Hasard du calendrier ou déclin de la mixité au plus haut niveau, l'absence de skipper féminin au départ de l'édition 2016 du Vendée Globe, le tour du monde en solitaire et sans escale, questionne fortement le milieu de la voile et son public.
Si les cinq précédentes éditions de la course avaient habitué le public à la présence d'une ou deux femmes, le huitième "Everest des mers" n'en comptera aucune, malgré le nombre quasi record de participants. Seule l'Espagnole Anna Corbella s'était préinscrite. "Quand j'ai vu qu'il n'y avait pas de femmes, je me suis dit qu'on ne pouvait pas laisser partir un Vendée Globe sans femme", confie-t-elle. Mais la navigatrice a dû abandonner, faute d'avoir pu réunir un budget minimum de 700.000 euros.
Interrogé, le directeur de la course Jacques Caraës incrimine le hasard. "Il n'y a aucune contrainte particulière de jauge cette année", explique-t-il. Et si cette édition marque l'arrivée de bateaux à foils "qui sollicitent davantage les skippers physiquement", ce facteur n'explique pas selon lui l'absence de femmes, "la voile nécessitant d'abord de la stratégie et pas seulement de la force".
Les femmes auraient-elles plus de mal à trouver des sponsors ? De l'avis des professionnels, il n'en est rien. Selon la Britannique Dee Caffari, 6e du Vendée Globe 2008-2009, trouver un sponsor reste "difficile pour tous les marins, homme et femme, surtout après le Brexit". "La proportion de skippers hommes qui trouvent des budgets est inférieure à celle des femmes", estime même Alain Gautier. Samantha Davies, sans doute la plus attendue après deux participations, rejette quant à elle la faute sur un "mauvais concours de circonstances".
Manque de renouvellement
"Nous sommes plusieurs navigatrices à avoir couru le dernier Volvo Ocean Race en 2015. Quand j'ai signé pour le Volvo, je savais très bien que je n'aurais pas assez de temps pour préparer le Vendée Globe", explique-t-elle. Une situation qui ne devrait pas se reproduire, selon elle, lors de la prochaine édition en 2020, à laquelle elle compte participer. D'autant que "la Solitaire du Figaro, tremplin pour le Vendée Globe, comptait cette année cinq femmes sur la ligne de départ".
Certains pointent cependant un manque de mixité dans la voile de haut niveau. "Nous sommes entre deux générations et il n'y a pas eu beaucoup de renouvellement après la génération Autissier, Chabaud, MacArthur", souligne Didier Ravon, journaliste à Voiles et Voiliers. "Il devrait y avoir tout un vivier de jeunes femmes prêtes à partir, d'autant que les femmes font de bons résultats", commente la navigatrice Isabelle Joschke. "Or, depuis dix ans que je fais de la course, rien n'a changé. La participation des femmes est toujours aussi faible".
Un problème de société ?
Alors que l'âge moyen des inscrits au Vendée Globe est de 44 ans, les contraintes familiales n'aident pas non plus les régatières à se hisser au plus haut niveau. "Souvent, les filles courent puis disparaissent du circuit quand elles sont en âge d'avoir une famille, c'est un problème de société",
poursuit Isabelle Joschke. "On a un faisceau de facteurs négatifs", confirme un observateur du milieu, qui souhaite garder l'anonymat. Pour lui, c'est l'évolution même de la course qui est en cause. "Si vous mettez des bateaux qui nécessitent beaucoup de technologie, d'argent, une équipe volumineuse, vous perdez les femmes", estime-t-il.
Pour permettre aux femmes de régater avec des marins expérimentés, les organisateurs de la Volvo Ocean Race (tour du monde en équipage avec escales, NDLR) ont annoncé cette semaine que le nombre d'hommes dans les équipages serait limité à 7. "J'espère vraiment qu'à l'avenir, il n'y aura plus besoin d'aucune règle de ce type. Mais aujourd'hui, il semble que ce soit la seule façon d'évoluer", a déclaré à cette occasion le directeur de la course, Mark Turner.
Avec AFP