centaines de femmes ont franchi la porte de son salon "Douces Métamorphoses".

Éloïse est tatoueuse depuis 5 ans. 

"J'ai toujours aimé créer, je faisais de la peinture, j'étais attirée par toute forme d'art et puis à un moment donné dans ma vie, j'ai eu envie de pouvoir en vivre".

Le corps est un très bon support de créativité

Eloise Bosdedore

Tatoueuse

"Quand j'ai commencé à tatouer, je me suis très vite rendu compte que j'avais un outil extraordinaire entre les mains et que je pouvais l'utiliser justement pour aider les femmes à se réapproprier leur corps".

Après un an de pratique, Éloïse décide de se spécialiser. Elle veut sublimer les cicatrices. Aujourd'hui, elle ne fait plus que ça. 

 "Je recouvre tout type de cicatrices", précise-t-elle. Notamment les traces indélébiles laissées par un cancer du sein, suite à une mastectomie reconstruite ou pas, au retrait de la chambre implantable ou la reconstitution du grand dorsal.

Elle travaille aussi sur les meurtrissures après un accident, une brûlure, une scarification, une chirurgie.

Éloïse peut tout sublimer sans danger.

Il faut attendre à peu près un an et demi, deux ans avant de pouvoir encrer la peau, le temps qu'elle se stabilise, qu'elle cicatrise bien et qu'elle blanchisse

Éloïse Bosdedore

Tatoueuse

Pour ne prendre aucun risque, elle travaille en collaboration avec les médecins. "Après un cancer du sein, par exemple, on demande systématiquement un accord. S'il n'y a pas de contre-indications au niveau de la peau, au niveau de traitements éventuels, si tous les voyants sont au vert, il n'y a aucun problème". 

Éloïse rappelle tout de même qu'il faut une certaine technicité, "la peau n'est pas la même au niveau de la cicatrice".

"Mettre du beau"

"On vient mettre du beau là où il n'existe plus".

Les femmes qui poussent la porte du salon, installé sur les bords de Loire à Orée d'Anjou, "ne se regardent plus dans le miroir, ne touchent plus cette zone blessée."

Leur vie intime est en vrac. "Elles ont perdu confiance en elle, en leur féminité", confie Éloïse. Alors la tatoueuse prend le temps d'écouter.

"Nous choisissons ensemble les motifs. Je travaille sur des univers floraux, des dessins qui vont vraiment mettre en valeur leur féminité. Je m'adapte vraiment aux courbes de leur corps pour que ce soit le plus harmonieux possible." 

Ça va leur permettre de se réapproprier leur corps, de venir mettre du beau

Éloïse Bosdedore

Tatoueuse

"Ça m'a sauvé la vie"

En cette fin juillet 2020, Cécile Désir encaisse la nouvelle ; cancer du sein métastasé. À peine un mois plus tard, le 6 août, elle subit une ablation.

Chimio, rayons, un parcours fait de peurs et de douleurs.

J'ai perdu tous mes cheveux. Quand j'allais voir mon oncologue, au départ, j'étais à 300 % pour refaire une reconstruction. Et puis, au fil du temps, grâce à mon mari, j'ai complètement changé d'avis

Cécile Désir

Tatouée par Éloïse

"J'ai entendu parler de ces tatoueuses via les réseaux sociaux alors, je me suis lancée. Et franchement ça m'a sauvé la vie ! "

Bien sûr, il y a encore des jours avec et des jours sans mais je vis bien aujourd'hui

Cécile Désir

Tatouée par Éloïse

Ce tatouage, elle ne l'a pas payé, Éloïse le lui a fait gratuitement en octobre 2021.

"Il a tout changé, absolument tout, ça peut paraitre ridicule, mais maintenant quand je sors de la douche, je me regarde dans le miroir, je ne vois plus ma cicatrice, je me trouve féminine"

Cécile Désir

Tatouée par Éloïse

Un avant et un après

Éloïse le constate à chaque fois ; il y a un avant et un après. "Je rencontre les clientes sur plusieurs rendez-vous, d'abord à l'atelier ou par vidéo, pour qu'on puisse faire connaissance, qu'elles me racontent leurs histoires. Ensuite, il y a la préparation du dessin, on chemine et on avance ensemble dans la création du projet".

Sa signature ? "Le floral et le végétal". Les fleurs, les lianes, les feuillages, "permettent de créer le mouvement et la forme qu'on veut. C'est très pratique pour camoufler les cicatrices. Et ce sont des motifs féminins, ça sublime le corps.

Les produits utilisés sont standards, "des encres dans les normes européennes classiques. Il n'y a pas d'encre spécifique pour ce type de recouvrement.

Après chaque séance, les clientes se redressent comme des guerrières. Les picotements de l'aiguille ne les impressionnent pas, en matière de douleur, elles en connaissent un rayon. Toutes en revanche repartent avec "l'immense émotion d'avoir franchi une étape capitale".

J'ai des retours d'elles souvent quelques semaines ou quelques mois après, elles retrouvent confiance en elles, elles osent des maillots de bain et des vêtements qu'elles ne portaient plus

Éloïse Bosdedore

Tatoueuse

"Elles peuvent tourner la page"

Éloïse n'est pas soignante, mais elle guérit." Après le tatouage, les femmes peuvent tourner la page, passer à autre chose".

Couvrir les cicatrices, c'est mettre la maladie à distance, "c'est un peu la note finale, le cancer est derrière". 

"J'aime dire que je suis un peu la cerise sur le gâteau, je suis le petit coup de pouce pour aller de l'avant, pour qu'elles puissent continuer leur vie en se sentant plus femmes, plus féminines, plus en accord avec leur corps.".

Cécile est encore sous traitement pendant 7 ans. Parfois "le cancer lui traverse un peu l'esprit". Mais elle avance. "Aujourd'hui, je fais partie d'associations, je fais des photos, je participe à Octobre Rose, nous avons même fait un calendrier", glisse-t-elle. Des femmes poitrine à l'air qui dévoilent fièrement leurs histoires et qui assument.

"Ma maman est morte d'un cancer du sein"

Derrière la douce vitrine d'Éloïse, il y a aussi comme un joli pied de nez à la vie.

J'ai perdu il y a 13 ans ma maman est morte d'un cancer du sein, donc pour moi, c'est aussi une forme de revanche

Éloïse Bosdedore

Tatoueuse

"Je viens célébrer la guérison de toutes ces anciennes malades et montrer qu'on peut rester en vie, assumer ses stigmates et en même temps rester femmes. C'est vraiment un combat pour elles. Elles sont mes Amazones".

"Je les aime profondément

, c'est un réel bonheur de les voir s'épanouir, ça m'anime vraiment", poursuit la tatoueuse.

Combien de femmes ont retrouvé le sourire grâce à elle "Aucune idée, je n'ai pas du tout compté. Des centaines..." Et pour quel prix ? "Alors ça c'est extrêmement variable. Les tarifs sont calculés en fonction de la complexité, de la taille du tatouage et du motif choisi", répond Éloïse.

Parfois, le geste est gratuit. Membre de l'association Soeurs d'Encre, un collectif militant basé à Bordeaux qui accompagne les femmes atteintes d'un cancer du sein. Éloïse a offert trois tatouages cette année. "Je suis aussi une bénévole engagée", conclut-elle.

Cécile, elle, voudrait servir d'exemple à d'autres femmes. "On peut reprendre une vraie vie, être séduisante même si la trouille est toujours là, moi, je me suis retrouvée."

Retrouver Éloïse sur Facebook ÉloïseTattoo ou sur son compte Instagram "Douces.Métamorphoses"

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