C'est la revanche du tournesol aux Essarts-en-Bocage dans le département de Vendée. La famille Bonnin en a planté pour la première fois depuis 25 ans. Dans quelques semaines le tournesol tournera le pli de sa corole vers le soleil, et l'agriculteur en espère un revenu substantiel.
"Tout est bouleversé" : la guerre en Ukraine, la menace d'une sécheresse et la loi du marché ont poussé la famille Bonnin à semer du tournesol dans leur bocage vendéen, pour la première fois en un quart de siècle.
Pour l'instant, bien alignées le long du sillon, les jeunes pousses émergent à peine de la terre, deux ou trois feuilles de deux centimètres qui donneront en août d'éclatantes fleurs de soleil, dont les graines chargées en huile s'échangent désormais au prix des pépites d'or sur les marchés mondiaux.
"Le tournesol, il y a 25 ans que je n'en ai pas fait. Avec la guerre en Ukraine, la demande, les prix sur le marché, tout est bouleversé. On s'est décidé à semer 20 hectares de tournesol à la place du maïs", raconte Régis Bonnin, agriculteur-éleveur aux Essarts en Bocage, une commune rurale voisine de La Roche-sur-Yon.
Au sein de l'exploitation familiale "Le Passage fleuri" - 330 hectares et 125 vaches laitières, "on a pesé le pour et le contre". Régis Bonnin, son fils Clément, son frère et sa belle-soeur ont étudié le marché, puisé dans la mémoire de leur terre et fait un pari.
Une crise longue
Ils savaient que l'Ukraine était "un gros producteur de céréales parce que quand ils ont une mauvaise année, les cours montent". Ils ont découvert que Kiev exportait la moitié de l'huile de tournesol vendue dans le monde.
"Au début de la guerre, on s'est dit : ça va être compliqué pour nos vaches, avec les prix en hausse des tourteaux - résidus végétaux issus de la pression du soja, colza ou tournesol, qui constituent un apport protéique pour le bétail", explique Clément, âgé de 27 ans, qui s'occupe notamment des Prim'Holstein de la ferme.
"Puis, on a vu les cours monter tellement qu'on s'est dit qu'on allait faire du tournesol", dit-il, tablant sur une crise longue, "parce que si les Ukrainiens arrivent à planter et à récolter, il faudra ensuite exporter" et pour cela "reconstruire les infrastructures".
"On voit les industriels qui peinent à remplacer l'huile de tournesol par le colza, il y a de la demande", ajoute son père.
C'est le calcul qu'ont fait cette année de nombreux agriculteurs en France, où les surfaces de tournesol augmentent de 8,5% par rapport à 2021, notamment au détriment du maïs (-6%), selon les estimations du service statistique du ministère de l'Agriculture.
La Vendée en particulier, fait partie des départements où la tendance est la plus lourde, avec des surfaces en hausse de plus de 2 500 hectares pour l'oléagineux et en baisse de 5 à 12 000 hectares en maïs grain, celles destinées au fourrage restant stables.
Une culture peu exigeante
Cette année, tout a plaidé en faveur du tournesol : "C'est une culture très peu exigeante, qui n'a pas besoin de beaucoup d'eau ni d'engrais, et qui restitue sa qualité au sol ce qui est un avantage pour la culture suivante", explique Régis Bonnin.
Alors que la sécheresse menace, il a choisi des parcelles inaccessibles à l'irrigation pour semer son tournesol : "Il résistera mieux que le maïs s'il fait trop sec".
Il demandera moins de dépenses aussi : pas d'engrais après le premier épandage de fumier de la ferme et surtout "pas de séchage" contrairement aux grains de maïs, ce qui n'est "pas négligeable" quand le prix du fioul a doublé.
Les Bonnin restent tout même prudents : "On a gardé assez de maïs pour être autonomes en alimentation pour les vaches", qui se nourrissent aussi du foin et de l'orge de l'exploitation, en plus des tourteaux achetés.
Ils attendent avant d'engager leur future récolte, en dépit d'alléchants contrats actuellement à plus de 800 euros la tonne : "Au 15 juillet, si nos tournesols sont déjà fleuris, on vendra une partie", affirment les frères Bonnin.
"Mais il faut faire attention. La fleur de tournesol, c'est comme une éponge. S'il pleut tout le temps, ça fait de la pâte dans la moissonneuse. Il faut être sûr de pouvoir livrer le volume engagé, sinon on a des pénalités", explique Régis.
Si les pigeons ne picorent pas trop ses jeunes pousses, l'année sera belle. Mais il ne sait pas ce qu'il fera l'an prochain: "On avance avec les crises, on n'est plus sûr de rien".