Si certains font pipi sur le gazon pour emm... les papillons, d'autres imaginent carrément fertiliser des champs avec leur urine. Label Verte, une société angevine, collecte l'urine des employés de plusieurs entreprises pour l'utiliser comme engrais chez des pépiniéristes et des maraîchers.
"On a utilisé les déjections humaines et animales depuis des millénaires !" Nicolas Audigane est convaincu que le modèle économique qui consiste à collecter l'urine humaine en agglomération pour la valoriser en agriculture est viable. Avec ses collègues de Label Verte, il compte bien le prouver.
Lauréate d'un appel à projet porté par la Région des Pays de la Loire, l'ADEME et la DREAL (direction régionale de l'environnement), l'équipe de Label verte expérimente dans ses locaux de la rue Dupetit-Thouars, à Angers, des toilettes d'un type très particulier.
Spécialiste des toilettes sèches
Spécialiste des toilettes sèches, puis du compostage urbain (plus de 400 sites de compostage installés sur l'agglomération d'Angers), Label Verte s'est lancé dans un nouveau défi.
Dans ses propres locaux, trois toilettes expérimentales ont été installées. Un urinoir et deux toilettes assis. Les usagers sont la vingtaine de salariés des sept entreprises qui composent l'immeuble.
L'urinoir n'a pas de chasse d'eau et les deux toilettes doivent être utilisées en positions assises pour que le jet d'urine aille dans un trou de collecte.
"Il faut faire pipi assis"
"Les toilettes à séparation sont visuellement les mêmes que des toilettes standards, précise Nicolas Audigane, chargé de développement chez Label Verte. Mais, pour les hommes, il faut faire pipi assis. Le jet va vers l'avant dans la cuvette et un tuyau convoie exclusivement les urines dans la cuvette spéciale."
Le but, on l'a compris, est de récupérer l'urine des utilisateurs de ces toilettes, sans additif d'eau ou de produits ménagers (le nettoyage de l'urinoir se fait avec du vinaigre blanc uniquement).
Les urines sont stockées ensuite dans trois cuves d'un mètre cube chacune.
L'expérience a commencé il y a un mois. "Ça permet de voir à quelle vitesse ça se remplit", poursuit Nicolas Audigane.
Au moins aussi bien qu'un intrant chimique
Destination finale du précieux liquide : des exploitations agricoles, pépiniéristes ou maraîchers. L'idée étant de se servir de cette urine comme fertilisant.
"Dans l'urine, il y a de l'azote, du phosphore, du potassium, du calcium, énumère Nicolas. Ça se comportera au moins aussi bien qu'un intrant chimique ou un bio stimulant."
L'équipe est convaincue que travailler sur un rayon de 100 kilomètres entre la collecte et l'épandage sur les terres agricoles, est une solution "économiquement et écologiquement plus viable que de prendre de l'azote issu d'un produit gazier venant de Russie".
Des économies d'eau
Pour ce projet, Label Verte travaille avec deux laboratoires. L'un, Astredhor, un organisme de recherche appliquée agricole, est installé aux Ponts-de-Cé, non loin de là. L'autre est à Paris, à l'école des Ponts et Chaussées. Ocapi oriente ses recherches vers l'utilisation des urines dans le cadre de la transition énergétique et environnementale.
Les bénéfices de ce recyclage des urines humaines seraient aussi dans l'économie d'eau. "De façon assez conséquente, on va diminuer l'usage de l'eau dans ces toilettes", assure Nicolas Audigane qui précise que les usagers devront être informés de la bonne utilisation de ces toilettes, mais aussi les personnels de ménage. Pas question de polluer les lieux avec des produits de nettoyage non adaptés.
Une donnée importante aussi est le temps de stockage des urines avant épandage : un mois minimum en cas d'utilisation dans une pépinière et six mois pour le maraîchage. Ceci afin de déconcentrer le liquide en ammoniaque.
Label Verte se donne jusqu'au printemps 2025 pour confirmer que le projet "Pipinière" est économiquement viable.