Après plus de six années de travaux de restauration, la villa où ont vécu Eileen Gray et Jean Badovici à Roquebrune-Cap-Martin dans les Alpes-Maritimes est prête à rouvrir au public. Si les conditions sanitaires le permettent, les visites guidées reprendront le 4 juin prochain.
Elle approche du centenaire et vient de subir un sérieux coup de rénovation. Pendant plus de six ans, quatre architectes et un paysagiste se sont relayés dans la Villa E-1027 située à Roquebrune-Cap-Martin dans les Alpes-Maritimes. Objectif : remettre les lieux tels qu'ils étaient à leur construction, en 1929.
Cette maison, avec sa vue imprenable sur la Méditerranée, a été imaginée par la designer irlandaise Eileen Gray (1878-1976) et l'architecte naturalisé français Jean Badovici (1893-1956). "E-1027" est d'ailleurs la combinaison de leurs initiales : "E" pour Eileen, "10" pour le J de Jean, "2" pour le B de Badocivi et "7" pour le G de Gray.
Le bâtiment était un véritable laboratoire des idées nouvelles du début du XXe siècle. Après avoir été laissé à l'abandon et au squat pendant plusieurs années, il a désormais retrouvé ses couleurs et son mobilier d'origine.
Nous avons voulu restaurer le bâtiment comme il était en 1929. On a ainsi enlevé l'électricité moderne pour reproduire celle de l'époque. On a gardé trois peintures murales du Corbusier. Il reste encore quelques travaux, comme les rideaux, qui seront installés dans quelques jours.
Cette restauration, qui aura coûté 5,5 millions d'euros (partagés entre l'Etat, les collectivités territoriales et des mécènes privés), a été permise grâce à un long travail de recherche parmi une centaine de photos d'époque. Visite guidée avec Renaud Barrès, l'un des architectes mobilisés sur la restauration.
De la Côte d'Azur à l'Autriche
Quand on rentre dans cette villa aux couleurs blanche et bleue et aux volets noirs, c'est d'abord la vue incroyable et qui englobe la pièce principale, qui surprend.
"Une marquise en toile permet de cacher le jardin et les arbres et, ainsi, donner l'impression qu'on est en pleine mer", explique Renaud Barrès. "Les couleurs, le bleu, le blanc, c'est l'esprit marin, comme si on était dans un bateau. Tout ça avait complètement disparu et on l'a reconstitué."
Dans la pièce principale, située au rez-de-chaussée haut : un lit, un divan, une douche, un espace lecture, un gramophone "d'époque", un meuble de rangement pour disques... "Cette pièce avait beaucoup de meubles et de tapis. Ces tapis, nous les avons refaits avec les mêmes techniques et la même épaisseur de laine qu'en 1929", poursuit l'architecte-guide, qui a réalisé sa thèse sur ce lieu.
Renaud Barrès a passé des jours et des jours sur Internet pour retrouver l'ensemble des objets présents dans la villa, notamment ceux qui ont été vendus aux enchères en 1991. Mais impossible de les racheter : trop chers et certains ont été transformés.
Par exemple, le fauteuil Bibendum, à racheter, nous aurait coûté 470.000€. La reproduction que nous avons réalisée, elle, vaut 20.000€.
Un travail de reconstitution "international" : les interrupteurs ont ainsi été recréés à Limoges grâce à une imprimante 3D et toute la partie technique a été réalisée en Autriche. "Il nous aura fallu un an d'allers-retours entre les deux pays", précise Renaud Barrès.
120m² de rangements ingénieux
Dans la cuisine, les architectes se sont aidés des traces encore visibles sur les murs pour pouvoir tout reconstruire. Les meubles et les accessoires "flambant neufs" sont recouverts d'indications : "verres", "farine", "couverts"...
Tout est écrit car c'est une maison conçue pour un homme seul (Jean Badovici) qui aimaient accueillir des amis. L'idée était que ces amis trouvent tout facilement !
Les pièces de cette maison de 120m² sont truffées de mobiliers polyvalents, de rangements cachés et d'architecture astucieuse, afin d'articuler au mieux les espaces. Les meubles ont un éclairage intérieur, les portes des placards se replient et coulissent... "Il fallait encombrer le moins possible l'espace", poursuit le guide du jour.
À l'étage du bas, on entre dans la chambre d'ami, "sans doute celle d'Eileen Gray", décorée d'une immense fresque murale de Le Corbusier, l'une des trois encore visibles dans la villa. La visite se termine dans la pièce voisine. Toute petite, sans fioriture, ni fresque au mur, elle. Le lit, replié dans un meuble, est à peine visible.
Nous voilà dans la chambre de la domestique, "la seule pièce sans chauffage".
Contraste.
En photos
Si les conditions sanitaires le permettent, la villa E-1027, ainsi que le cabanon (inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco) et les unités de camping de le Corbusier et le bar-restaurant "L'étoile de mer", seront de nouveau ouverts au public le 4 juin prochain.
Vous pourrez alors suivre ce conseil :
Quatre visites, sur réservation, auront lieu chaque jour en français et en anglais. 10.000 visiteurs viennent découvrir ces quatre bâtiments chaque année.