Festival de Cannes. Pourquoi le prix spécial du jury remis à l'Iranien Mohammad Rasoulof est-il un geste fort ?

"Les graines du figuier sauvage" a reçu le grand prix du jury pour son film. Le jury a été sensible à l'engagement politique du réalisateur. Celui-ci affirme que le peuple iranien, qui a dû fuir son pays, il dénonce "un peuple qui est pris en otage par le régime".

Le prix est un symbole de soutien aux artistes iraniens victimes de la répression et une consécration pour un réalisateur qui a bravé la censure pendant des décennies avant de se résoudre à l'exil.

Très ému, Mohammad Rasoulov a tenu un discours sérieux face au public du palais des festivals. 

"Je vous remercie tous. J'ai une pensée pour les membres de mon équipe qui ne sont pas avec moi. Il y a certains de mes acteurs et de mes techniciens qui sont retenus en Iran et qui sont retenus. Mon cœur est dans un état ambivalent. Je suis heureux que mon film soit reconnu par ce prix mais je suis aussi profondément chagriné par la catastrophe que vit mon peuple au quotidien. Chaque matin le peuple iranien est pris en otage par ce régime de la république islamique. (...) Je remercie toutes les actrices, leur courage sans borne, ceux qui ont pu venir, producteurs, distributeurs, qui ont rendu ce miracle possible. Mon cœur est avant tout avec eux. Merci à vous jury de nous avoir distingués."

Il ajoute que des journalistes et des artistes sont aussi actuellement dans les geôles iraniennes. Il ajoute : "Ne permettez pas que le gouvernement traite ainsi les artistes iraniens."

Mohammad Rasoulova été puni de 8 ans d'emprisonnement. Le réalisateur a dû fuir à pied son pays. 

Charge politique contre la dictature

L'histoire de son film est celui d'un huis clos dans un pays sous tension permanente.

Tourné en clandestinité, Les graines du figuier sauvage est un thriller paranoïaque sur un enquêteur iranien et sa famille, en pleine répression des manifestations contre le régime. Le cinéaste a entremêlé son film de nombreuses images amateurs et issues des réseaux sociaux. Il montre les rassemblements d'étudiantes et d'étudiants, les femmes brûlant leur foulard en public et les brutalités policières. Charge politique contre la dictature, le film, nourri de l'expérience carcérale de Rasoulof, rend hommage au mouvement "Femme, vie, liberté".

"Port de vêtements inappropriés"

Le père, Iman, tout juste promu enquêteur, sa femme Najmeh, qui le sert sans compter, et ses deux filles adolescentes, Sana et Rezvan. Alors que la mort d’une jeune femme pendant son arrestation pour "port de vêtements inappropriés" provoque une vague de manifestations durement réprimées, le patriarche passe son temps à prononcer des condamnations. Son épouse consacre le sien à s’inquiéter et juger les manifestants tandis que ses filles, elles, secourent une amie gravement blessée. Tout s’emballe lorsque le révolver d’Iman, symbole de sa réussite sociale, disparaît, et que ses soupçons se portent sur sa femme puis ses enfants. 

Condamné pour propagande contre le régime

Né en 1972 à Chiraz (sud-ouest de l'Iran), Mohammad Rasoulof est de longue date dans le viseur des autorités, qui l'ont condamné pour "propagande contre le régime" et soumis à de nombreux interrogatoires. Le réalisateur a été régulièrement privé de ses libertés de circuler ou de travailler en Iran. 

Et, entre le Festival de Cannes et le réalisateur iranien, c'est la suite d'une histoire mouvementée.

En juillet 2022, Mohammad Rasoulof avait été arrêté avec un autre cinéaste, Mostafa Aleahmad. Tous deux avaient été emprisonnés pour avoir protesté contre la violence exercée envers les civils en Iran. Mohammad Rasoulof avait déjà été privé de sa liberté de circuler et de travailler depuis 2017, suite à la présentation de son film Un homme intègre, qui avait remporté le prix "Un Certain Regard" lors de la 70ème édition du Festival de Cannes.

Ses films Les manuscrits ne brûlent pas, prix Fipresci en 2013 et Au Revoir, prix de la mise en scène Un Certain Regard en 2011, y avaient également été projetés. Il avait, par la suite, remporté l’Ours d’or à la Berlinale en 2020 avec Le Diable n’existe pas.

"Courage des femmes iraniennes"

L'actrice franco-iranienne, Golshifteh Farahani est à Cannes, elle a reçu le prix Humann de la fondation No more plastic pour son engagement pour les droits des femmes iraniennes. Elle a aussi monté les marches aux côtés du réalisateur Mohammad Rasoulof. 

Golshifteh Farahani, elle, vit en exil, en France depuis 15 ans. Dans le cadre de la 9ᵉ semaine du cinéma positif, quelques heures avant la montée des marches, elle était en dédicace à la Fnac pour le livre, "Nous n’avons pas peur, le courage des femmes iraniennes" (éd. Du Faubourg). Nous l'avons rencontré à cette occasion. À Cannes, elle a également reçu le Humann Prize de la fondation pour son engagement pour le droit des femmes. 

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