Clermont et Toulon se retrouvent samedi en finale de la Coupe d'Europe à Twickenham pour écrire un nouveau chapitre d'une opposition sportive récente cultivée sur et en-dehors du terrain.
Si les années 2000 ont été marquées par les duels entre le Stade Français et le Stade Toulousain, la décennie actuelle est pour le moment celle de la rivalité ASM/RCT.
Celle-ci remonte précisément sans doute au 15 mai 2010, et une demi-finale suffocante de Top 14 remportée après prolongation (35-29 a.p.) par Clermont à la suite d'un essai non valable accordé sans faire appel à l'arbitrage vidéo.
Un match lors duquel le volcanique président toulonnais Mourad Boudjellal dira près de deux ans plus tard, en janvier 2012 après une autre défaite controversée de ses troupes contre Clermont, avoir "connu (sa) première sodomie arbitrale".
"Je viens de connaître ma deuxième ce soir", poursuivait-il. Les deux clubs se retrouveront en demi-finale du Top 14 quelques mois plus tard (15-12 pour Toulon), mais surtout en finale de la Coupe d'Europe 2013, remportée sur le fil par Toulon sur un essai de Delon Armitage chambrant allègrement le Clermontois Brock James avant d'aplatir.
Cet épisode n'a rien fait pour apaiser cette rivalité, pas plus que l'annonce par Mourad Boudjellal, en décembre dernier et en pleine saison, du recrutement pour la saison prochaine de l'ailier fidjien Napolioni Nalaga, à qui Clermont avait pourtant proposé une prolongation de contrat.
- 'Mentalité différente' -
"Si on est les meilleurs ennemis, je ne sais pas. En tout cas nous sommes deux équipes qui se retrouvent placées depuis quelques années en haut du tableau national et européen", nuance le directeur sportif de l'ASM, Jean-Marc Lhermet."On eu l'occasion de se rencontrer à maintes reprises sur des matches couperets et forcément ça créé des liens, des sortes de rivalités sportives", ajoute-t-il.
L'antagonisme n'est cependant pas seulement sportif mais aussi quasiment culturel entre deux clubs comptant parmi les publics les plus chauds de France et qui sont l'image de la ville qu'ils incarnent: le coeur de Toulon l'expansive bat au rythme du RCT, idem à Clermont-Ferrand, à la réputation plus
discrète.
"Mais ce n'est pas propre à Toulon, c'est globalement le tempérament de tout le sud de la France", nuance le Clermontois Aurélien Rougerie, lequel "parle en connaissance de cause puisque (sa) mère est Marseillaise !"
"Bien sûr, ce sont deux clubs différents à la mentalité différente", appuie le talonneur de Clermont Benjamin Kayser.
- Rock vs clavecin -
Mourad Boudjellal confirme, dans un entretien accordé à La Provence jeudi et dans un langage imagé comme à son habitude: "Ce sont deux cultures (...) Je trouve que l'état d'esprit du groupe qui dirige l'ASM (Michelin, NDLR), lui, est très moralisateur.""Je crois que le rugby est au sport ce que le rock and roll est à la musique et je ne suis pas sûr qu'à Clermont, quand ils pensent rugby, le rock soit leur musique; c'est plutôt la harpe ou le clavecin", a-t-il ajouté.
Ce n'est pas la première fois que Mourad Boudjellal tacle Michelin, multinationale qui approvisionne l'ASM depuis toujours quand lui, "self made man" s'étant fait à la force du poignet, a redonné son lustre passé au RCT en en faisant en quelques années un géant européen.
Une ascension express bâtie en partie sur le recrutement de stars quand Clermont, au budget équivalent, achète moins clinquant même s'il sait sortir le chéquier quand nécessaire.
"Je pense effectivement que ce sont des façons d'appréhender rugby et la construction d'un club un peu différentes. On n'a pas les mêmes façons de faire et de dire, les même valeurs", affirme Lhermet, directeur sportif d'un club qui aime peu faire de vagues.
Franck Azéma, le manager de l'ASM, résume: "Oui, ce sont deux philosophies différentes. Mais aujourd'hui tu peux dire que le fonctionnement de Toulon
convient à Toulon et rapporte des titres (...) Il n'y a pas qu'une seule voie pour y arriver." (avec AFP)