Malgré la promesse d'une réunion, jeudi à Paris, entre des représentants des éleveurs et Lactalis, les agriculteurs maintiennent la pression et poursuivent mardi soir le blocage, entamé la veille, du géant laitier, accusé d'acheter le lait aux producteurs à un prix trop faible.
"Nous nous sommes engagés conjointement à ce que les présidents d'organisations de producteurs puissent rencontrer très vite, jeudi matin, les représentants de Lactalis pour débattre du niveau de prix acceptable pour le producteur", a déclaré à la presse Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA. Mme Lambert s'exprimait à l'issue d'une rencontre à la préfecture mardi à Laval entre des représentants des syndicats et de Lactalis. La réunion se tiendra jeudi à la Maison du lait à Paris, a-t-elle ajouté. "Nous avons souhaité que cette réunion se passe en présence des présidents d'organisations de producteurs et qu'il puisse y avoir aussi un représentant du syndicalisme qui soit Florent Renaudier pour avoir aussi une vision plus globale", a ajouté Mme Lambert. Producteur de lait en Mayenne, M. Renaudier est membre du conseil d'administration de la FNPL, branche laitière de la FNSEA.
Au cours de la rencontre en préfecture, qui a duré près de deux heures, "nous avons eu des débats vifs mais avec la volonté conjointe de sortir de cette crise", a indiqué Mme Lambert. Trois représentants de Lactalis assistaient aux discussions dont le porte-parole Michel Nalet qui, joint par téléphone, a précisé: "nous n'étions pas là aujourd'hui pour discuter du prix du lait, mais des modalités de la réunion de jeudi". Il a cependant confirmé "la présence jeudi à Paris de Lactalis" et se dit "prêt à rencontrer les présidents des organisations de producteurs". Auparavant, "nous avons encore des détails techniques à régler avec le médiateur" des relations commerciales, Francis Amand, a ajouté M. Nalet.
Malgré cette prise de contact, le siège de l'usine de Lactalis va toutefois se poursuivre, selon Mme Lambert. Il "est prévu pour durer jusqu'à vendredi, a-t-elle précisé. La réunion a lieu jeudi. En fonction de l'issue de la réunion, nous aviserons", a-t-elle assuré.
Pour Pascal Clément, président de la section laitière de la Fédération régionale des syndicats agricoles (FRSEA) du grand Ouest, présent à la préfecture, "le ton de Lactalis a changé. Il ne s'attendait pas à une telle mobilisation des producteurs". Néanmoins, "les conditions de sortie de crise sont loin d'être acquises. Il y a un fossé à combler et je le répète, le partage de la valeur n'est pas dans l'ADN de l'entreprise", a-t-il tempéré.On n'a plus rien à perdre"
Nicolas, producteur mayennais de 42 ans
Une prudence partagée par les producteurs de lait qui occupent depuis lundi soir un rond-point, baptisé "la honte du lait", à proximité de l'usine Lactalis à Changé, près de Laval. "On attend de voir ce qui va se passer jeudi, c'est toujours la même chose. Cela fait un an que je manifeste", a déclaré, résigné, Nicolas, producteur mayennais de 42 ans. Il se dit prêt à durcir le ton si Lactalis ne répond pas aux attentes. "On n'a plus rien à perdre. Si vous voyez ce qui se passe dans nos campagnes! Je n'ai jamais vu cela. En 15 jours en Mayenne, il y a eu
deux suicides", déclare ce père de famille de deux enfants qui produit 400.000 litres de lait par an pour Lactalis. Et son ami, Stéphane, lui aussi agriculteur en Mayenne, prévient: "on ne va pas laisser nos gars se suicider". "On ne veut pas des aides de l'Etat dont on ne voit jamais la couleur. On veut vivre de notre métier, de notre passion", explique l'agriculteur de 50 ans. "On dit que (Emmanuel) Besnier (PDG de Lactalis, ndlr) est la 15e fortune de France. Vous croyez que c'est grâce à qui?", ironise le Mayennais qui s'est lancé dans la production de lait il y a cinq ans.
Après avoir lancé l'action lundi soir, les Mayennais, relayés mardi dans la journée par quelques 200 agriculteurs des Pays de la Loire, ont repris le siège en soirée. La relève est assurée ce mercredi par les Bretons, qui attendus dès 05h00 du matin.
Avec AFP