En suivant les indications de son système de guidage, un chauffeur a conduit son imposant camion à travers les ruelles très étroites de Villars-sur-Var dans les Alpes-Maritimes.
C'est l'histoire d'un petit village perché dans les montagnes dont la tranquillité est perturbée par un géant, Google.
Le 16 janvier dernier, peu après midi, sous le regard stupéfait des villageois, un imposant camion se retrouve sur la place de Villars-sur-Var. Pourtant, la petite commune est perchée très haut dessus de la route principale, le long du fleuve.
Ce semi-remorque de 44 tonnes, transportant des wagons de chemin de fer, vient de traverser le village, endommager une barrière, un éclairage public et une voiture. Et quelques murs...
Lorsque le véhicule s'arrête sur la place, le conducteur descend de sa cabine, hagard, "comme choqué par ce qu'il lui arrive". Alertée par des habitants, Carole Borrellli, la première adjointe de la commune, tente d'échanger avec le chauffeur. Ce dernier travaille pour une société italienne, il ne comprend pas le français ; il est submergé par l'émotion.
Mais comment cela a-t-il été possible ?
Nous avons contacté la société de transports basée en Italie pour leur demander comment était élaborés les trajets de leurs véhicules : "Nous rentrons les coordonnées dans le GPS du camion, c'est tout (...) nous n'avons rien d'autre à déclarer". Il s'agirait ici d'une erreur de GPS.
Mais à Villars-sur-Var, le problème est récurant.
Ce n'est pas le premier !
Des camions qui se sont perdus, ils en ont vu beaucoup les habitants de Villars-sur-Var. Des voitures, des motos aussi, mais un semi-remorque, jamais ! C'est même le plus grand qu'ils aient jamais vu. Celui de trop.
Il y a une semaine encore, lors du rallye du dernier rallye de Monte-Carlo, de nombreux camping-cars, motos et autres véhicules de spectateurs qui voulaient rejoindre Puget-Théniers, ont traversé la petite bourgade. En cause : l'itinéraire élaboré par "Google Maps". Il propose un premier détour par une autre vallée (La Tinée) puis suit la D26, une route très étroite et sinueuse qui passe par La Tour, Massouin et Tournefort. Ce trajet rallonge leur parcours initial d'une heure minimum et occasionnent des désagréments inutiles aux Villarois.
Passe encore pour les véhicules légers, mais cette route est interdite aux véhicules de plus de 19 tonnes, comme indiqué sur le panneau à l'embranchement entre la route principale de la vallée de la Tinée et la D26. Malgré cette signalisation, des poids lourds s'engagent sur cette voie et n'arrivent plus à faire demi-tour.
Dans un premier temps, la première adjointe mobilise ses administrés en leur demandant d'intervenir directement sur l'application "Google Maps" où il est possible d'effectuer "des corrections sur les itinéraires", en espérant que le nombre d'alertes important modifie (enfin) l'itinéraire. En vain.
"Bonjour, c'est Google"
La Métropole Nice Côte d'Azur et le Conseil départemental sont informés. Ils renforcent la signalétique et tentent d'interpeller l'entreprise Google. Aucune réponse. Carole Borrelli décide alors d'alerter les médias, dont une équipe de France 2.
Le reportage est diffusé dans le journal télévisé de 13 heures. À 13h30, mon téléphone sonne, un numéro que je ne connais pas : c'est Google !
Carole Borrelli, première adjointe de Villars-sur-Var
L'entreprise Google appelle bien suite au reportage, et souhaite prendre la mesure du problème. Le chargé des relations institutionnelles précise, tout d'abord, que les itinéraires proposés par Google Maps ne sont pas adaptés aux poids lourds, uniquement aux véhicules légers.
Pour le camion italien et ses wagons, destinés à une locomotive basée à Puget-Théniers, le plus difficile, était déjà fait. Une fois les assurances prévenues, il a repris sa route, descendu les 2 km qui le séparaient de la route principale en contrebas. Sur cette seconde voie d'accès au village, la route est plus large, les virages moins serrés.
Au moment où nous publions cet article, l'itinéraire vers Puget-Théniers proposé par Google Maps, passe encore par Villars-sur-Var. Mais l'entreprise Google s'est engagée auprès de Carole Borrelli, alors les Villarois attendent patiemment de retrouver leur sérénité d'antan.