Le jury de Pedro Almodovar se coupe du monde, et la planète cinéma retient son souffle: le 70e Festival de Cannes annonce dimanche à partir de 19H15 son palmarès, au terme d'une édition teintée de noirceur.
Qui pour succéder à Ken Loach, Palme d'Or 2016 avec "Moi, Daniel Blake", dénonciation de l'ultra-libéralisme au Royaume-Uni ? Autour du cinéaste espagnol, présidentdu jury, quatre hommes et quatre femmes de cinéma ont la lourde tâche de choisir la plus prestigieuse des récompenses, parmi les 19 films en sélection officielle.
L'acteur américain Will Smith, la star chinoise fan Bingbing, l'actrice et réalisatrice Agnès Jaoui, ou encore le virtuose du cinéma sud-coréen Park Chan-Wook vont devoir accorder leurs violons pour désigner outre la Palme d'Or, le meilleur acteur (prix d'interprétation masculine), la meilleure actrice (interprétation féminine), et quatre autres prix.
Réunis à partir de 09H00 en conclave dans une villa à la localisation secrète, les jurés ne réapparaîtront en public que pour la cérémonie de clôture.
En 12 jours, rien n'a filtré de leur côté, mais Pedro Almodovar avait estimé, à l'ouverture du festival, que "ce serait un énorme paradoxe que la Palme d'or ou un autre prix décerné à un film ne puisse pas être vu en salles", compromettant les chances de deux films, produits ou distribués par Netflix.
Le géant américain de la vidéo en ligne, engagé dans un bras de fer autour du financement du cinéma et de la chronologie des médias, a exclu de sortir en salles
en France "Okja" du Sud-Coréen Bong Joon-ho et "The Meyerowitz Stories", réalisé par l'Américain Noah Baumbach.
Trois films favoris
Du côté des journalistes et de la critique, les pronostics vont bon train. Trois films ont particulièrement marqué: "You were never really here" de la Britannique Lynne Ramsay, montré le dernier jour de la compétition, le film russe "Faute d'amour" et le Français "120 battements par minute".
Lynne Ramsay relate une histoire de vengeance et d'enfance maltraitée, deux thèmes omniprésents dans la sélection cannoise. Si elle gagnait la récompense suprême, elle serait la deuxième femme dans l'histoire du Festival à la recevoir, après la Néo-Zélandaise Jane Campion, ("La leçon de piano", 1993). Son film bénéficie de la deuxième meilleure note (3 sur 4) attribuée par le panel de 11 critiques internationaux de la revue britannique Screen, derrière le russe "Faute d'amour". Le film d'Andreï Zviaguintsev, âpre et étouffant, fait le portrait d'une société déshumanisée à travers la disparition de l'enfant d'un couple moscovite.
Autre candidat en lice: "120 battements par minute" du Français Robin Campillo, une fresque sur les années Sida en France à travers le combat de l'association Act Up. Le film a bouleversé la critique et a été accueilli avec une relative unanimité. A l'inverse, des films attendus comme ceux de Fatih Akin ("In the fade"), de Kornél Mundruczó ("La Lune de Jupiter") et, dans une certaine mesure, celui du double Palmé Michael Haneke ("Happy end") ont déçu une partie des journalistes.
France 3 a interrogé les cinéphiles dans les allées du Palais...
Pattinson, Phoenix, Trintignant, Kruger
Côtés acteurs, les performances de l'Américain Joaquin Phoenix ("You were never really here") et du Britannique Robert Pattinson ("Good Time" des frères Safdie) ont été saluées. A 86 ans, Jean-Louis Trintignant a ému en grand bourgeois voulant en finir avec la vie dans "Happy end" tandis que le comédien d'origine argentine Nahuel Pérez Biscayart, 31 ans, a convaincu dans "120 battements par minute".
Pour les actrices, Diane Kruger a impressionné dans "In the fade" de Fatih Akin, en femme meurtrie qui se venge de terroristes, et l'actrice de théâtre russe Vassilina Makovtseva a marqué les esprits avec son visage impassible dans "Une femme douce" de l'Ukrainien Sergueï Loznitsa, tout comme Mariana Spivak, glaçante dans le rôle de la mère dans "Faute d'amour".
Samedi soir, un premier prix de la sélection officielle a été attribué. Celui de la section Un Certain regard, petite soeur de la compétition, qui est allé au au cinéaste iranien Mohammad Rasoulof pour "Un homme intègre".