C'est un nouveau palier qui vient d'être franchi aux urgences de l'hôpital de Laval : la délocalisation du SAMU de la Mayenne vers l'hôpital d'Angers. Autrement dit : les appels nocturnes pour le 15 devraient être traités à Angers. Une décision qui, selon les associations d'usagers et les syndicats, menace la sécurité des Mayennais.
La régulation des urgences de l'hôpital de Laval vers celui d'Angers devait donner de l'air aux urgences de Laval, mais elle aura eu l'effet inverse. Cette décision, que réfute L’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire dans un mail qu'elle nous a adressé le jeudi 12 septembre, a entraîné la démission de sept médecins urgentistes, qui considèrent qu'il s'agit là d'un point de non-retour.
Pour la direction de l'hôpital et l'ARS, il s'agissait de libérer le médecin régulateur afin qu'il puisse prêter main forte au service des urgences. Faute de soignants, le service subit régulièrement des fermetures nocturnes. L'ARS préfère dire que "le service des urgences du CH de Laval ne ferme pas", mais qu'il est "régulé".
"En cas de régulation médicale, les patients continuent d’être accueillis aux urgences, mais sur orientation téléphonique d’un médecin régulateur", précise l'Agence régionale de santé.
Selon nos informations, au mois de septembre, les urgences ne seraient accessibles que six soirées entre 18h et 8h du matin. Ce que réfute l'ARS Pays de la Loire qui dit être "informée à un rythme hebdomadaire de l’organisation territoriale déployée en Mayenne sur les urgences, elle ne dispose donc pas de schéma d’organisation stabilisée".
Une restructuration jugée dangereuse
Le docteur Pierre Rafaud, urgentiste à Laval, fait partie des médecins démissionnaires : "J'ai pris mes responsabilités en considérant que je n'étais plus en mesure d'assurer mes fonctions de façon sereine. Avec cette restructuration, les Mayennais courent à mon sens un grave danger et je ne voulais pas y participer."
Selon lui, la gestion des urgences de Laval au CHU d'Angers sera dangereuse pour les patients. "Quand on est à 100 km de là où ça se passe, qu'on ne connaît pas bien la géographie, il peut y avoir des bugs", explique-t-il. "On peut dire que c'est négligeable. Sauf que la statistique, quand c'est vous, c'est 100 %. Et quand c'est votre mère, quand c'est votre frère, quand c'est votre enfant, c'est 100 % aussi."
À Nevers, dans la Nièvre, où la régulation a été délocalisée, le personnel soignant a notamment observé des erreurs d’adresses ou des retards de réponse, explique le docteur Pierre Rafaud.
Le médecin urgentiste rappelle également que cette décision survient dans un contexte de dégradation des conditions de travail depuis 2021. Malgré des propositions faites par les professionnels de santé pour améliorer la situation, la majorité de ces suggestions sont restées sans suite.
Dégager du temps de médecin urgentiste
Le directeur de l'hôpital de Laval, Sébastien Tréguenard, défend cette restructuration décidée conjointement avec l'agence régionale de santé. Il s'agit selon lui d'une mesure temporaire et transitoire, qui servira à dégager du temps de médecin urgentiste, alors que l'hôpital est confronté à des difficultés structurelles de recrutement.
L'objectif est de garantir un accès plus large et complet aux urgences la nuit, afin de mieux répondre aux besoins des patients lavallois et mayennais
Sébastien TréguenardDirecteur du centre hospitalier de Laval
Le directeur assure que les urgences vitales, notamment les arrêts cardiaques, continueront d'être traitées de manière prioritaire par les assistants de régulation médicale. Sébastien Tréguenard précise que la régulation libérale pour les urgences non vitales restera en place à Laval, garantissant selon lui une continuité des soins.
Par ailleurs, la direction précise qu'elle continue à chercher activement à recruter du personnel supplémentaire. Une tâche ardue alors que la Mayenne est considérée comme le troisième désert médical du territoire français.
Des moyens jugés insuffisants
Cependant, les syndicats expriment de fortes réticences face à cette réorganisation. Maxime Le Bigot, FO pour l'intersyndicale, met en lumière la surcharge que cela entraînera à Angers, où près de 20 % des appels ne sont déjà pas décrochés en première intention. "Si le nombre de régulateurs n'augmente pas, la situation risque de devenir ingérable", prévient-il.
Les urgences d'Angers sont déjà sous pression
"Quand vous faites le 15 pour une urgence vitale, comme un arrêt cardiaque, un assistant de régulation médicale envoie immédiatement les secours, puis transfère l’appel à un médecin. Mais avec la délocalisation, le régulateur devra d’abord appeler Angers pour obtenir un médecin, prolongeant ainsi le délai de prise en charge", explique-t-il. Cette situation pourrait, selon lui, affecter gravement la rapidité d'intervention lors d’urgences critiques, telles que les AVC ou les infarctus.
L'intersyndicale souligne que les capacités d’Angers sont déjà sous pression, avec environ 20 % des appels non décrochés en première intention.
Si le nombre de médecins régulateurs et de lignes disponibles n’augmente pas, cela mettra en danger la population. La véritable solution est de renforcer les effectifs médicaux à Laval
Maxime Le BigotMembre de l'intersyndicale
L'intersyndicale a déclaré un danger grave et imminent pour le service des urgences de Laval. Selon les syndicats, la décision de délocaliser la régulation des appels du 15 vers Angers, sans augmentation des moyens humains et techniques, est un "pansement sur une hémorragie", alors que les délais d'attente pour les patients sont déjà "monstrueux", et la situation ne peut qu'empirer avec un nombre décroissant de médecins.
Pour les représentants du personnel, la dégradation des urgences de Laval risque d'entraîner la submersion d'autres services de l'hôpital.
L’Agence régionale de santé annonce ce jeudi 12 septembre dans un communiqué qu'elle "continue le dialogue avec les différents acteurs locaux, élus et professionnels de santé. La priorité commune étant de faire évoluer rapidement cette situation qui, depuis plusieurs mois, reste insatisfaisante pour la population".
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