L’arrivée des manèges reste l’évènement populaire annuel incontournable de la vie locale des petites villes. Le documentaire "Que la joie demeure" raconte avec tendresse ce que ce rendez-vous représente pour Cécilia et Ludo, couple modeste pour qui la fête foraine reste un loisir accessible, une passion qui fait naître des rêves d’évasion.
On a le droit de trouver plus de charme et de poésie aux fêtes foraines qu’aux parcs d’attractions. Une opinion que partage la réalisatrice Paola Valentin pour notre plus grand bonheur.
Avec "Que la joie demeure", elle signe un documentaire d’une grande sensibilité, sur les pas de Ludovic et Cécilia qui ne manqueraient pour rien au monde les dix jours que dure la fête foraine qui s’installe chaque année dans leur petite ville de La Ferté-Bernard (Sarthe).
Une plongée dans l'univers des fêtes foraines
Tout commence bien sûr par la vision d’un vaste espace goudronné aux limites indistinctes, dans la brume d’un matin d’hiver. Des camions sont arrivés la veille, ils ont dormi là comme de grosses chenilles sur roue qui vont bientôt se transformer en papillons aux couleurs chatoyantes.
Voilà les manèges qui se montent, des bras mécaniques qui se déploient, des guirlandes qui clignotent. En un rien de temps s’édifie le théâtre éphémère de tous les rêves des enfants qu’on est ou qu’on a été. Un espace-temps aux odeurs de churros et de barbe à papa, où la musique des manèges se mélange aux sons d’un casino de plein air, où des ballons se gonflent et d’autres éclatent.
La magie des manèges et des trophées pour Ludo et Cécilia
Alors, quand février arrive et que les forains s’installent à La Ferté Bernard, Ludo et Cécilia se réjouissent. Comme beaucoup de celles et ceux qui viennent s’y amuser, il leur faudra néanmoins compter leurs sous.
Avec le petit salaire de Ludovic et ce que la curatelle verse à Cécilia, le budget du couple se calcule au plus juste chaque semaine en déduisant les courses, les cigarettes, l’essence pour le scooter pour aller se balader.
Dix euros par jour pour la fête foraine pendant dix jours, c’est une somme. Mais Ludo l’affirme, avec ça on peut bien faire deux ou trois stands, en choisissant avec soin les plus rentables, car avec Cécilia, ils collectionnent les lots.
Peluches, montres, briquets par dizaines, gadgets en tout genre et de toutes les couleurs, autant de trophées gagnés au fil du temps qui s’exposent en bonne place dans leur appartement. De quoi prolonger le souvenir de la fête d’une année sur l’autre.
Ludo et Cécilia, une histoire d'amour et de résilience
Ludovic et Cécilia, ce sont deux joies de vivre malgré leurs difficultés, deux optimistes qui se sont trouvés. Ludovic travaille dans la blanchisserie d’un ESAT à La Ferté Bernard.
Une violente agression subie à l’âge de 10 ans l’a laissé handicapé. Il regrette que ses agresseurs, mineurs, n’aient pas été condamnés à de la prison, mais il dit que c’est le passé, qu’on ne peut pas le changer, mais que lui veut avancer. Il vivait à l’époque en région parisienne. À La Ferté Bernard, avec Cécilia qu’il a rencontrée ici, il se sent bien.
Pour Cécilia, les journées passent à un autre rythme. Sans emploi après un passage en ESAT, elle aussi, elle se consacre à regarder assidûment la télévision et à dessiner et à colorier des chevaux.
Sa passion pour le cheval est née à l’adolescence quand l’IME (Institut Médico Éducatif) qu’elle fréquentait lui proposait des matinées dans un centre équestre. Monter, prendre soin des chevaux et des poneys, elle avait la vocation.
Mais faute de pouvoir obtenir le diplôme et par manque d’argent, il lui faut vivre sa passion à travers le dessin, les autocollants, les peluches de licorne, le rêve.
Un rêve contrarié face aux choix difficiles
Le rêve pour Ludo, c’est le monde forain et le cirque. Il n’a jamais oublié les trois années d’initiation aux arts du cirque quand il était petit. Les manèges et les forains qui viennent chaque année à La Ferté Bernard, il les connaît tous.
Et s'il adore la période de la fête, il sait qu’en toutes saisons, de foire en foire, les manèges font la route. Lui, il aimerait partir aussi, découvrir des villes qu’il ne connaît pas, voir du pays.
Peut-on réaliser son rêve le plus cher au prix de la souffrance de ceux qu’on aime ? Ludo va éprouver ce dilemme quand un forain lui proposera de façon inattendue de prendre la route avec lui. Mais pas de place dans ce projet pour Cécilia, ni pour leurs trois chats et leur lapin qu’elle appelle "ses enfants" et à qui elle parle souvent. Leur couple va-t-il y résister ?
Un autre tournis que celui du manège vient troubler la vie routinière et ordonnée de Ludo et Cécilia. La fête et ses lumières deviennent tout à coup synonymes d’inconnu, de piège. Du rêve à l’illusion, il n’y a qu’un pas. Partira, partira pas ?
Un documentaire tendre et attachant
Paola Valentin laissera planer le suspense jusqu’au bout de son film, composition savamment travaillée et délicate d’images d’un réel où rien ne s’avère pour autant banal. La poésie est partout dans ce film où la musique, au plus près des émotions des personnages, joue un rôle essentiel.
Véritable bain de tendresse qui n’élude pas la réalité sociale, "Que la joie demeure" séduit par sa justesse à dépeindre les personnages de Ludo et Cécilia qu’on adopte dès la première minute, et qui nous laissent une trace dans le cœur.
"Que la joie demeure" un documentaire de Paola Valentin (52 minutes)
Une production Hutong Productions, avec la participation de France 3 Pays de la Loire.
Diffusion jeudi 16 mai à 23 h dans le cadre de la collection documentaire "Finie la bamboche ?" proposée par France 3 Régions.
Rediffusions à 9 h 10 vendredi 17, mardi 21, mercredi 29 mai et jeudi 6 juin.
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