Produire tous les ingrédients du plus Niçois des sandwichs pour mieux décortiquer la tendance au "fait soi-même". Benjamin Carle réalise un documentaire délicieusement original.
Un an de travail pour un repas sur le pouce. Une année entière pour casser la croûte d'un pan bagnat ! C’est le pari fou de Benjamin Carle. Ce journaliste qui, en 2015, avait vécu pendant une année entière exclusivement avec des produits "made in France" pour les besoins d’un documentaire, a donc remis le couvert avec un autre concept : le "Do it yourself"…"On voulait illustrer cette tendance à faire les choses soi-même, et on s’est dit que tant qu’à faire, autant que ça se mange !" Benjamin Carle, qui a vécu deux ans à Nice durant ses études de journalisme, n’a pas oublié le plus Niçois des casses croutes. Plus qu’un sandwich, une tranche de patrimoine. "Il nous fallait un sandwich qui ait une recette officielle, un peu stricte, et le pan bagnat est le seul vraiment identifié !"
"Je pensais qu’on pouvait y mettre de la salade"
Son périple commence donc par la Commune libre du pan bagnat, histoire de maîtriser la composition exacte du sandwich. "Je savais qu’il n’y avait pas de poulet ni de mayo dans la recette, mais je pensais qu’on pouvait y mettre de la salade..." Faux, archifaux ! On ne trouve dans un authentique pan bagnat que de l’artichaut violet et des tomates bien rouges, du poivron vert, des févettes et des cébettes, du thon en miettes, du radis et de l’œuf en rondelles, quelques filets d’anchois et des olives noires. Et basta !
La liste des ingrédients en poche, Benjamin Carle a encore du pain sur la planche. Il doit produire la totalité des ingrédients ! "On est partis de zéro, de la terre. J’ai planté le blé en décembre 2016 pour en faire la farine destinée au pain, j’ai fait pousser les légumes dans des jardinières installées sur un toit à Paris, j’ai fabriqué le poulailler des poules qui m’ont donné les œufs, j’ai pêché l’anchois et le thon au pays Basque."
Un délicieux prétexte pour décortiquer une tendance sociétale
En réalité, le pan bagnat de Benjamin Carle est un délicieux prétexte pour décortiquer une tendance sociétale : une envie de fait maison, un rêve d’autonomie. Il rencontre aux Baux-de-Provence un producteur d’huile d’olives qui a choisi de revenir à la terre après avoir travaillé dans la Silicon Valley ; Il fabrique ses jardinières à tomates et cébettes avec le collectif "Merci Raymond" qui aide les urbains à remettre les mains dans la terre…
Chaque étape nous raccroche au rapport au travail, à nos mains. Ce pan bagnat nous a permis de faire le grand écart entre un philosophe aux Etats-Unis et un pêcheur au pays Basque.
Son pan bagnat il l’a finalement dégusté en septembre, quand les dernières tomates de la saison mûrissaient et que l’huile des premières olives sortait du pressoir. "Il était bon parce que les ingrédients étaient de qualité, et surtout parce que je croquais dans les souvenirs de chacune des étapes de sa longue fabrication !"
"Sandwich", sera diffusé en mars, sur Canal +.