"Nancy a le torticolis": le 14 août 1944, à 19H15, un message codé diffusé par la BBC à Londres avertit la résistance de l'imminence du débarquement en Provence. L'opération dite "Dragoon" débute le lendemain, 70 jours après le débarquement en Normandie.
Prendre en tenaille l'occupant allemand
L'opération "Dragoon" va consister pour les alliés (450.000 hommes, dont environ 250.000 Français) à prendre en tenaille l'occupant allemand pour le contraindre à battre en retraite.En face des Français, Américains, Canadiens et Britanniques, la XIXe armée allemande du général Wiese ne dispose que de 250.000 hommes, dispersés sur la côte méditerranéenne défendue par des blockhaus, barbelés et champs de mines, ainsi que 550 canons.
Côté français, les troupes coloniales de l'Armée d'Afrique sont très majoritairement représentées: tirailleurs sénégalais et algériens, goumiers et tabors marocains, pieds-noirs, marsouins du Pacifique et des Antilles.
Avec les troupes coloniales de l'Armée d'Afrique
Cette "Armée B", qui débarqua en Provence sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, va jouer un rôle crucial avec l'aide de la résistance locale. Ce sont en particulier ces régiments africains qui libéreront Toulon et Marseille à la fin du mois d'août 1944."Nancy a le torticolis", "Gaby va se coucher dans l'herbe", "le chasseur est affamé": le 14 août au soir, la BBC confirme aux initiés par des messages codés que le débarquement en Provence est bien pour le lendemain.
Le coup d'envoi est donné à 00H15, le 15 août: les commandos français d'Afrique du lieutenant-colonel Bouvet (Romeo Force) escaladent la falaise du cap Nègre (Lavandou)
et s'emparent d'une batterie d'artillerie. Débarqués sur 70 km entre Agay et Cavalaire (Var), les alliés occupent dès le 16 au soir une poche de plus de 30 km de profondeur (Blue Line). "C'est le jour le plus sombre de ma vie", dira Hitler face à la percée alliée.
La Motte, premier village libéré
Des commandos américano-canadiens (Sitka Force) pénètrent sur les îles du Levant et Port-Cros (libérée le 17), mais à l'est, le groupe naval d'assaut français du capitaine Seriot (Rosie Force) est décimé sur un champ de mines à la pointe de l'Esquillon.Vers 04H00, 10.000 parachutistes américano-britanniques de la Rugby Force sont largués à l'intérieur des terres. Avec l'aide des FFI, ils contrôlent la zone du Muy, entre Draguignan et Fréjus. La Motte est le premier village libéré.
A l'aube, un millier d'avions déversent 16.000 tonnes d'obus sur les défenses allemandes. Les canonniers de la marine prennent le relais. Au large, une armada de 2.000 bâtiments d'assaut et de transport sont partis le 10 août d'Italie, de Corse et d'Algérie et ont fait semblant de se diriger vers Gênes avant de bifurquer vers la Provence.
A 08H00, les premières vagues d'assaut américaines sont lancées sur les plages. A l'ouest, la 3e DI (Alpha Force) débarque à Cavalaire et Ramatuelle, au centre, la 45e DI (Delta Force) à Sainte-Maxime et la 36e DI (Camel Force) à l'est de Saint-Raphaël.
Le 15 au soir deux têtes de pont établies
Le 15 au soir, deux têtes de pont sont établies, l'une à l'est de Fréjus et l'autre enjambant les Maures: 320 soldats alliés sont morts, 2.000 Allemands ont été fait prisonniers.Le lendemain, les troupes françaises de l'armée B du général De Lattre de Tassigny débarquent à Cavalaire.
Le 17, Hitler ordonne le retrait de ses troupes, sauf Toulon et Marseille, libérés par les Français les 27 et 28 août.
La route est libre: les alliés feront leur jonction avec les troupes de Normandie le 12 septembre en Bourgogne."Aujourd'hui J+13, dans le secteur de mon armée, il ne reste plus un Allemand autre que mort ou captif", écrit de Lattre au général de Gaulle le 28 août.