Séisme dans l'ouest, faut-il craindre des répliques? Entretien avec Jérôme Van der Woerd, sismologue au CNRS

Le tremblement de terre survenu ce vendredi 16 juin dans les Deux-Sèvres, tout comme sa forte réplique, ont été nettement ressentis dans la région des Pays de la Loire. Jérôme Van der Woerd, sismologue, a répondu à nos interrogations sur l'importance de ce séisme dans l'ouest et ses éventuelles répliques.

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Jérôme Van der Woerd est sismologue et chargé de recherche au CNRS de Strasbourg. Il nous éclaire sur les causes du séisme de ce vendredi 16 juin dont l'épicentre était situé près de Niort et dont les vibrations ont été ressenties jusqu'à Nantes ou encore Le Mans.

Ce séisme est-il exceptionnel ?

C’est un séisme qui a atteint une magnitude importante, mais c’est un séisme auquel il faut s’attendre dans une zone sismique classée modérée. 

La région touchée fait partie de la zone ouest du massif armoricain. Géologiquement, il s’agit de la chaîne hercynienne, qui s’est formée il y a 300 millions d’années. Elle forme le socle de la croute terrestre à cet endroit. Il reste dans cette croute des accidents majeurs, issus de cette formation géologique. Ce sont ces accidents tectoniques qui aujourd’hui "rejouent".

On peut invoquer la collision à grande échelle entre l'Afrique et l'Eurasie. Ces accidents sont connus et cartographiés. Ils vont depuis le sud de Brest, la zone de cisaillement Sud-armoricaine, jusqu'à Limoges au sud-est. Les accidents existent en profondeur, ce sont peut-être ces accidents sous la couverture jurassique qui ont tremblé et qui tremblent encore. 

Le choc a lieu dans la croûte terrestre : les ondes vont se propager dans la croute et se faire entendre ou se faire sentir par les vibrations, très loin de la zone épicentrale.

Nantes est sur cet accident sud-armoricain. Les roches de socle se prolongent vers le sud, vers Poitiers. Ce sont les mêmes structures tectoniques qui sont en jeu dans l'ouest de la France.

Faut-il s'attendre à d'autres répliques ?

Oui, il faut rester vigilant, il peut y avoir d'autres répliques, il peut y avoir des chocs secondaires un peu plus importants. S’il y a des habitations, des murs ou des toits, des cheminées qui ont été fragilisées, si c'est à nouveau secoué, même faiblement, ça peut tomber, il faut rester prudent.

Les répliques peuvent se poursuivre plusieurs jours, plusieurs semaines même peut être des mois, c'est très variable. Aujourd'hui, c’est impossible de dire ce qui va se passer. Il y en a déjà eu. Ce sont peut-être les dernières, peut-être que l'on ne ressentira plus rien pendant des dizaines d'années. Et peut-être qu'il y en aura une autre de 4,5 demain ou ce soir.

Quelle était sa profondeur ?

Il est encore tôt pour trancher, mais le choc principal, celui de 18h38, est estimé à 3 km de profondeur, relativement peu profond. La profondeur pour les effets du séisme est importante.

Un séisme, c’est un relâchement très brusque de contraintes accumulées. Donc si ce relâchement a lieu à 15 km de profondeur, ça ne va pas avoir le même effet en surface que s'il a lieu à 2 ou 3 km de profondeur. La manière dont les ondes sismiques vont rejoindre la surface et donc faire trembler ce qui se trouve dessus, ne va pas être tout à fait pareil.

La nature des roches ou la nature des terrains sur lesquels sont construites les habitations, les infrastructures peut jouer dans la manière dont ces bâtiments vont être secoués ou pas, selon qu’ils sont bâtis sur du rocher ou des sédiments.

D'autres séismes sont-ils probables dans l'ouest de la France ?

Si l'on regarde la spécificité des derniers 50 ans, tout l’ouest de la France, d’Angoulême à Brest, est illuminé par de la sismicité, de petites tailles, mais néanmoins existantes. Avec des magnitudes de 4,5 ou 5 ou un peu plus, cela secoue et ça fait des dégâts.

Notre période historique à nous est très courte par rapport à la période géologique, c'est pour cela que l’on est surpris. Mais, du point de vue géologique, c'est une région qui est quand même classée dans une zone à sismicité modérée. Il faut s'attendre à la possibilité de choc de cette magnitude.

Cette chaîne hercynienne est gigantesque. Les failles font plusieurs dizaines de kilomètres de longueur. Dire aujourd'hui quelle faille a rompu hier, c'est trop tôt, mais vu la magnitude du séisme, cela correspond sans doute au jeu sur une faille en profondeur.

Nous avons des connaissances historiques, on connaît des séismes qui remontent au 15ᵉ siècle, au 18ᵉ siècle, mais avec beaucoup moins de précision et de certitude. Cela reste une fenêtre de temps très court par rapport au temps géologique, il faut le garder en mémoire. On ne sait pas bien comment et à quelle vitesse les choses se déforment et donc ce que nous réserve l'avenir.

En moyenne, sur le dernier siècle, un séisme de magnitude 5 comme celui-ci, a lieu tous les 10 ans, mais ça ne veut pas dire que l'on n'en aura pas trois dans la même année. Il faut se méfier de ce type de statistiques moyennes, d’autant que le recul temporel est très court. L’instrumentation sismologique en France est vraiment effective depuis les années 60 ; c'est une fenêtre très courte pour bien comprendre la sismicité.

Comment est surveillée l'activité sismique dans l'ouest ?

Les équipes de sismologues sont en train de déployer des instruments dans la région pour essayer justement d'enregistrer les répliques, y compris les petites que la plupart des gens ne ressentent pas, mais que les instruments peuvent mesurer pour essayer justement de mieux comprendre et mieux cerner ce qui s'est passé et ce qui se passe encore.

Toutes les données sismologiques sont enregistrées et répertoriées une fois que les séismes sont localisés au centre du Bureau Central Sismologique Français à Strasbourg. La surveillance du territoire national se fait par un réseau de stations relativement dense, dans l’ouest comme ailleurs.

Le Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) dirige l'alerte sismique. Il a un réseau spécifique et dès qu’un séisme atteint une certaine magnitude, un système d'alerte est déployé.

Jérôme Van der Woerd invite les personnes à témoigner, en cas de séisme ou de réplique, sur le site franceseisme.fr. Les effets du séisme à la surface et la manière dont les ondes sont ressorties aux différents endroits du territoire sont pour nous des informations importantes pour comprendre l'événement, précise le chercheur.

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