Frédéric Mortier est le maire LR de la commune de Longué-Jumelles, entre Angers et Saumur. Mais c'est en tant qu'enseignant qu'il était convoqué ce mercredi 4 octobre devant la justice. Également professeur d'économie au lycée Wresinski d'Angers, il est poursuivi pour harcèlement et pour avoir tenu des propos racistes à l'encontre d'élèves.
Frédéric Mortier, enseignant d’un lycée catholique d'Angers et maire de Longué-Jumelles, commune de 7 000 habitants proche d'Angers, est accusé de propos racistes par des élèves. Renvoyée deux fois, l'affaire était jugée ce mercredi 4 octobre au tribunal correctionnel d'Angers.
Le procès était très attendu par les victimes.
"Ce qu’on attend de ce procès, c'est que la justice comprenne et acte la souffrance de mes clients, victimes de fait de harcèlement et de propos discriminatoires. Le comportement de ce professeur dans une salle de classe qui se défend par l'humour ou par la liberté d’enseignement, qui ne se met jamais en cause sur des propos racistes et discriminants a eu pour conséquence d’humilier ces deux élèves", a expliqué Maître Julien Roux, avocat des deux plaignants.
"Mes clients sont là pour essayer d'expliquer à la Justice ce par quoi ils sont passés. Quand on est humilié dans une salle de classe, qu’on fait état de leur couleur de peau, de leur origine pour dire qu'ils sont différents et qu 'ils n'ont pas leur place dans ce lycée, de fait quand cela arrive, c’est du harcèlement scolaire".
Aujourd’hui la loi réprime plus sévèrement le harcèlement scolaire car cela fait des ravages dans les vies d’adulte de ces jeunes plus tard, il faut réprimer ce type de violence.
Maître Julien RouxAvocat de deux victimes
Pour l'avocat des victimes, l'argument de plaisanterie en classe avancé par la défense est grave. "Lorsqu'on fait des plaisanteries de ce type, ce n’est pas sérieux, c’est nier la souffrance des personnes qui prennent cela en pleine tête. Vous avez un élève musulman et un élève d'origine africaine qui ne peuvent que se sentir humiliés."
Je ne peux pas avoir prononcé ces phrases, être accusé de raciste ça m'est insuppportable
Frédéric MortierInterrogé par le président du tribunal
Humiliations
Parmi les jeunes victimes, Théophile est l'un des élèves qui a porté plainte contre l'enseignant, désormais suspendu, il avait accepté de témoigner devant notre caméra en mai 2022.
Ce jeune réfugié avait encore une scène en mémoire, ce jour où son professeur s'empare de sa carte d'admission à l'aide médicale d'Etat et le prend à partie : "Il dit aux élèves : 'Vous voyez, c'est cette carte qu'on donne aux migrants quand ils viennent. Ils ne payent rien et nous, Français, quand on a la carte vitale on paye pour moitié. Ce n'est pas normal étant donné que leurs parents n'ont pas participé au développement de la France".
"Ça m'a particulièrement marqué parce que je suis l'un des arrière-petits-fils d'un tirailleur sénégalais", nous avait-il expliqué.
Théophile se disait très attaché à son ancien établissement scolaire, le lycée Joseph-Wresinski : "Ce lycée m'a tout donné, donc ma manière la plus sincère de le remercier, c'est de le débarrasser des personnes qui peuvent ternir son image".
Je ne veux pas qu'il aille en prison. Je veux juste qu'il reconnaisse ses torts et qu'il demande pardon à ses victimes. En tant que chrétien, je vais l'accepter
ThéophileAncien élève de Frédéric Mortier
SOS racisme partie civile
L'association SOS racisme s'est portée partie civile dans ce procès.
"La particularité et la gravité de ce dossier, c’est qu’on a affaire à un homme qui répand la haine et le racisme auprès de très jeunes gens qui étaient ses élèves. Les gens racistes, les prévenus dans les infractions raciales passent leur temps à dire qu’on ne peut plus rien dire !", lance Maître Romain Ruiz, avocat de SOS Racisme.
Pour SOS racisme aussi, les craintes sont les conséquences dévastatrices pour des jeunes ou des adolescents en construction.
C’est dévastateur pour les jeunes. C’est un professeur, une figure d’autorité qui dit des choses inadmissibles, qui j’espère seront sanctionnées par le tribunal correctionnel.
Maître Romain RUIZAvocat de l’association SOS Racisme, partie civile au procès
L'enseignant avait été convoqué le 4 mai 2022 par la justice pour provocation à la discrimination raciale ou religieuse, avant un premier renvoi au 10 février 2023. Une audience où il avait été absent pour des raisons médicales
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Ce mercredi 4 octobre, l'avocat de Frédéric Mortier, Maître Pascal Rouiller, s'est exprimé.
"Mon client conteste depuis le départ ce qui lui est prêté comme intention. Être Maltraitant, harcelant, injurieux, moquer les origines sociales. En revanche, il revendique totalement dans son établissement des cours, des enseignements dynamiques, qui provoquaient, libéraient la parole pour que chacun s'exprime. Certains appréciaient, d'autres moins ce comportement qui n'est peut-être pas tout à fait dans la norme aujourd'hui. Nous contestons les accusations telles qu'elles sont formulées par le parquet. Mais c'est le tribunal qui nous dira qui a raison".
Le procureur a requis 10 mois avec sursis, 1 000 euros d'amende. En revanche, il n'a pas demandé d'inéligibilité pour ses mandats politiques, car ces propos ont été tenus en dehors de son cadre politique.
Le jugement a été mis en délibéré au 15 décembre.