Des chercheurs de l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) d'Avignon tentent de dresser des abeilles au repérage du TNT présent dans les mines et les bombes. Elles pourraient ainsi participer aux campagnes de déminage dans les pays en fin de guerre.
Dans les Balkans, les récentes inondations font réapparaître les abeilles. Le biologiste Yves Le Conte, a entrepris de les dresser à repérer les mines ensevelies dans cette région.
"On savait déjà les abeilles sensibles à certaines odeurs, celles du géranium ou du néroli par exemple.
Le défi, c'est de leur apprendre à repérer le TNT"
explique Yves Le Conte, directeur de l'unité Abeille et Environnement à l'Institut national de recherche agronomique (INRA) à Avignon (sud).
C'est un chercheur croate du département d'agriculture de l'Université de Zagreb qui l'a contacté il y a quatre ans, raconte-t-il : Nikola Kesic était préoccupé par le nombre de mines anti-char et anti-personnel toujours emprisonnées dans les sols de son pays et de la région après 4 ans de conflit dans l'ex-Yougoslavie. Des mines qui risquaient d'exploser lors des travaux agricoles.
"Il s'agissait de déclencher un réflexe de type pavlovien chez l'abeille", reprend le biologiste, qui se rend alors à Zagreb.
L'expérience consiste à dissimuler du TNT sous du sable recouvert de sirop bien sucré pour appâter les butineuses. Et ça marche! Très vite même: il dispose dix boîtes dans la nature, cinq boîtes-témoins avec du TNT et cinq sans TNT. Les abeilles ne s'y trompent pas: elles foncent sur l'explosif.
Mais Apis, l'abeille butineuse, ne se laisse pas leurrer longtemps et quand elle comprend qu'il n'y a plus de sucre, elle se désintéresse rapidement de l'affaire.
Ce qui contraint les chercheurs à la "rééduquer" au sucre régulièrement, environ toutes les demi-heures.
"J'ai été estomaqué par la réaction des abeilles", confie Yves Le Conte.
Une colonie de 30 000 abeilles "démineuses"
Une première série d'expériences est conduite in situ sur un champ de mines recouvert par la végétation. Un radar infrarouge équipé d'une caméra permet de photographier la surface par carrés de 100 m de côté environ. Quand les abeilles sont lâchées, un cliché est pris toutes les dix secondes. L'infrarouge signale la présence des abeilles, ce qui permet de fouiller (avec précaution) la zone et de déminer.Nikola Kesic poursuit aujourd'hui l'expérience et reprendra ses travaux en plein champ du 15 juin jusqu'en juillet, "avec une colonie entière de quelque 30.000 abeilles, grâce à des financements européens", a-t-il indiqué jeudi à l'AFP.
Selon ses observations, le succès est encore plus évident avec un explosif comme le DNT (dinitrotoluène) qu'avec le TNT.
Lors de tests au printemps 2012, dont il a publié les résultats dans une revue allemande, M. Kesic a noté que 40 abeilles se sont posées en moyenne sur les cibles au DNT et trois sur le témoin. Alors que pour le TNT, à peine plus de la moitié des abeilles avaient préféré l'explosif au témoin.
"Nous espérons maintenant convaincre les spécialistes du déminage avec des résultats"
reprend Nikola Kesic, qui convient qu'ils se montrent encore sceptiques. Pourtant la méthode est "très simple et très rapide", affirme-t-il.
Au cours de la guerre en Croatie, quelque 90.000 mines terrestres ont été dispersées à travers le pays. Depuis la fin du conflit, il y a 20 ans, plus de 300 personnes ont été tuées par l'explosion de ces engins.
Les inondations qui noient la région des Balkans depuis le weekend, faisant 44 morts en quatre jours, provoquent des glissements de terrain qui risquent de dégager des mines en surface. Mercredi, une personne a été tuée par l'explosion d'une mine anti-personnel dans le nord de la Bosnie. Plus de 120.000 mines restent disséminées sur 2% du territoire de cette petite République.
L'odorat des abeilles est également testé pour la détection d'explosifs dans les aéroports, notamment au laboratoire national de Los Alamos
(Nouveau-Mexique) aux Etats-Unis, ainsi que dans certains aéroports pour la détection de la drogue.