83% des déplacements s'effectuent en automobile dans la région des Pays de la Loire, pourtant chaque jour, 45 000 voyages sont effectués par le train. Trajets domicile-travail, tourisme, loisirs, correspondances avec les TGV, il y a mille et une raisons de prendre le TER.
C'est l'une des grandes compétences des conseils régionaux. Organiser et développer les trains du quotidien. Ce sont ces conseils régionaux qui ont remplacé les omnibus des années 1970 par des trains modernes et performants, qui ont rénové souvent, reconstruit parfois, le réseau ferré secondaire français. Après une progression de la fréquentation des TER à deux chiffres d'une année sur l'autre au tournant des années 2010, la fréquentation marque le pas.
Les TER souffrent encore des années de sous investissements dans le réseau ferré des Français. Dans leur régularité par exemple. Avec les questions environnementales qui se posent et la nécessaire décarbonation des mobilités qui s'impose, les TER sont une des clés pour bouger rapidement et sobrement du point de vue énergétique à courte et moyenne distance.
Nous sommes allés faire un "TER tour" des Pays de la Loire. Tour bien modeste de Rezé à Nantes, Angers, Cholet, Clisson et Nantes. Rencontrer ces voyageurs réguliers aux heures de pointe, occasionnels aux heures creuses de la journée. Les trains du quotidien dans les Pays de la Loire ne manquent ni d'attraits, ni de pittoresque et méritent mieux que des données statistiques au détour du vote du budget du conseil régional.
Le TER du travail
Gare de Rezé-Pont-Rousseau, Simone, la voix de la SNCF annonce l'arrivée imminente du TER de 7h40 venant du Pays de Retz, un flot soudain de voyageurs en descend sur le quai tranquille. Avec leurs vélos pour nombre d'entre eux. Ou piétons pressés de prendre la correspondance avec le tramway n°2, qui va vers le centre de Nantes, le CHU, l'université.
Mathilde, jeune femme élégante tient son vélo tout autant élégant et monte à son tour. "Je prends le train depuis presque 6 ans, 5 jours par semaine pour aller travailler à La Baule". Le train déambule à petite vitesse dans le dédale des voies de l'île de Nantes jusqu'à la gare centrale. franchissant deux fois la Loire. Le trajet dure 10 minutes, contre 20 minutes à vélo et 35 ou 40 minutes en tram et bus, un seul changement et la jeune femme sera au travail vers 9 heures.
Gare de Nantes, 7h50, beaucoup de vélos dans le passage souterrain des correspondances. Les voyageurs des TER empruntent ce passage, pour des correspondances ou se rendre au boulot, bicyclette à la main en file indienne. Les voyageurs des TGV sont reconnaissables à leurs tenues un peu strictes et à leur bagages légers, ou, au contraire, à leurs tenues plus ordinaires et leurs valises bien lourdes.
Le voyageur du quotidien se déplace léger. Jean-François, la trentaine sportive apprécie de pouvoir se déplacer avec son vélo. "Deux kilomètres à vélo de la maison à la gare de Clisson, plus deux kilomètres de la gare d'Ancenis à mon travail avec une correspondance à Nantes en 45 minutes, c'est pas mal non ? ".
Le vélo n'a toujours pas de vraie place dans les TER
Alice, prénom d'emprunt à sa demande, se rend au Mans deux ou trois fois par semaine où elle enseigne la philosophie. Elle a enfourché son vélo de son domicile jusqu'à la gare. Le vélo restant dans un abri sécurisé. "Il me reste 5 minutes à pied en descendant du train au Mans, ça me va bien, j'avais essayé la solution du vélo dans le train, mais il y a trop de vélos, et pas assez d'emplacements, et quand les vélos sont trop nombreux, les choses sont compliquées pour les bouger".
Et si le contrôleur s'en mêle c'est encore plus compliqué. Mathilde "se souvient avoir vu des gens devoir renoncer au trajet", "Si le contrôleur est de bonne humeur et qu'il accepte qu'on reste avec le vélo le long de l'accès côté voie, ça va", s'amuse Jean-François. Il ajoute, "sinon c'est le PV !"On voit de plus en plus de trottinettes électriques, qui prennent aussi de la place," ajoute Alice.
Tous trois sont d'accord, le vélo et le TER sont la meilleure solution à leurs besoins de mobilité quotidienne. Pour autant, ils mesurent la fragilité de la combinaison. "J'ai essayé la solution avec deux vélos, un qui va de la maison à la gare, et qui y passe la journée, l'autre qui va de la gare au travail, et qui y reste la nuit. Mais celui-là a été volé". Jean-François a renoncé à cette solution peu onéreuse. Mathilde a acheté son vélo sur le Bon coin et Alice ajoute "qu'on trouve des vélos d'occasion pour une poignée d'euros qui peuvent rester dans un abri". Faisant remarquer cependant, "que ce dispositif n'est pas assez développé par le conseil régional dans les gares".
Le train arrive à Angers, Simone souhaite "une bonne fin de journée" aux voyageurs du TER. Quelqu'un pourrait dire à la personne qui s'occupe des annonces dans les trains qu'à 9h du matin la formule est peu adaptée ? Les voies de la voix de la SNCF, qui va prendre sa retraite et sera remplacée par un robot, sont souvent impénétrables...
Le TER des loisirs
Angers, dans la salle des pas perdus, l'ambiance est tranquille. Les pendulaires sont au travail, des gens attendent dans la lumière de la belle verrière transparente. Simone annonce le départ du TER de 10h22 vers Cholet. Des gens ordinaires chargés de sacs de provisions, un trio d'étudiantes partant en promenade, un groupe d'Asiatiques tout juste descendus du TGV Ouigo venu de Montparnasse, y prennent place. Les voyageurs ont changé, ce sont des occasionnels en déplacement familial, professionnel ou de loisir.
"Ils ont réglé la clim sur très froid ?" Interroge l'une des trois amies. Elles vont d'Angers à Chalonnes-sur-Loire. "On part en balade, avec le pique-nique, il fait beau, c'est cool, nous reviendrons à Angers à pied". Le TER leur va bien, "oui c'est bien aussi pour les loisirs, on n'est pas obligées de revenir au point de départ, comme avec une voiture".
Cholet, tout le monde descend. Le train ne vas pas plus loin vers Vihiers ou Bressuire depuis bien longtemps. Les voyageurs sont "invités à emprunter le passage planchéié en bout de quai" dit le haut-parleur. Tous trottinent sous la jolie marquise qui couvre les voies, traversent le passage en ombre chinoise dans le franc soleil de cette fin de matinée. Et rejoignent la ville.
En sortant de la gare, à Cholet, le voyageur bute sur un mur. C'est le dos du monument aux morts pour la France. Imposant, et pavoisé. Car ce mardi midi, Monsieur le maire et Monsieur le sous-préfet en tenue d'apparat, commémorent le souvenir des morts en Indochine. Le sous préfet lit le message de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. "Ne pas oublier, et célébrer la fraternité retrouvée" dit-elle. La Marseillaise retentit, moment d'émotion pour quelques anciens de cette guerre oubliée. C'est aussi ça la France en TER.
12h26, le TER arrive de Nantes, un essaim de joyeuses retraitées en descendent. Sac à dos, shorts, chaussures et bâtons de marche, elles empruntent "le passage planchéié" pour aussitôt monter à bord du train qui part 12h35 vers Angers. "On va en descendre à Chemillé pour randonner, et ce soir on fera le voyage en sens inverse jusqu'à Nantes". Le TER s'en va, décidément il a la cote chez les randonneurs et les cyclistes !
Le TER des champs
De Nantes à Angers, le TER ne serpente jamais bien loin de la Loire. Surtout entre Nantes et Ancenis. Par la baie vitrée qui agit comme un cadre, dans un long travelling, on surplombe le fleuve et sa vallée. D'Angers à Cholet, le train traverse la vallée de la Loire et enjambe le fleuve royal entre La Possonière et Chalonnes. Le spectacle de la nature dans le contre jour du soleil est total. Et trop court. Le train file déjà dans un paysage de collines. Vastes étendues cultivées, quelques communes, des voyageurs montent et descendent à chaque station. Un vélo à la main pour les plus jeunes, un gros sac ventru pour les adultes.
Entre Cholet et Nantes, le paysage évolue, les collines sont coupées par des vallons franchis sur des petits viaducs. Une rivière brille au fond entre les frondaisons. Un paysage de bocage, de vaches et de prairies cultivées. Il est 13 heures, un homme en veston sérieux s'installe pour déjeuner. Il veut bien répondre à quelques questions si on ne le cite pas. "Au menu c'est une salade de pâtes, poulet sauce curry que j'ai achetée en revenant à la gare". Il habite Clisson et travaille gare sud à Nantes.
"J'ai pris le train ce matin pour me rendre à un rendez-vous professionnel à Cholet, et je reviens au bureau. Ce soir je reprendrai le train pour Clisson". Pourquoi prendre le train ? Et pas son auto ? "J'aime le temps du train. À l'aller, j'ai pu travailler sur mon ordi. Ce midi, je dispose de 52 minutes pour déjeuner avant d'arriver. Et on ne conduit pas !" Sa tarte aux fraises fait envie à la petite fille assise un peu plus loin.
Le train se remplit à chaque station. Boussay, Torfou, Cugand, toutes ces stations sont fraichement rénovées. Les voyageurs trainent de grosses valises pour une correspondance avec le TGV à Nantes. Mais à Clisson ils pourraient tout autant changer de train vers La Roche-sur-Yon ou les Sables d'Olonne. Le TER permet de partir de son village vers des horizons lointains.
Le TER des villes
Clisson : si la commune est connue pour son château féodal, son indéniable charme italien et son festival des musiques extrêmes, la ville pousse comme un champignon. Ici commence la banlieue de Nantes. Les trains venant du sud y marquent leur dernier arrêt et le tramtrain prend le relais pour desservir les communes intermédiaires. Ainsi on peut aller en train vers de multiples destinations. L'abonnement annuel permet aussi de voyager le week-end, "et dimanche dernier avec les enfants nous sommes allés passer la journée à la mer aux Sables-d'Olonne" sourit Jean-François que nous avions laissé à Ancenis.
Les promoteurs ne s'y trompent pas. Des immeubles poussent comme des champignons dans le quartier de la gare. Le conseil départemental de la Loire-Atlantique y a installé des services, le cinéma Connétable est à 300 mètres des quais. "Notre maison a pris 80 ou 90 000 euros en 5 ans", avoue Jean-François. Les promoteurs vantent un trajet en 15 minutes jusqu'à Nantes pour vendre leurs appartements. Dans une agence, des maisons de 4 pièces sur un petit terrain sont affichées à 350 000 euros. Selon un agent immobilier, il faut moins d'une semaine pour les vendre. Le TER transforme nos manières d'habiter.
13h49, Simone, de sa voix toujours suave et parfois trahie par la mécanique de la machine qui la diffuse, annonce le départ du tramtrain de Clisson vers Nantes, "il desservira Gorges, Le Pallet, La Haye-Fouassière, Vertou, Saint-Sébastien-Frène rond, Saint-Sébastien Pas enchantés, et Nantes". Dans chaque station, des personnes de tous âges, des étudiants, des lycéennes, montent ou descendent en ce début d'après-midi. Une population plus bigarée aussi, preuve que le TER est aussi le train des urbains.
En savoir plus :
Le site Aleop des TER des Pays de la Loire
Des exemples de tarifs de transport, 11,90 € pour aller de Cholet à Angers, 16,40 € de Nantes à Angers.
Des exemples d'abonnements annuels avec ceux des personnes rencontrée au cours de ce reportage.
Mathilde paye 179 € par mois pour aller de Rezé à La Baule. Jean-François, 110 € pour aller de Clisson à Ancenis. Alice, 232 € pour aller de Nantes au Mans. La moitié de l'abonnement est normalement pris en charge par l'employeur chaque mois. 86 € seulement pour Alice employée par l'Éducation Nationale.
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