Nantes-Angers Opéra : où est Sanubar Tursun l'artiste ouïghoure qui devait se produire en février ?

Elle devait se produire à l'Opéra de Nantes, Angers et Rennes du 10 au 13 février mais elle ne viendra pas. Sanubar Tursun, l'une des grandes voix de la culture ouïghoure a disparu, probablement victime de la répression chinoise. C'est une artiste ouzbèke qui la remplacera, Aziza Davronova.

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Jusqu'aux fêtes de Thanksgiving, Sanubar Tursun était libre de ses mouvements.

La chanteuse ouïghoure était engagée pour un spectacle le 15 décembre et elle ne s'y est pas rendue. Depuis, personne ne sait ce qu'elle est devenue. Tous les contacts par mails et réseaux sociaux avec son entourage ont été rompus.

Est-elle condamnée ? Emprisonnée ? Impossible d'avoir des informations fiables mais des rumeurs inquiétantes circulent à son sujet dans la province chinoise du Xinjiang où elle habite.

Sa venue en 2019 aux opéras de Nantes, Angers et Rennes avait été annoncée au printemps 2018, puis annulée début novembre 2018, suite à des difficultés rencontrées par Sanubar Tursun pour sortir de Chine.


Son passeport pourrait lui avoir été confisqué pour l'empêcher de voyager, comme cela a été le cas ces dernières années pour de nombreux Ouighours. Sanubar Tursun était invitée par l'Institut Confucius pour faire découvrir  "Les Voix du monde" grâce à des échanges culturels "Sur la route de la Soie". Finalement, c'est une artiste ouzbèke, Aziza Davronova, que le public découvrira.
 

Pas une opposante politique


"Sanubar Tursun n'est pas une opposante politique à proprement parler" explique Fanny Valembois, la coordinatrice culturelle des instituts Confucius en France. "C'est une artiste qui défend la culture ouïghoure mais qui jusqu'ici n'était pas ostracisée. Elle a effectué de nombreuses tournées en Chine et à chaque fois elle a connu de grand succès" 

Dans son pays, elle est considérée comme l'une des plus grandes artistes ouïghoures. Sa disparition semble donc bien mystérieuse. Mais elle est symptomatique d'une répression féroce qui s'abat de plus en plus sur ce peuple de 10 à 11 millions d'habitants.

Les Ouïghours sont turcophones d'origine et ne parlent donc pas le chinois. Beaucoup sont musulmans et préfèrent appeler leur territoire le "Turkestan" plutôt que le Xinjiang.
  

Une province riche et placée sur la route de la soie 


Mais surtout leur pays possède des richesses en gaz et en pétrole très convoitées par le gouvernement central de Chine. Sa position géographique est stratégique pour les échanges économiques car il est placé sur l'ancienne route de la soie.  

Les velléités d'indépendance des Ouïghoures ne sont pas du goût des Chinois. C'est pourquoi cette minorité est persécutée par Pékin.

Ces derniers mois, les ONG occidentales ont publié une liste officielle de noms, des figures emblématiques qui ont été condamnées pour "double face". Il s'agit de journalistes, d'écrivains, d'artistes, d'universitaires. de savants, d'étudiants à qui l'on reproche de défendre la cause ouïghoure en se cachant derrière un statut de fonctionnaire. Ils seraient 242 Ouighours, d'après l'ONG basée aux Etats-Unis, Uyghur Human Rights project, a avoir ainsi disparu.


1 à 2 millions de Ouïghours dans les camps de rééducation chinois


Aujourd'hui, un à deux millions de Ouïghours vivent dans des camps : des camps d'internement où l'on pratique des tortures physiques et psychologiques, des tests médicaux et d'où parfois l'on ne réchappe que mort; des camps de rééducation où l'on vient à la journée pour apprendre à chanter en Chinois, à réciter le petit livre rouge, à exercer un métier manuel, bref à devenir un bon petit Chinois obéissant. 

Pour Vanessa Frangville, chercheuse à l'Université Libre de Bruxelles, "il s'agit de laver les cerveaux, de formater les Ouïghours et de les obliger à s'assimiler. C'est une nouvelle marche pour imposer une culture unique, celle imposée par l'Etat chinois . Et le même sort est réservé aux Tibétains, aux Mongols, aux Kazakhs et aux Kirghizes. C'est la fin du multiculturalisme en Chine."
 

Des pressions permanentes sur les chercheurs en Occident


Les universitaires qui défendent la cause ouïghoure en Europe sont souvent l'objet de pression. Ils reçoivent fréquemment des injonctions des ambassades chinoises pour retirer leurs articles.

Vanessa Frangville se souvient d'une conférence à Strasbourg  qui a été perturbée par de faux étudiants chinois qui ont monopolisé la parole pour empêcher les quatre intervenants présents de s'exprimer. il s'agissait en fait de membres du Consulat venus faire de la propagande chinoise. "Ils ont distribué un texte, "Progrès de la cause des droits de l'homme au Xinjiang", à notre insu, pour discréditer nos propos qui étaient très académiques".

Le cas de Sanubar Tursun est emblématique de ce qui se passe au Xinjiang. Des arrestations arbitraires par la police, sans qu'il n'y ait le moindre jugement. Des familles sans nouvelles qui apprennent bien longtemps après que l'un des leurs est mort dans les geôles du régime chinois. Une situation trop souvent passée sous silence en Occident.
Une tribune pour Sanuba Tursun
Mardi 29 janvier, une tribune signée par une quarantaine de journalistes, musiciens, universitaires, est parue dans le Nouvel Obs.

Les signataires rapportent que, selon "différentes sources proches de la musicienne", Sanubar Tursun "aurait été arrêtée, jugée et condamnée à cinq années de prison."

"Le cas de Sanubar Tursun nous rappelle à quel point la voix des artistes est puissante, mais aussi exposée, fragile et vulnérable. Il n'est malheureusement qu'un exemple de plus de la tragédie qui se joue actuellement dans la région ouïgoure, et qui vient de faire effraction dans la scène artistique française et la vie de son public, qui se réjouissait de retrouver Sanubar Tursun", précisent les signataires de la tribune.
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