En Vendée, plusieurs initiatives essayent de donner un nouveau visage au surf. De la planche démontable à l'élaboration de nouveaux matériaux, le surf vendéen se réinvente, même s'il y a encore du chemin à parcourir.
Simplifier la vie des surfeurs. Si facile en apparence et pourtant pas si évident. Depuis début 2022, deux jeunes Bretons fraîchement installés en Vendée ont décidé de révolutionner la pratique et plus précisément le transport des planches. Une petite révolution, à leur échelle, en circuit court.
Une planche en morceaux, mais résistante
Hadrien Nauroy et Ewen Mahévas ont 24 ans. Le surf, pour eux, c'est une passion. Ils prennent les vagues depuis maintenant dix ans, malgré la distance et des études en région parisienne.
À force de déplacement et de galère avec des engins qui mesurent entre 2,30 m et 2,70 m, ils se rendent compte que les planches traditionnelles ne sont pas pratiques pour les passionnés nomades comme eux.
En Erasmus à Lisbonne, j'ai eu l'idée de reconstituer une planche cassée en deux
Ewen MahévasFondateur de Newave
"Avec Hadrien, on a voulu simplifier le transport pour tous les surfeurs. La planche se range dans un sac à dos et on peut la stocker chez soi" détaille Ewen Mahévas.
Des planches fragiles
"La durée de vie moyenne d'une planche est de 5 à 7 ans. Un surfeur français achète une planche tous les deux ans", rappelle le jeune fondateur de Newave.
Voir cette publication sur Instagram
Ce qui explique cette courte durée de vie, c'est principalement la composition des planches. Si les professionnels cassent régulièrement leurs outils de travail (plus de 40 par ans), c'est aussi parce qu'elles sont les plus légères possible, question de performance.
Quant aux amateurs, eux, l’enjeu se concentre autour du rapport qualité/prix. Avec des matériaux bon marché, les planches sont forcément moins résistantes.
L'objectif de nos planches, c'est qu'elles durent entre 15 et 20 ans
Ewen MahévasFondateur de Newave
La durabilité est une question importante pour les deux entrepreneurs. "Oui, on veut simplifier la vie des surfeurs, mais on veut surtout leur proposer des produits de qualité qui vont durer" souligne Ewen Mahévas.
"On est ingénieurs, la priorité, c'est la qualité. Mais il faut s'engager, on est les acteurs de demain. Il faut agir à notre échelle et être en prise avec les enjeux du futur" estime le jeune Breton.
On aurait pu faire ça en Chine pour deux fois moins cher, mais on a fait le choix d'un développement local
Ewen MahévasFondateur de Newave
Fabriquées en France, et plus précisément en Vendée, au plus proche de la mer, les planches d'Hadrien et d'Ewen sont pensées pour respecter le plus possible l'environnement. Une ambition qui n'est pas forcément évidente.
Des planches (presque) propres
Parce que si les fondateurs de Newave essayent de fabriquer des planches plus durables et de faire attention à la composition, les matériaux utilisés, et tout particulièrement les résines, restent toujours problématiques.
"On fait le maximum d'efforts pour réduire les émissions carbone des matériaux que nous utilisons" explique Ewen Mahévas.
Ça reste toujours des produits avec un impact important, surtout lors de la fabrication
Ewen MahévasFondateur de Newave
"C'est comme ça pour tous les fabricants. On fait au mieux" concède le jeune entrepreneur.
D'autres initiatives en terre vendéenne
À moins de 20 km, une autre entreprise vendéenne explore les horizons d'un surf plus respectueux de l'environnement.
À Bretignolles-sur-Mer, l'entreprise Squid Surfboards travaille sur des planches issues de nouvelles technologies : le Core Tech, un noyau de mousse issue du recyclage des bouteilles plastiques et la technologie Ofoam, issue de la biomasse.
La plupart des planches de l'entreprise sont aujourd'hui composées de mousses issues de la biomasse. "C'est-à-dire que pour fabriquer le polystyrène qui représente 90 % de la planche, on utilise des déchets verts en décompositions et pas du pétrole" détaille Jimmy Boissonnot, fondateur de Squid Surfboards.
Pour les résines aussi, l'entreprise essaye de limiter le plus possible l'utilisation de polluants. "Pour nos résines, 50 % des carbones qui sont utilisés sont issus d'huiles végétales. Au-delà de ce pourcentage, les propriétés de la résine sont trop altérées" ajoute-t-il.
On estime entre 30 et 40 % de gain carbone vis-à-vis d'une planche classique faite en mousse polyuréthane
Jimmy BoissonnotDirecteur général de Squid Surfboards
Le surf, sport de masse ?
Anthony Hervelin et Jimmy Boissonnot, les deux fondateurs de la société, se sont attaqués il y a un an au marché du surf débutant. Selon la Fédération française de Surf (FFS) et la Fondation pour la nature et l'homme, en France, environ 200 000 planches (surf, paddle, etc) neuves sont vendues chaque année.
Avant, c'était un sport confidentiel, aujourd'hui, il y a une explosion du surf d'initiation
Gibus de SoultraitCréateur de Surfer's Journal France
"Dans sa dimension sport de masse, c'est surtout l'initiation qui a un impact sur l'environnement. Les planches pour débutant sont moins chères et souvent pas très propres non plus", dénonce Gibus de Soultrait.
"Avant, on ne faisait que de la planche haut de gamme. On était sur un marché de niche" raconte Jimmy Boissonnot. Pour lui, c'était important d'investir le marché débutant.
En face de nous, les concurrences sont asiatiques
Jimmy BoissonnotDirecteur général de Squid Surfboards
"Non seulement les planches viennent de l'autre bout du monde, mais en plus, elles sont faites à partir de matériaux très polluants" détaille-t-il. Pour lui, les écoles de surf et revendeurs qui utilisent ces produits venus d'Asie, encouragent une logique de consommation des planches, néfaste pour l'environnement.
Des planches en bois à l'origine
Historiquement, les planches de surf étaient fabriquées en bois, plus lourdes et moins maniables, les surfeurs étaient beaucoup moins nombreux. Le sport se pratiquait principalement dans des régions au climat chaud, comme à Hawaï.
Avec les évolutions de la pétrochimie, dans les années 1950, les planches sont devenues plus légères et ce sport a commencé à se démocratiser. Les combinaisons, elles aussi issues de la pétrochimie, ont permis de surfer dans des endroits beaucoup moins chauds et sur de plus longues périodes, comme ici en France.
Dès l'apparition des combinaisons en néoprène dans les années 1950, et de la mousse polyuréthane, le matériel du surfeur est devenue polluant
Gibus de SoultraitCréateur de Surfer's Journal France
"Le monde du surf a tiré profit d'invention de la modernité issue de la pétrochimie, au même titre que beaucoup d'autres secteurs" explique le surfer et rédacteur en chef du Surfer's Journal France, Gibus de Soultrait. Il ajoute, "ce n'est pas au monde du surf de trouver des solutions aux mousses polluantes. Malgré tout, il y a des individus et des démarches qui refusent ces matériaux polluants."
Énergies fossiles et problème de recyclage
Les planches sont fabriquées à partir de mousse polyuréthane ou polystyrène stratifié. La stratification, c'est le fait de couvrir la planche d'un mélange de tissu en fibre de verre et de résine polyester ou époxy. C'est ce mélange qui permet à la planche d'être étanche et solide.
Les planches de surf ne sont pas vraiment recyclables en raison du mélange de résine
Ewen MahévasFondateur de Newave
La difficulté pour recycler les matériaux réside dans la stratification, qui empêche de séparer les matériaux et donc de leur donner une seconde vie. Pour répondre à cette problématique, Squid Surfboards a développé des planches conçues précisément pour pouvoir être recyclées.
On maîtrise les étapes de vie de la planche
Jimmy BoissonnotDirecteur général de Squid Surfboards
Jimmy Boissonnot est, lui aussi, surfeur. Il y a quelques années, lors d'une session, il a cassé sa planche. Il s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de solution de recyclage. Aujourd'hui, son entreprise récupère les planches cassées de ses clients grâce à un système de code.
Voir cette publication sur Instagram
Si un client lui ramène une planche abîmée ou cassée, Jimmy Boissonnot peut savoir facilement qui ont été les propriétaires, son historique, mais aussi sa date de fabrication et les technologies utilisées. Tout ça est possible grâce à l'entreprise, Ocode, basée à Nantes et La Roche-sur-Yon, qui permet de marquer les planches avec un certificat numérique.
En fonction des informations récoltées, il va pouvoir envoyer les différents morceaux de la planche dans les circuits de recyclage adapté. Le noyau de mousse, mais aussi, les chutes que l'entreprise génère lors de la fabrication retournent chez leur fournisseur.
Là-bas, ces déchets seront broyés pour créer de nouveaux pains de mousse qui serviront notamment à l'isolation dans le secteur du bâtiment
Jimmy BoissonnotDirecteur général de Squid Surfboards
Un secteur sensible à la cause environnementale
La FFS le rappelle, les amateurs de vagues peuvent agir pour une pratique du surf plus respectueuse de l'environnement. Que ce soit au niveau de la planche, des combinaisons, de la Wax ou du transport, des solutions émergent.
Le surf a un rapport privilégié avec la nature
Gibus de SoultraitCréateur du Surfer's Journal France
"La pratique vous pousse à être sensible" ajoute le journaliste. Pour lui, l'engagement écologique fait partie de la culture surf. Et il le voit : "il y a des efforts qui sont faits un peu partout. Au Pays basque, il y a Notox qui développe des planches écoconçues, Greenfix développe une Wax biosourcée, Patagonia essaye de réduire le néoprène dans les combinaisons" énonce-t-il.
Il souligne malgré tout : "il y a beaucoup de greenwashings aussi là-dedans". À ses yeux, le marché de l'occasion fait partie de la solution. La seconde main permet de réduire les déchets et de prolonger la durée de vie des planches. Une bonne alternative pour les amoureux des vagues, aux petits budgets.
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv