Le professeur du lycée Antonin Artaud qui s'est suicidé dimanche à Marseille a laissé une lettre à ses proches et à ses collègues. Des mots poignants qui montrent le désarroi d'un homme qui voulait bien faire son métier mais qui déplorait les manquements de l'éducation nationale.
Pierre Jacque avait 55 ans, il était enseignant en sciences et technologies industrielles au lycée professionnel Antonin Artaud de Marseille (13ème arrondissement) depuis 2008. Il s'est suicidé à son domicile dimanche, la veille de sa pré-rentrée. Dans une lettre laissée à ses proches et à ses collègues, il explique son geste.La lettre commence par ces mots :
L'enseignant trace ensuite son parcours professionnel et décrit son désenchantement qui s'accroit à mesure que sa carrière s'allonge.Je vous fais part de ma décision de ne pas faire la rentrée scolaire 2013. En effet, le métier tel qu'il est devenu au moins dans ma spécialité ne m'est plus acceptable en conscience."
Je n'accepte pas cette situation.(...) Autrefois on savait parler et écrire un français très convenable après 5 ans d'étude primaire. Aujourd'hui les élèves bacheliers maîtrisent mal la langue, ne savent plus estimer des chiffres après 12 ans d'études. Cherchez l'erreur. La réponse de l'institution est : "oui mais les élèves savent faire d'autres choses". Je suis bien placé dans ma spécialité pour savoir que cela n'est pas vrai ! "
Ce père de famille pointe clairement du doigt la responsabilité de l'éducation nationale :
la responsabilité de l'éducation nationale est écrasante. Qui osera le dire ? J'essaye mais je me sens bien petit. J'essaye de créer un maximum d'émoi sur la question. J'aurais pu m'immoler par le feu au milieu de la cour le jour de la rentrée des élèves, cela aurait eu plus d'allure mais je ne suis pas assez vertueux pour cela. Quand vous lirez ce texte je serai déjà mort."
Sa lettre est arrivée dimanche en fin d'après-midi auprès de ses collègues qui ont tenté de le joindre, il était déjà trop tard. Pierre Jacque n'était pas spécialement dépressif d'après ses collègues. Le rectorat n'avait jamais rencontré de problème avec cet enseignant. Une cellule de soutien psychologique est mise en place au sein du lycée. Les professeurs du lycée ont demandé à pouvoir organiser une journée banalisée, sans cours, pour ne pas faire comme si rien ne s'était passé.