Kem One: les salariés mettent la pression

Inquiets de leur avenir, les salariés du groupe chimique Kem One bloquent leurs usines, à à la veille d'une décision du tribunal de commerce de Lyon dont dépendent 1.300 emplois directs, et après huit mois de négociations pilotées par le gouvernement.

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"Au vu de l'indigence des dossiers de reprise que l'administrateur judiciaire nous a présentés hier, nous avons décidé de bloquer les portails. On s'enferme dans nos usines, on les occupe, même si on poursuit la fabrication. Personne ne rentre ni ne sort tant que nous n'obtenons pas des éléments tangibles", a déclaré mardi à l'AFP Philippe Lemarchand, coordinateur CGT basé à Fos-sur-Mer


Selon Franck Zarbo, délégué FO, la détermination est la même sur les autres sites de production en France - à Lavera, Saint-Auban, Saint-Fons et Balan - où les salariés ont voté le blocage à l'appel de l'intersyndicale. Depuis qu'une partie des activités de Kem One (chlorochimie et production de PVC en amont, la fabrication de profilés et de tubes en aval n'étant pas concernée) a été placée en redressement judiciaire en mars, c'est la première fois que les salariés passent véritablement à l'action.


Un situation d'insurrection

Jusque-là, leurs représentants ont été plutôt "conciliants" - "responsables", disent les pouvoirs publics - mais Philippe Lemarchand évoque désormais "une situation d'insurrection" en dénonçant "ceux qui nous manquent de respect". C'est-à-dire "ceux" qui négocient, depuis huit mois, l'avenir des 1.300 emplois menacés: les repreneurs potentiels de l'entreprise, ses grands créanciers et fournisseurs (Total, EDF, Arkema), ainsi que le ministère du Redressement productif, dont Kem One est un des dossiers les plus sensibles. Scénario-catastrophe pour la filière, mardi, le comité central d'entreprise aurait dû donner son avis sur les deux offres encore en lice, celle du fonds américain OpenGate Capital et celle de l'industriel français Alain de Krassny, qui dirige le groupe autrichien Donau Chemie. Mais lundi, l'administrateur judiciaire a annoncé que certaines des conditions indispensables à l'aboutissement des plans de reprise n'étaient toujours pas levées. En conséquence de quoi l'intersyndicale a appelé à la grève.

Des conditions non levées

Ces clauses suspensives concernent d'une part l'apurement des dettes de Kem One à l'égard de ses grands fournisseurs, mais aussi les contrats commerciaux passés avec eux, ristournes incluses; d'autre part les engagements financiers, notamment de l'Etat, que les repreneurs potentiels escomptent d'autant plus que leurs apports en fonds propres sont limités. Une porte-parole de Total a précisé mardi soir à l'AFP que le groupe avait abandonné ses créances sur la période précédant le redressement judiciaire et qu'il s'était entendu sur un prix de l'éthylène avec OpenGate. Une porte-parole de Kem One a assuré de son côté que la direction restait confiante dans l'issue des discussions, qui continuent de progresser avec les repreneurs en vue de garantir à l'entreprise un excédent brut d'exploitation permettant son fonctionnement - le groupe perdant pour l'heure de l'argent.

Décision du tribunal jeudi

Jeudi, le tribunal de commerce de Lyon doit en principe mettre fin à l'attente des salariés en désignant, ou non, un repreneur. Mais le préfet du Rhône a laissé
entendre lundi que le tribunal pourrait reporter sa décision d'une semaine, rappelant l'engagement du gouvernement "à ce qu'une décision définitive intervienne avant Noël". "Si le tribunal de commerce n'a pas assez d'éléments en main jeudi, comme des promesses de signature de contrat, pour prononcer le report d'une semaine de sa décision, on peut s'attendre à une liquidation", a rétorqué mardi Jérôme Guillemin, secrétaire CGT du CE à Saint-Fons, où une assemblée générale du personnel est prévue mercredi à 17H00. Un tel scénario serait catastrophique pour la filière pétrochimique - très intégrée de l'Etang de Berre au sud de Lyon - avec jusqu'à 25.000 emplois directs ou induits menacés selon les syndicats. Kem One emploie 2.600 personnes dans le monde, dont 1.780 en France, pour un chiffre d'affaires de 1,1 milliard d'euros en 2012. Le groupe est né il y a 18 mois de la cession par Arkema de son pôle vinylique au financier Gary Klesch, pour un euro.


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