"En Dordogne, c'était le salaud de Pradier", le passé de l'ancien membre de la Gestapo découvert après sa mort

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"Il était sympa avec nous, mais c'était aussi une crapule". Frédéric Albert à propos de Paul Pradier.
Frédéric Albert raconte l'histoire d'un ancien de la Gestapo devenu ami de la famille. ©France Télévisions Céline Dupeyrat, Sophie Wahl et Carole Mijeon.

Une découverte sidérante qui a bouleversé sa vie. Frédéric Albert a côtoyé pendant près 40 ans un ancien collabo membre de la Gestapo. Le Périgourdin, aujourd'hui décédé, était devenu un ami de la famille vendéenne. C'est à sa mort que Frédéric Albert a appris l'insoutenable vérité. Après des mois d'enquête, il publie un livre : "Le dernier Gestapo".

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Quand Frédéric Albert évoque le Paul Pradier qu'il a connu, il parle d'un monsieur âgé, très sympathique, jovial.

"Je l'ai connu, j'avais 10-12 ans, se souvient Frédéric Albert qui a réalisé cette enquête étonnante et signé ce livre. Lui avait déjà 50-60 ans. Il nous faisait rire parce qu'il avait cet accent du sud. C'était quelqu'un qui venait nous voir dans la famille, on l'a un peu adopté, il était célibataire, sans enfant."

L'homme passait du temps dans le sud, à Paris et puis en Vendée. C'est là que Frédéric Albert et sa famille ont fait sa connaissance. Paul Pradier, à ses 80 ans, avait choisi de s'établir définitivement dans ce département. Il y est décédé, à l'hôpital, victime d'une infection pulmonaire, à 93 ans, raconte Frédéric Albert.

"Il avait l'art de dissimuler"

Le silence de Paul Pradier sur son passé ne surprend pas plus que ça. 

"Des gens qui ne parlent pas d'eux-mêmes, j'en connais beaucoup, fait remarquer Frédéric Albert. Après coup, on se rend compte qu'il avait l'art de dissimuler, de ne pas parler de ce dont il n'avait pas envie de parler."

Parce que Paul Pradier a effectivement un passé qui n'est pas reluisant, loin de là. Et c'est ce que Frédéric Albert va découvrir au décès de cet "ami de la famille". Cette famille qui va prendre contact avec un neveu de Paul Pradier, dans le sud, pour annoncer le décès.

"Le neveu nous dit juste : Paul, c'était compliqué avec la famille, se remémore Frédéric. On ne le voyait pas parce qu'il y a eu la guerre et la prison."

Une enquête débutée pendant le confinement

La famille de Frédéric comprend vite qu'il y a eu une activité dans la collaboration et commence son enquête, car, le neveu n'en sait pas plus.

Frédéric met à profit le confinement de 2020 pour aller plus loin dans cette enquête qui, tout d'abord, n'avait rien donné et découvre, sur internet, des ouvrages d'historiens. Le profil de collabo de Paul Pradier s'étoffe. On découvre alors que l'homme était plus que cela. Il était policier pour la SS.

C'est en se plongeant dans le travail de l'historien périgourdin Patrice Rolli, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale en Dordogne, que Frédéric en apprendra le plus.

Une visite aux archives de Bordeaux lui apportera aussi le dossier d'instruction du procès qui avait condamné Paul Pradier après sa fuite en Allemagne, à la libération.

"J'ai 100 pages avec des interrogatoires, des contre-interrogatoires, des condamnations, détaille Frédéric. On trouve la condamnation à mort. On se dit waouh !"

Un redoutable policier de la Gestapo

Frédéric et un de ses oncles, venu avec lui, apprennent que l'ami de la famille est entré à 19 ans dans la collaboration. Que, pour le compte de la Gestapo, il parvient à s'infiltrer dans la résistance, dénonce, pille...

"Il participe à beaucoup de rafles aussi, de familles juives ou de résistants. C'est un criminel !", poursuit Frédéric.

Plusieurs maquis seront démantelés grâce à son travail d'infiltration et de renseignement. Des résistants seront arrêtés, torturés, certains tués, d'autres déportés.

Frédéric parle de quelqu'un de "redoutable" avec un énorme sentiment de puissance que lui donne sa carte de policier de la Geheime Staatspolizei, la Gestapo. 

10 ans de prison

En octobre 1944, au moment de la libération de Périgueux, Paul Pradier parvient à prendre la fuite avec une colonne allemande. C'est ainsi qu'il rejoindra l'Allemagne où l'on perd sa trace. Il tente ensuite de revenir et est arrêté en gare de Strasbourg. L'homme a été condamné entretemps par contumace à la peine de mort, il est à nouveau jugé à Bordeaux où la peine capitale est confirmée. Peine qui sera ensuite commuée en prison à vie après un pourvoi en cassation. Il fera dix ans de prison et sera libéré en 1955.

Frédéric Albert n'a pas trouvé de détails sur la vie qu'aura menée Paul Pradié après sa libération. Si ce n'est qu'il revenait, de temps en temps, voir sa mère, dans le Périgord. Mais il était rejeté par le reste de sa famille.

Il travaille avec un ancien résistant

"Beaucoup de gens ne voulaient pas le revoir, mais il est quand même revenu voir sa mère en cachette", raconte Frédéric qui découvrira que l'ancien gestapiste a travaillé dans le sud-est dans une auberge de jeunesse avec, pour supérieur hiérarchique, François, un ancien résistant.

"Si Paul avait rencontré François dans les années 40, il l'aurait tué ou il l'aurait fait tuer, c'est sûr !", affirme Frédéric.

Si l'ancien collabo connaissait le passé de résistant de son employeur, l'inverse n'était pas vrai.

"Il savait noyer le poisson, rappelle Frédéric Albert. Paul était un grand bavard, mais quand on entrait un peu dans des choses intimes, ce n'était pas quelqu'un qui s'épanchait."

"Il n'avait pas renié tout ça !"

Il pouvait arriver que lors d'une conversation, l'époque de l'occupation soit évoquée, mais Paul Pradier restait toujours vague dans ses réponses. Ou même s'agaçait. "On peut en déduire que non, il n'avait pas renié tout ça !", conclut Frédéric Albert qui dit avoir fait cette enquête et écrit ce livre pour que sa famille sache et comme un devoir de mémoire pour les victimes de Paul Pradier.

"C'était un petit monsieur qu'on a apprécié, reconnait Frédéric, il était sympa avec nous, mais c'était aussi une crapule, un criminel lorsqu'il avait 19 ans. En Vendée, c'était le p'tit Paul. En Dordogne, c'était le salaud de Pradier."

"Dernier Gestapo" aux éditions RMP.

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