Depuis plus d'un mois, la Couarde de Roche-Guillaume est colmatée par une substance visqueuse qui asphyxie toute vie. Les pêcheurs s'inquiètent d'autant plus que cette petite rivière alimente le lac du Jaunay, l'une des réserves d'eau potable de la Vendée.
"On dirait de la crème dessert au caramel. C'est visqueux et dense et cette espèce de bouillasse s'est déposée sur 20 à 60 cm d'épaisseur sur 800 mètres de cours d'eau.".
Arnaud Tanguy est dégoûté rien qu'à l'évocation de cette matière qui est en train de tuer la Couarde de Roche Guillaume.
Responsable de la fédération de pêche de Vendée, il a été alerté il y a un mois par un de ses 29 000 adhérents que quelque chose ne tournait pas rond au pays du poisson d'eau douce.
C'est Pierre-Marie Ferré, en l'occurrence, président de la Gaule du Jaunay, qui a remarqué, dans un premier temps, une espèce de mousse épaisse qui recouvrait l'eau d'un petit ru venant se jeter dans la Couarde.
En quelques semaines, le cours d'eau s'est transformé en "une sorte de bassin de décantation".
Une frayère devenue un bassin de décantation
Cette Couarde, outre qu'elle est un joli petit cours d'eau, est aussi et surtout une frayère. "On la met en réserve du 1er février au 31 mai pour que les poissons se reproduisent, ensuite, ils vont dans le lac", précise Pierre-Marie.
Les poissons ont fui, mais les plantes aquatiques, toute la nourriture des poissons est anéantie, recouverte, comme les berges, les racines, de cette boue immonde.
Quant aux nénuphars plantés par les pêcheurs parce que fort appréciés des sandres, ils ont littéralement "cramé". L'expression est étonnante dans un milieu aquatique, c'est dire si la matière incriminée est loin d'être anodine.
Et ce qui l'est encore moins, c'est la proximité du lac du Jaunay dans lequel se jette la Couarde. Un espace naturel préservé et protégé de 114 hectares. Un lieu réputé pour sa beauté, où la baignade et les bateaux à moteurs thermiques sont interdits.
Et pour cause : c'est une réserve d'eau potable. L'eau, cette denrée précieuse sur la quantité et la qualité de laquelle pas un jour ne passe sans que les autorités ne nous alertent.
Pourtant, ces mêmes autorités, prévenues depuis un mois par Arnaud Tanguy, sont d'une discrétion de violette.
Quant à l'origine de la pollution, elle pourrait provenir d'une carrière située à proximité immédiate. La direction de l'entreprise, que nous avons contactée, nous a indiqué "ne rien avoir à dire à ce sujet".
Et maintenant ?
La nature est bonne fille. Dans ces prochains jours, la pluie va permettre de diluer cette matière, de l'évacuer peut-être. Mais le cours d'eau, lui, restera sans vie un bon moment, c'est ce que craint Pierre-Marie Ferré, "j'espère me tromper, mais ça va prendre des années avant que la Couarde ne retrouve son équilibre écologique" souffle-t-il.
Les pêcheurs ne comptent pas en rester là. Ils vont porter plainte contre X. Mais ils ne cachent pas leur dépit, car à chaque pollution le même scénario se répète.
"On alerte, on va sur place toute affaire cessante pour prendre des photos, des vidéos, mais ensuite, nous ne sommes jamais avertis sur la suite donnée à ce type d'événement " s'agace le responsable des pêcheurs.
Arnaud Tanguy témoigne chaque année d'une vingtaine de pollutions comme celle-ci. Pour cet amoureux de nature, le constat est déprimant.
"Franchement ça ne s'arrange pas. Il y a toujours autant de pollutions, si l'on ajoute les assecs l'été, le tableau est sombre. On brasse de l'air, on revient régulièrement à des endroits que l'on a déjà signalés avec cette sensation de toujours répéter la même chose".
Pour autant, pas question de cesser d'être des sentinelles de l'environnement. "Nous, ce que l'on veut, c'est préserver un milieu agréable pour s'adonner à un loisir sympathique. Si on n'alerte pas qui le fera ?"
→Les explications de la Préfecture de la Vendée
Suite à nos sollicitations, la Préfecture de Vendée nous a adressé un mail ce mercredi 21 février dans la soirée.
Elle nous indique que suite au signalement de la fédération de la pêche d'une pollution au niveau du Jaunay à LandevieIlle, les agents de l'Office Français de la Biodiversité (OFB) se sont rendus sur place le 5 février.
"Les premières constatations faisaient état d'une faible pollution et ont permis d'identifier la carrière exploitée à proximité du cours d'eau comme étant à l'origine de cette pollution""Suite à une inspection de la carrière le 8 février et aux investigations menées par l'OFB et la Direction Régionale, de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), la pollution serait due à un ruissellement dans l'environnement des eaux pluviales de la carrière. Ces eaux pluviales proviendraient d'un aménagement récent du site avec des matériaux de la carrière".
"Ces matériaux acidifieraient les eaux pluviales, ce qui favoriserait la précipitation des eaux de roche (type fer) dans le lit du ruisseau de l'Edmondière, puis de La Roche-Guillaume faisant ainsi apparaître un dépôt rougeâtre dans le milieu (pollution non intentionnelle)".
Les agents de l'Office Français de la Biodiversité (OFB) se sont de nouveau rendu ce mercredi sur site et ont constaté "l'évolution défavorable de la situation".
Le préfet va donc prendre un arrêté de mesures d'urgence à l'encontre de l'exploitant pour faire cesser cette pollution.
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