Depuis dix mois, les salariés de l'usine Valeo, à La Suze-sur-Sarthe, s'inquiètent de l'avenir de leur site de production. Le groupe envisage de se séparer de cette usine, mais n'a toujours pas communiqué sur ses intentions précises.
Les salariés du site de l'équipementier automobile Valeo, à La Suze-sur-Sarthe, sont allés ce jeudi matin à la rencontre des habitants de la commune pour leur expliquer la situation. Au moins, leur donner les informations dont ils disposent, car, eux-mêmes, ne savent toujours pas à quoi s'en tenir précisément.
240 personnes employées
Depuis décembre 2023, ces salariés savent que leur usine est en difficulté. La direction du groupe a confirmé en mai 2024 qu'elle cherchait une solution pour ce site qui emploie 240 personnes, au sud du Mans, dans la Sarthe.
En juillet, la "solution" est devenue la recherche d'un repreneur. Une décision était annoncée pour ce mois d'octobre, mais elle a été repoussée à décembre 2024.
Lundi soir 21 octobre, le conflit a pris une nouvelle dimension. Les salariés ont voté une grève illimitée.
Des salariés d'autres sites sollicités
La colère est encore montée d'un cran lorsque les grévistes ont appris que la direction de l'entreprise avait l'intention de faire appel à des salariés d'autres sites, Laval et Nogent-le-Rotrou, pour remplacer les grévistes à La Suze-sur-Sarthe.
Une stratégie tout à fait légale puisqu'il s'agit, non pas de CDD ou d'intérimaires, mais de salariés de la même entreprise.
La grève s'est donc poursuivie mercredi par des barrages filtrants près du site de production et, ce jeudi, les salariés ont choisi d'organiser un défilé dans la commune pour alerter les habitants des conséquences d'une éventuelle fermeture de l'usine.
"C'est très dur à vivre une fermeture de site"
Pour Franck Goulette, délégué central CGT à Valeo, les effets d'une telle décision se ressentiront sur l'activité économique de la commune de 4 500 habitants.
"240 emplois en moins, dit-il, c'est 240 salaires non versés. Des gens qui ne vont plus acheter un bijou pour la communion ou le baptême, des gens qui vont acheter leur pain, mais pas un petit gâteau en plus, des gens qui vont moins souvent au restaurant. Les gens se retrouvent chez eux, enfermés. Il n'y a plus de contact social. C'est très dur à vivre une fermeture de site."
De son côté, Olivier Gautier, pour le syndicat FO, estime qu'il n'est pas tolérable que la direction exige une reprise du travail avant toute discussion sur l'avenir du site sarthois.
"Nous, ce qu'on demande, dit-il, ce sont des choses écrites. On demande de garder notre emploi. S'ils veulent qu'on revienne travailler, qu'ils mettent des moyens financiers jusqu'à la fin de l'année."
Le syndicat demande également que le groupe dévoile ses projets quant aux différents sites en difficulté et en appelle à l'État, actionnaire à hauteur de 7,38 %.
Plusieurs sites concernés
Outre l'usine de La Suze-sur-Sarthe, celles de l'Isle-d'Abeau en Isère et le centre de recherche et développement de La Verrière, dans les Yvelines, sont aussi susceptibles de fermer.
"C'est encore une industrie française où on va supprimer énormément de postes !" s'inquiète Olivier Gautier.
Parmi les habitants de La Suze-sur-Sarthe que croise le cortège des grévistes, il y a Thérèse, aujourd'hui retraitée, mais qui a passé 28 ans chez Valeo. Ce qui se passe lui donne mal au cœur, déclare-t-elle.
"Ils ont bien profité de tous, dit-elle à propos des dirigeants de l'entreprise. Et maintenant, ils n'en veulent plus !"
"Il va falloir que je me reconvertisse"
Interrogée, une boulangère de la commune se dit solidaire.
"Une usine comme ça qui ferme d'un seul coup, sans perspective, sans reclassement, ça nous parait incompréhensible", s'étonne-t-elle.
Odile Nasarre, est ingénieure matériaux chez Valeo, et a cumulé 30 dans l'entreprise. Elle est aujourd'hui élue également au CSE central pour la CFDT.
"Il va falloir que je me reconvertisse, je fais un bilan de compétences, dit cette femme qui craint de nombreuses suppressions d'emploi dans le secteur de la métallurgie, en Sarthe. Où vont se recaser les gens ?"
"On leur avait promis des réponses claires"
La députée LFI de la circonscription, Elise Leboucher, présente sur la manifestation, dénonce le manque de réponses de la direction de Valeo aux questions des salariés.
"On leur avait promis des réponses claires sur leur avenir lundi, rappelle l'élue, et la direction ne leur a rien annoncé. Ils sont suspendus à la direction qui, aujourd'hui, leur dit : vous reprenez le travail et on discutera après. Ce n'est pas possible !"
Une cagnotte de solidarité avec les grévistes a été mise en place.
Olivier Quentin avec Guillaume Perrot
►Voir le reportage de Guillaume Perrot, Nathan Vildy et Dominique Le Brun
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